L’abbé Aimé Deschamps un agent discret mais essentiel de la Libération du Var

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Fils d’un des derniers déportés résistants du Var, Xavier Hays, résidant à Toulon, je suis chercheur sur la Résistance dans le Var, je souhaiterais lancer un appel à celles et à ceux qui pourraient avoir des photographies ou autres documents concernant l’abbé Aimé Deschamps, résistant, curé et maire de Roquebrune sur Argens, et dont le journal le quotidien local avait publié une courte biographie en 2008.
Voici mes coordonnées : Didier Hays, haysdidier@gmail.com

Comment évoquer la vie de l’abbé Deschamps, le prêtre, le résistant, le militaire, et enfin l’homme ?

DANIEL CORDIER DIDIER HAYS

La thèse de doctorat de Jean-Marie Guillon, professeur émérite de l’Université d’Aix-Marseille, « La Résistance dans le Var, essai d’histoire politique » est la source principale.
Une courte biographie d’Aimé Deschamps y figure dans le répertoire des résistants du Var, et l’abbé est cité à plusieurs reprises dans les textes portant sur l’histoire du Maquis Vallier et celle du Comité Départemental Clandestin de Libération du Var, ainsi que sur les prêtres du Var au cours de la seconde guerre mondiale.

Viennent ensuite de précieux témoignages.
Celui de Roger Baroso, membre du réseau Gallia section Sycomore dépendant du BCRA, aujourd’hui disparu. Le témoignage de notre ami Jean Morin, résistant de Toulon-Solliès, et enfin celui de monsieur R, ancien des Services Spéciaux, qui fût un de ses amis intime…

Un article du quotidien local en 2018 a brossé un rapide portrait de l’abbé.
Mais il demeure qu’aucune de ces sources ne saurait restituer la vraie personnalité de l’abbé Deschamps, projet rendu difficile de surcroit par le peu de photographies à notre disposition.

En essayant de dresser le portrait de l’abbé Deschamps nous le faisons par admiration pour cet agent très spécial de la Résistance Varoise, pour un homme multiple, aux confins de plusieurs milieux sociaux, curé hors-norme, et en espérant la clémence de sa famille si elle nous lit car il s’agit, c’est essentiel, de rendre tous les aspects de cet homme d’exception qui a marqué ceux qui l’ont connu.

L’abbé Deschamps est né à Toulon d’un père officier.
Sa vocation religieuse est précoce : il sera prêtre, Professeur au Petit Séminaire, vicaire à La Seyne, abbé de La Crau en 1939, capitaine de réserve, résistant, lieutenant-colonel du Service de Santé, curé de Roquebrune sur Argens puis maire de cette commune.
Portant soutane l’abbé Deschamps est bel homme : grand, le regard bleu, le cheveu clair, d’abord ouvert et sympathique, aimant échanger, communiquer dirait-on aujourd’hui, ce qui lui permettra d’être en rapport avec des résistants de toutes origines et opinions. Il fume la pipe ce qui complète sa silhouette.
Sa soutane, son entregent, son comportement simple et ouvert, confiait-il à Monsieur R, n’ont jamais inquiété les allemands, sa fonction de curé fût sa meilleure couverture.
Mais cette attitude a souvent déplu à l’évêché : l’abbé Deschamps est apprécié de ses ouailles mais son profil non conformiste passe mal en haut lieu !

La Résistance l’occupe entre Toulon, le Haut-Var et Roquebrune sur Argens.
Membre de l’AS du Var, des M.U.R, répertorié au réseaux Jade et Fritz-Crocus, Aimé Deschamps met en relation, cache, protège, organise, héberge les principaux acteurs de la Résistance Varoise, de Frank Arnal au docteur Elie Lagier, à Louis Picoche, tous ont été en contact étroit avec lui.
L’activité essentielle de l’abbé est la mise en liaison des personnalités, en hébergeant les chefs de la Résistance Varoise, en constants déplacements. Son sens inné des relations, augmenté de sa Foi profonde, lui donne le génie des contacts.

