L’air du temps…

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J’ai souri de bon coeur au sort fait par José Lenzini dans TV83.info, à Bernard Tapie qui ne supporte pas l’ombre, encore moins les échecs et les condamnations. Dès lundi 21, il était sur la 2, au journal de 20 h 00 ! Que pouvait-il espérer de mieux ?

On aimerait en rire tellement ce retour du grand Zorro relèverait plutôt du canular. N’est-ce pas révélateur des critères de choix de nos chaînes publiques ou privées privilégiant les « stars » de la com, usées ou non, quel que soit leurs déboires ou leur palmarès judiciaire. Et dieu sait que celui de Tapie est chargé !

On nous dira qu’il fait encore l’actualité…judiciaire avec les 404 millions qu’il doit rembourser, entraînant dans la foulée, la directrice du FMI, ex-ministre des finances, devant la Cour de justice de la République. Cela parce qu’elle avait recouru à un arbitrage privé favorable à Tapie dans le cadre de son litige avec le Crédit lyonnais.

Du coup, l’ancien ministre de Mitterrand lui avait renvoyé l’ascenseur soutenant Sarkozy en 2012. Avec le succès que l’on sait. On a des convictions ou on n’en a pas.

Comment veut-on que les gens honnêtes sans parler des millions de chômeurs et de précaires, de jeunes qui suivent, même distraitement, le feuilleton Tapie depuis plus de vingt ans, ne soient pas écoeurés par ces tractations qui portent sur des centaines de millions d’euros. Elles mettent en scène des personnages qui ont été ministres, qui ont justifié la désindustrialisation donc le chômage, les dérèglementations, les privatisations, la fraude et la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux…et, en prime, l’austérité pour le bas peuple, cela pour préserver les profits d’une infime minorité.

Ainsi, pour faire oublier ses gros ennuis judiciaires et financiers, Tapie nous referait le coup du prestidigitateur qui a LA solution pour éradiquer le chômage ? Que ne l’a-t-il pas mise en oeuvre quand il était ministre ? Proprement grotesque. Et les « grands » médias lui servent la soupe ! Depuis 2012, il est devenu patron de presse, actionnaire majoritaire du groupe Hersant Média, premier groupe de presse dans notre région.

Pour faire bonne mesure, notre chevalier -Saint Bernard n’est-il pas l’initiateur de l’ordre des Templiers ?- n’écarte pas sa candidature en 2017. Le messie arrive. Mais si. Du moment qu’on ne l’attendait pas, il va pouvoir faire parler de lui…et ça marche.

On est, il est vrai, en pleine recomposition à moins que ce soit en décomposition. On assiste au grand bal des faux-culs où les « vainqueurs » d’aujourd’hui se sont réciproquement fait élire par leurs adversaires d’hier, pour éviter le pire. A savoir l’ennemi commun que les politiques d’austérité qu’ils ont imposées ont nourri, tellement bien nourri que la menace vient d’atteindre le seuil critique.

Notre département et la région PACA ont illustré le très haut niveau atteint par le FN, sa progression entre les deux tours même s’il a été nettement battu par le candidat de la droite…grâce aux voix de gauche !

Du coup, les nouveaux présidents de droite font assaut de reconnaissance verbale à leurs alliés de circonstance que, pourtant, leurs instances nationales feignaient d’ignorer pour séduire leurs électeurs en route vers le FN.

Christian Estrosi, pour son intronisation, s’est de nouveau posé en « résistant » et en rassembleur, se voulant « libre pour gérer la région sans idéologie », confirmant la création d’un conseil territorial permanent ouvert aux représentants des formations non représentées au conseil régional qui n’en compte plus que deux. Oubliés ses thèmes de campagne du 1er tour.

Jean-Pierre Giran, le député-maire d’Hyères proche d’Alain Juppé, veut carrément « en finir avec la droite et la gauche »…tout en espérant la victoire de son poulain lors des primaires à droite !

Avec quelques autres Jean-Pierre Raffarin se démarque de Sarkozy. Il se veut le chantre d’un rapprochement avec le gouvernement pour trouver une solution au problème du chômage, avec en toile de fond une stratégie commune « aux vrais républicains « de nature à désigner un candidat commun susceptible de barrer la route à la candidate du FN qu’il considère déjà qualifiée.

Diable ! Tout cela n’est guère offensif, plutôt très politicien. Cela a d’ailleurs plu à Valls.
Un tel discours apporte encore de l’eau au moulin du FN qui brocarde la similitude des politiques menées par les gouvernements successifs, faisant croire à des solutions simplistes sur fond de surenchère identitaire et sécuritaire, de boucs émissaires, de stigmatisation éthnique et religieuse, de division de la société…

Donc en suivant les uns, au PS, et les autres à droite, les notions de gauche et de droite seraient dépassées. Notons que c’est exactement ce que cherche à faire croire le FN, « ni de droite, ni de gauche ». Il suffirait de prendre les meilleurs de chaque camp (désormais obsolète), et de tirer au sort (pourquoi pas ?) pour les postes à pourvoir. Puisque les problèmes à résoudre ne seraient plus d’ordre politique mais technique.

Le système économique serait immuable, tout comme les institutions, si ce n’est à la marge. Interdit de sortir des rails du libéralisme. On voterait juste pour des gestionnaires soumis à ses dogmes ! Pour quels intérêts ? Les intérêts privés, bien sûr, la loi du marché s’appliquant à tous les secteurs, sans aucune restriction.

C’est bien cela qui est mis en oeuvre et qui donne les résultats désastreux qu’exploite le FN pour détourner le mécontentement populaire vers une idéologie et des solutions ultra-conservatrices lourdes de danger. On tourne en rond.

Le Pape François qui n’est pas un adepte de la lutte des classes, nous met pourtant en garde (interwiew à Paris-Match du 15 au 21/10/15) : « L’humanité doit renoncer à idolâtrer l’argent et doit replacer au centre la personne humaine, sa dignité, le bien commun, le futur des générations qui peupleront notre Terre après nous… »ajoutant plus loin que « si l’argent et le profit deviennent des fétiches, alors nos sociétés courent à la ruine… »

Elles y courent, en effet et à grande vitesse, en France comme ailleurs même si nous avons encore un peu d’avance grâce aux conquêtes de la Résistance, justement. Le MEDEF et la droite s’y attaquent, le PS s’y réfère mais laisse les forces de l’argent faire la loi, leur loi. Cela se traduit par compétitivité-austérité-chômage-pauvreté-précarité-injustices aggravées… »Cette gauche-là n’est plus dans son axe… » comme dit Alfonsi, ancien secrétaire fédéral du PS varois.

Les vraies valeurs de gauche existent et continueront d’exister. Ce n’est pas parce qu’elles ont été abandonnées par ceux qui devaient les promouvoir que l’on va s’en tenir là. Elles ne demandent qu’à être portées dans l’action quotidienne contre tous les reculs sociaux, les injustices, la misère de masse jusqu’à opérer une rupture avec les politiques imposées depuis quatre décennies en France et en Europe.

Cette volonté est portée par les communistes, les écologistes, de nombreux socialistes, d’encore plus nombreux citoyens(nes) qui, comme en Espagne, au Portugal ou en Grèce sont prêts à relever le défi de construire une France de progrès social, écologiste et citoyenne…même si ça ne paraît pas être dans l’air du temps.

René Fredon

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