La « peau de chagrin » et l’agent économique par Anice Lajnef

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Anice Lajnef

Notre existence sociale est semblable au mythe de la Peau de Chagrin imaginé par Balzac dans son roman « La Peau de Chagrin ».

C’est l’histoire d’un talisman fait d’une pièce de cuir ayant le pouvoir d’exaucer les vœux de son possesseur en se rétrécissant à chaque désir comblé.

Outre la symbolique évidente du temps irréversible et du désir, la peau de chagrin de chaque agent économique peut se comprendre comme sa capacité d’endettement.

Tant que nous vivons au rythme de notre travail, sans faire appel au banquier pour accélérer le temps par l’octroi d’un crédit, la peau de chagrin du consommateur ne se rétrécit pas.

Par contre, à chaque fois que l’agent économique s’endette pour assouvir un désir matériel, un vœu consumériste, sa capacité d’endettement se réduit, et sa liberté avec puisque maintenant l’homme endetté devient redevable d’une dette envers le banquier.

Ainsi, le concept de peau de chagrin de l’agent économique renvoie à sa capacité d’endettement, mais surtout à la liberté dont il est en droit de jouir.

Nous perdons donc de notre liberté à chaque fois que nous décidons d’assouvir un désir en faisant appel au banquier pour qu’il réponde à notre impatience.

La peau de chagrin qui se rétrécit de plus en plus représente la perte de notre liberté, qui s’aggrave avec le temps, jusqu’à disparaître de manière irréversible.

Certes nous répondons à un manque, à un désir, mais nous remplaçons une frustration par une situation de fragilité financière. La frustration fait alors place au stress, à la culpabilité, à la soumission aux voleurs de notre temps et de nos vies !

La seule alternative qu’offre cette machine économique pour que nous puissions regagner un semblant de liberté est de travailler plus, d’offrir plus de notre temps de vie au banquier, d’apporter en offrande toujours plus de notre sueur au système que nous avons échafaudé.

Est-ce vraiment la société dans laquelle nous voulons vivre ? S’endetter sur 30 ans pour se loger, puis partir à 70 ans à la retraite, et au mieux finir les 10 dernières années de notre vie dans un Ehpad ?

Source : https://blogs.mediapart.fr/anice-lajnef/blog

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