De Washington à Coblence

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Le 45è président des Etats-Unis a fait une entrée fracassante à la Maison Blanche. Il n’a pas du tout policé son discours de campagne, ne serait-ce que parce qu’il a réussi là ou personne ou presque ne l’attendait.

Son premier acte est très symbolique : à peine intronisé, il a signé le décret qui abolit « l’Obamacare » instauré en 2010 et qui visait à permettre à tous de s’assurer dans un système privé auquel un tiers de la population n’a pas accès. Promesse qui n’a été que partiellement tenue du fait de l’opposition des…Républicains de Trump.

Inutile de préciser que, par delà les déclarations démagogiques , Trump n’a pas l’intention de toucher au caractère privé de l’assurance ni d’accroître les indemnités mais de durcir encore le système, surtout pas de le démocratiser. Le milliardaire ne reconnaît pas les droits sociaux. Il appelle ça de l’assistanat. Et la protection sociale relève de chacun. La santé est une marchandise, la couverture une affaire de choix individuel, donc à plusieurs vitesses !

Le peuple américain n’est pas prêt « à accéder à la meilleure santé et à la meilleure couverture possible » qu’il lui promet dans la foulée, histoire de la rassurer.

Pour le reste, même tonalité dans son discours : « ce sera d’abord l’Amérique et seulement l’Amérique…ensemble nous rendrons sa force à l’Amérique (ça laisse pas mal de marge d’interprétations), sa grandeur, sa richesse, sa sécurité… » cela dit en levant le bras poing fermé !!

Il ne recule devant rien. Il n’allait pas dire le contraire de ces phrases convenues en pareille circonstance. On est populiste ou on ne l’est pas ! Et même très, très à droite.

Comme Mme le Pen, qui ce week-end n’était pas à Washington mais à Coblence, là où s’étaient regroupés les royalistes à la Révolution de 1789 pour organiser une armée. Toute l’extrême-droite européenne était là, à la recherche de sa cohésion sur les mêmes thèmes qui ont fait le succès de Trump : migrants, immigration, sécurité, identité, racines chrétiennes, rejet de l’islam…

Cette rencontre à l’invitation de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), un parti anti-migrants qui a fait une percée et compte bien entrer au Bundestag. M. Le Pen s’y est réjouie « du réveil en 2016 des peuples anglo-saxons », (victoire de Trump aux USA et du Brexit en Angleterre mais aussi des « patriotes » en Allemagne).

En 2017 des élections nationales auront lieu en France, en Allemagne et aux Pays-Bas (dès mars). Au moment où les Anglais quittent une Europe déjà très fragilisée en raison de sa soumission aux dogmes libéraux tandis que la crise internationale se développe. Ce que l’extrême-droite exploite dans le sens du repli nationaliste et xénophobe le plus étroit.

A Coblence s’y est affirmée l’idée de « rendre sa liberté au Vieux Continent ». C’est d’ailleurs ce qu’a martelé la présidente du FN qui a rendu un hommage appuyé à Trump, omni-présent dans cette assemblée de populistes « ultra-conservateurs » : « «Nation, maîtrise des frontières, patriotisme, identité : c’est au nom de ce pack d’idées que M.Trump a été élu et investi hier» a-t-elle déclaré en conférence de presse.

On ne peut être plus clair. C’est bien la même voie que le FN et les extrêmes-droites européennes veulent emprunter pour accéder au pouvoir. Pas du tout pour s’attaquer aux causes de la crise, la domination d’une infime oligarchie de privilégiés, maîtres de la finance et des institutions économiques et politiques. Mais bien pour sauver un  système qu’ils prétendent contester, en exploitant la colère des peuples et en les opposant pour mieux les détourner de toute velléité progressiste. De toute solidarité pour qu’ils se libèrent de toutes les exploitations et des régressions sociales qu’ils subissent. Y compris dans les pays les plus industrialisés, les plus militarisés.

« L’Europe des nations libres » qu’ils veulent voir advenir nous rappelle celle que certains dictateurs de cette vieille Europe avaient entrepris après avoir séduit les couches populaires en proie au désespoir. Comment tout cela a-t-il fini ? Eux aussi avaient des rêves de grandeur, de puissance et promettaient la prospérité à leurs peuples désabusés avant d’être fanatisés puis déshumanisés..

Dans les rues de Coblence plusieurs milliers de manifestants rappelaient ce qu’étaient et où voulaient en venir cette coalition « brune » en tenue à peine camouflée dont la progression électorale, partout en Europe, constitue un phénomène des plus inquiétant. Il a désormais une référence internationale : Trump.

A Coblence, des pancartes indiquaient que « celui qui dort en démocratie peut se réveiller dans une dictature ». Il y a même un des responsables de l’AfD, Björn Höcke, qui a osé déclarer que le Mémorial de l’Holocauste à Berlin était « une honte » !

En 1933 le grand capital rhénan s’était très bien accomodé de l’exaltation nationaliste du nouveau pouvoir qui s’était même affublé du mot « socialisme » pour donner le change. Mesurons, par delà toutes les précautions de langage qu’ils prennent en France (moins ailleurs) ce que représente cette  nouvelle montée en puissance d’une extrême-droite revenue en force sur la scène politique et qui maintenant se réclame d’un milliardaire raciste, sexiste, ultra-conservateur, bâtisseur de murs et qui veut réactiver le « rêve américain », celui où tout le monde peut devenir riche !

La France, l’Europe ont un urgent besoin de repenser leurs modèles, leurs projets, au vu des résultats et de leurs conséquences inverses à leurs promesses. C’est dans un tout autre sens qu’il faut s’engager et bien entendu éviter le pire. Le peuple va en avoir l’occasion.

René Fredon

Crédit photo : http://www.businessinsider.fr/us/nbc-donald-trump-2015-6/

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