J’en parlerai à mon cheval !

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Ayant entendu des retours très négatifs de ce spectacle Ex-anima et d’autres carrément dithyrambiques j’ai voulu le découvrir sans à priori. Sans doute monsieur Clément Marty connu sous son nom de scène Bartabas a beaucoup d’admirateurs et pas mal de détracteurs. Certains crient au génie, d’autres sont plus sceptiques sur l’homme et ses engagements artistiques*. Mais comme disent les anglais la vérité du pudding est dans sa consommation. Alors !

Ex anima est un spectacle qui marche et même qui galope. Chapiteau du Mourillon toujours plein (il reste encore quatre séances). Accueil chaleureux, book shop bien garni, vin chaud, chouchou etc. Après des injonctions de sécurité hurlées au mégaphone le public pénètre sous le chapiteau dans une obscurité recueillie tandis qu’un son imposant martèle de sombres coups. Ambiance cérémoniale. Nuit et brouillard.

La qualité de la musique
Les chevaux entrent sous des effets de lumière saisissant. Nous sommes à l’aube des temps. Les chevaux immobiles évoquent les peintures  pariétales. Le son d’une flûte primitive s’élève dans la nuit. Il provient d’un petit ensemble instrumental à droite de la  piste  qui apportera au fil du spectacle une magnifique présence émotionnelle. La musique d’ailleurs  est une création originale empruntant  à diverses sources  polyphoniques et polyrythmiques  (Asie centrale, Steppes, Turkestan, Sibérie, Mongolie…) La musique du spectacle par François Marillier est en soi un des éléments forts de la soirée.

Dans le public les jeunes enfants s’agitent un peu. Ils comprennent que ce cérémonial, lent et hiératique n’est pas vraiment pour eux.

Une célébration du Cheval
Car toute la conception du spectacle évoque la place du cheval dans les sociétés humaines. Un hommage en somme au canasson qui a tant apporté à l’homme.

Que seraient sans leurs chevaux les Hittites, Achéens, Doriens, Indo européens, Mongols, Turcs, Perses, Romains, Goths, Ostrogoths, Wisigoths, Seldjoukides, Tirghizes, Vandales, Alains, Toungouze, Arabes, Chevaliers francs, Cavaliers des Steppes, Laboureurs des plaines, Mineurs de fond, Conquistadores d’Espagne et du Portugal, Pionniers des Amériques, Uhlans de Reichoffen, Dragons de Murat, Hussards de la Garde Impériale, Yankees du Potomac, Cowboys des  westerns jusqu’à la courageuse cavalerie polonaise qui se sacrifia en 39 contre les blindés d’Hitler…J’en passe et des bien montés. Le ton de ce spectacle éminemment poétique joue donc  sur la proximité retrouvée de ce noble animal.

Une série de séquences parfaitement réglées.
Dans cette soirée cérémoniale, aucune voix off ne vint troubler le cours de cette méditation visuelle. Les  images se succédant aux images. Certaines  sont très fortes : les chevaux morts attaqués par des loups, (il aurait  tout aussi bien pu choisir d’évoquer les vieux chevaux éventrés lors des corridas… ) ou encore le cheval batifolant dans son milieu naturel, ou l’animal devenu aveugle par le noir des mines, hissé par un palan (emprunt à Germinal de Zola) ou encore le cheval de trait dans son dur labeur ou pour finir celle de l’étalon noir dont on recueille la semence pour perpétuer la race. Tout cela est réglé au cordeau par un Bartabas exigeant, maître absolu de ses discrets palefreniers. Pas un texte, pas une parole, pas un instant de complaisance. La nuit, les chevaux, la musique.

Le résultat est superbe et l’on ne peut que s’incliner devant ce grand professionnalisme.

Sans doute Bartabas signe ici une sorte de synthèse de tout  ce qu’il veut nous dire. À la sortie, suivant la cohorte gelée des spectateurs, on entendait de multiples commentaires. Incontestablement c’est une célébration à voir même si elle ne peut être considérée comme une œuvre répétitible hors de son contexte créatif. Peut-être qu’a la place de la petite oie transportant un coq en plastique, la présence d’un âne, oui d’un petit âne gris  aurait été plus judicieuse, complétant l’hommage que l’humanité doit à cet humble cousin des purs sangs. J’en parlerai à mon cheval !

Jusqu’au  15 décembre  Ex Anima théâtre Équestre Zingaro conception et mise en scène Bartabas. Musique originale François Marillier, Véronique Piron, Jean Luc Thomas et Wang Li.

Jean-François Principiano

*En octobre 2019, il signe (au nom du refus de toute censure) avec 40 personnalités du monde du spectacle et de la culture, un appel contre l’interdiction de la corrida aux mineurs que la députée Aurore Bergé voulait introduire dans une proposition de loi sur le bien-être animal.

 

 

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