Forcalquieret : un murmure italien

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Vendredi soir, de l’église Saint-Martin de Forcalqueiret s’évadait un murmure italien à l’occasion du concert de la formation varoise Cantastrorie. L’originalité du groupe Cantastorie tient dans la diversité de son répertoire. Ce dernier puise ses sources tant dans l’univers populaire que dans celui du monde épique et poétique. Accompagnés d’instruments anciens, traditionnels ou modernes, leurs chants résonnent de leurs voix aux timbres variés : chants de travail, chants de lutte, chants du peuple, chants d’amour, chants baroques et sacrés.

Dans le cœur de l’église, les musiciens expérimentés exprimèrent avec passion et volupté la richesse de la musique traditionnelle italienne. Alain Trouve et Lydia Verdino au chant, à la guitare et aux percussions font un réel travail pédagogique sur ce patrimoine traditionnel musical par des descriptions de chacun des morceaux. Patrick Ayala, diplômé du conservatoire d’Aix en Provence, issu de la culture jazz, apporte une harmonie et un savoir technique sur l’usage de ces instruments anciens. Caroline Pasqual, à travers son timbre de voix cristalline, sa virtuosité à la flûte traversière et à la viole de gambe, ouvre avec élégance le registre baroque. Enfin au chant, Alizée Elefante est une jeune prodige d’origines franco-italo- haïtienne qui chante depuis l’âge de 7 ans, formée à l’école des “Glottes Trotters“ à Paris où elle travailla avec des artistes internationaux tels que Esma Redzepova, Giovanna Marini, Lucilla Galeazzi ou Mimi Barthélémy ; et s’est déjà affirmée sur les scènes les plus prestigieuses (Cirque Royal de Bruxelles, New Morning à Paris, Festival les Suds de Marseille). Son talent et sa voix pénétrante qui touche au cœur des émotions enrichit avec un lyrisme subjuguant ces chants traditionnels, tel que le mélancolique Jesce Sole.

À quelques semaines avant la sortie de leur premier album « Mescolanza », le groupe Cantastorie déroula, pour le bonheur du public, en soliste ou à plusieurs voix, un répertoire très diversifié. Les chants interprétés sont l’aboutissement d’arrangements composés par eux-mêmes pour leur instrumentation et leur sensibilité, tout en gardant l’esprit des œuvres originales.
Dès les premiers morceaux, le public est captivé. Avec une incroyable expressivité naturelle, Cantastorie invite à un envoûtant voyage musical, à la rencontre d’un répertoire méconnu, nourri de chants traditionnels et populaires d’Italie méridionale, de rythmes dansants. Les mouvements s’enchaînent et se développent de manière généreuse et réjouissante.
Au fil des morceaux, le concert prit une inspiration très appréciée. Le public captivé tangua au rythme de la Tarantella del Gargano, avant de participer avec enthousiasme sur un ultime rappel final au son de Bella Ciao qui prolongea la représentation, un moment jubilatoire.

Questions à Alain TROUVE (guitariste, percussionniste et chanteur) :

FV : Comment s’est formé le groupe Cantastorie ?
AT : Cantastorie est né de la rencontre de quatre musiciens, amateurs et professionnels, passionnés par la musique traditionnelle. Les origines italiennes, comme pour de nombreux provençaux, ont orienté le choix de ce répertoire mêlant musique baroque et chants traditionnels, voire populaires. Par la suite, la formation s’est enrichie d’une nouvelle voix passionnée par ce répertoire, apportant encore plus de diversité et de cohérence. Notre groupe tri-générationnel compte aujourd’hui cinq membres en centre Var.

FV : Que signifie « Cantastorie » ?
AT : Littéralement, un cantastorie est un chanteur d’histoire. En Italie, de l’époque médiévale jusqu’à la fin du XXème siècle, les Cantastorie jouaient un rôle important dans la vie sociale. Ils étaient l’unique lien culturel entre le peuple analphabète et le monde épique et poétique.
Bien avant les journaux, la radio, la télévision et les technologies multimédia, ces musiciens-chanteurs-conteurs, parcouraient le pays pour raconter en chansons (toujours composées par eux-mêmes) des histoires réelles, des récits, des anecdotes et aussi des légendes.
Ils se produisaient sur les places publiques, s’accompagnant d’un instrument (souvent une guitare) et disposaient près d’eux de grandes affiches représentant des scènes, un peu comme des bandes dessinées géantes, qui illustraient le déroulement de leurs récits.

FV : Vous êtes l’unique formation varoise à interpréter exclusivement de la musique traditionnelle italienne, pourquoi ce répertoire ?
AT : Effectivement, ce répertoire est peu pratiqué dans le département. Notre choix s’est fait tout naturellement par nos origines d’une part, et surtout par l’immersion que l’on a pu faire dans cette culture tant musicale que sociale auprès de groupes italiens qui nous ont communiqué l’esprit et leur passion lors de stages ou de fêtes locales … l’ancrage de la musique populaire est très fort dans la tradition orale et socio-culturelle en Italie, comme dans de nombreuses régions méditerranéennes.
La musique traditionnelle italienne est évidemment liée ici aux nombreux régionalismes qui font de l’Italie une mosaïque de folklores et de dialectes distincts. On y retrouve des polyphonies, des monodies, des ballatas, scampanadas, chiasso, tarantelle, tamuriate, etc… Il existe aussi depuis fort longtemps diverses communautés immigrées (albanaise, grecque, balkanique, nord-africaine, etc…) qui ont conservé leurs traditions et qui ont influencé la musique traditionnelle en apportant par exemple des voix très hautes, voire nasales, usant d’ornementation quasi orientale.

FV : La musique traditionnelle est considérée comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, pourquoi vous semble-t-il important de pouvoir le transmettre ?
AT : Transmettre les traditions, c’est pérenniser l’avenir de la vie sociale et culturelle. La musique traditionnelle témoigne de tout un passé, d’une histoire et tout un vécu qu’il faut absolument préserver. Par ailleurs, notre formation s’est constituée en association depuis 6 mois pour promouvoir cette culture artistique dans la région (musique, danse, théâtre, photos, stages, contes, interventions en milieu scolaire …).
Dans le Var, territoire propice au développement de ce patrimoine, le Chantier musical de Correns, par exemple, est garant de cette transmission, grâce au soutien qu’il apporte aux artistes qui diffusent et créent toutes les formes de musique traditionnelle.

FV : Parlez-nous de votre premier album « Mescolanza »
AT : « Mescolanza » signifie en français mélange, mixité, métissage; c’est exactement ce qui caractérise notre album. Notre répertoire mêle des chants populaires avec des chants baroques, nos voix aux timbres variés se succèdent et fusionnent ensemble, notre instrumentation se diversifie à chaque titre. L’image qui me vient à l’esprit est une palette de couleurs qui, en un seul tableau, illustre tout un monde musical.

François Volpi

Informations : https://www.facebook.com/CantastorieBanda/

 

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