L’abbé Deschamps sera un agent discret mais essentiel de la Libération du Var.
S’occupant entre autre du Secours National avec le docteur Elie Lagier-Langeron, ils assurent l’approvisionnement du Maquis Vallier.
Il rencontre très tôt François Marcantoni, qui artificier à l’arsenal de Toulon rendra de grands services, sera arrêté, avant de devenir un truand défrayant la chronique entre milieu et show-biz, lui fera rencontrer Monsieur R et restera son ami.
Après-guerre nous retrouvons l’abbé en Indochine où il est lieutenant-colonel du Service de Santé des Armées.
Là aussi les contacts sont nombreux, forts et le marqueront. Comme la rencontre de Mathieu Franchini à l’Hôtel Continental de Saïgon.
Les amitiés nouées en Indochine se poursuivent en France, à Toulon, où les anciens se retrouvent en réseaux ténus.
Devenu curé de Roquebrune sur Argens ses relations, sa notoriété lui apportent la mairie de la commune pendant plusieurs années.
Les amitiés nouées au cours des années de guerre et en Indochine seront indéfectibles et forment une sorte de franc-maçonnerie, qui aime à se retrouver chaque samedi dans un bar proche de l’Opéra de Toulon. Ce sont les années soixante, la nouvelle boisson à la mode, le whisky, est de mise, les réseaux, le fil d’or de l’amitié, se maintiennent indéfectibles.
Là se retrouvent François de Leusse alias Montgraham (commando de France), le commissaire Michel Hacq alias Forain (réseaux Ajax, Fred Brown, déporté à Mathausen), Louis Picoche (à l’origine du Maquis Vallier), des amiraux, le commissaire Vigier (DST), des hommes d’affaires locaux, toute une faune.
L’abbé Deschamps ne manque aucun rendez-vous, vient de Roquebrune à bord de sa Simca, en soutane et portant toujours sa Légion d’Honneur.
Joyeux drille, il n’en n’est pas rare de le voir vaciller sur son tabouret.
L’abbé Deschamps aimait aussi la présence des femmes, et confie à Monsieur R, non sans amertume, la mémoire d’un grand amour. Dans ces moment-là ses yeux se troublent, …
Mais son amour le plus haut, le plus fort est pour Celui qu’à certains moments de la soirée il désigne, tout à coup très sérieux, levant le doigt vers le plafond en proférant : « Le Maître là-haut… »
De retour de Cannes après une soirée animée au New-Jimmy’s, à bord de la Simca qu’il conduit la pipe à la bouche, en pilote de course (à l’époque il n’y a pas ou peu de limitation de vitesse), Monsieur R l’interroge sur « Le Maître, là-haut… » dont il doute de l’existence.
L’abbé répond alors : « La fourmi sait-elle que tu existes ? »
Le bien vivre et le goût de la convivialité (après le ministère religieux qu’il mène avec le plus grand sérieux) amènent l’abbé Deschamps à devenir membre de l’Ordre Illustre des Chevaliers de La Méduse.
Jean Cocteau en fût l’hôte illustre. Par bonheur deux rares photographies nous permettent de voir l’abbé au Domaine Tempier, souriant, heureux.
Dans les années soixante-dix l’abbé Deschamps rencontre Brigitte Bardot à Saint-Tropez donnant lieu à un article de presse « L’abbé et B.B ».
On retrouvera l’abbé Deschamps mort à sa table de travail en 1981.

Voici un portrait bien incomplet.
Comment restituer toute la valeur de l’abbé Deschamps dans la Résistance Varoise ?
Nous avons essayé de dresser le portrait d’un homme, tout simplement, truculent, bien vivant, pour fidéliser sa mémoire. Et sans trahir sa fidélité au « Maître là-haut… »
L’abbé Aimé Deschamps le mérite.

Jean-Marie Guillon

DIDIER HAYS

Professeur émérite de l’Université d’Aix-Marseille
Thèse La Résistance dans le Var : essai d’histoire politique
DESCHAMPS Aimé : 1901-1981, fils d’officier, né à Toulon, professeur au Petit séminaire, vicaire à La Seyne, abbé de La Crau en 1939, capitaine de réserve. Délégué du Secours national. Participe avant l’occupation au mouvement Combat. Ouvertement hostile aux occupants italiens ce qui lui vaut un avertissement de l’évêque en juillet 1943 et l’oblige à quitter La Crau jusqu’en septembre. Vient en aide aux Juifs, aux réfractaires, héberge des résistants, fournit des vivres pour les maquis. Participe à des actions de sabotage et au réseau Jade, puis Ritz-Crocus. Chef du groupe local AS- FFI. Combats de la Libération.
Président de la délégation municipale. Part en Indochine de 1946 à 1951 comme lieutenant-colonel du service de santé. Curé de Roquebrune-sur-Argens de 1951 à sa mort.
Croix de guerre avec palmes, Légion d’honneur (officier en 1957), médaille de la Résistance

Le maquis Vallier
« Grâce à l’abbé Deschamps, de La Crau, et au docteur Lagier, de Toulon, qui s’occupent du Secours national et peuvent procurer des vivres avec la complicité de son directeur, grâce au grossiste toulonnais Augier (qui sera arrêté quelques jours), grâce au réseau étendu que l’organisation possède, la situation matérielle des hommes est mieux assurée que dans beaucoup d’autres maquis, ceux des FTP en particulier. »

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