Samedi, l’assemblée nationale a voté après un débat serré en première lecture le projet de loi instaurant « l’état d’urgence sanitaire » -que les députés communistes et LFI n’ont pas voté- et que le Sénat devait examiner dimanche après-midi.
Autrement dit le gouvernement dispose des pleins pouvoirs pendant un mois renouvelable pour déroger à l’état de droit concernant le coronavirus. Il a annoncé le durcissement des sanctions en cas de violation des règles du confinement, 1 500 euros en cas de récidive dans les 15 jours, 3 700 euros pour 4 violations dans les 30 jours, jusqu’à 6 mois de prison au maximum. (1)
On apprenait, sur un certain portail d’internet que « les Français seraient fixés lundi sur la durée du confinement » suivi d’un texte qui se voulait rassurant autant que solennel : « La France achète des masques et réfléchit à la suite du confinement »!(2)
Parce que « la France », trois mois après le début de l’épidémie, manque de masques, de gants , de gel hydroalcoolique … Ne parlons pas de dépistage : « la France » réfléchit également. Ses hôpitaux sont débordés et « la France » craint par dessus tout que les Français demandent des comptes…à « la France » qui les a mis dans cette situation au nom de l’austérité, de la réduction des dépenses et des services publics en même temps que « la France » livrait la santé aux marchés financiers.
Mais c’est qui « la France »? les citoyens qui la composent ou les politiques qui la gèrent ? Vous allez dire que ce n’est pas la faute « de la France » si un virus parti de Chine est en train de parcourir le monde à la vitesse « grandV » et que c’est le monde entier qui se trouve sous une menace historiquement grave. Ce qui nécessite d’y faire face et, en l’occurrence, de recourir aux grands moyens pour limiter sa prolifération avant de l’éradiquer.
Ce qui rendrait contre-productif ,dit-on du côté du pouvoir, toute polémique à un moment où nous devons privilégier la discipline et un strict confinement pour qu’il porte ses fruits en même temps que pour répondre à l’engorgement de nos hôpitaux où les personnels sont les plus exposés ! De là à décider seul, de fait, ce n’est pas forcément le plus efficace en démocratie.
D’autant plus que ce pouvoir a fini par mettre les hôpitaux « à l’os » et ce n’est pas faute de l’avoir dit à la France qui nous gouverne et qui nous demande aujourd’hui de rendre hommage à ces personnels qu’elle a si peu écoutés et qui a conduit 1 200 professeurs chefs de services a démissionner récemment pour protester contre la dégradation de nos hôpitaux publics. Sans compter les grèves syndicales qui ont été menées pendant des mois notamment aux urgences.
On n’a pas d’autre choix que d’utiliser les moyens qui nous restent et qui ne peuvent que durcir le confinement jusqu’à l’infléchissement de la courbe qui est encore dangereusement montante.
Commandes en cours…
Cela nous empêche-t-il d’être lucides et de partager les constats les plus sévères qu’on entend tous les jours sur le fait que nous manquons toujours de matériels essentiels aux hôpitaux, aux EHPAD, aux 250 000 pompiers eux-aussi impactés et en première ligne qui demandent instamment à l’État de leur garantir la fourniture de masques au plus vite…
Le ministre de la santé vient d’indiquer que la France en a commandé 250 millions, le stock de l’État n’étant que de 86 millions et la consommation de 24 millions … par semaine. Pour les EHPAD il a estimé qu’il en faut 500 000 …par jour!
Autrement dit, la commande, quand elle arrivera, sera absorbée en 10 semaines. Restera le stock initial, un peu plus de deux semaines. Toute attente privant les personnels soignants, au sens large, de cette précaution basique. Le manque de lits obligeant à faire des choix au détriment de certains catégories de malades, selon des critères inhumains !
Quant aux tests de dépistage le ministre a assuré qu’ils allaient « se multiplier au moment où nous lèverons le confinement…avec l’espoir de voir se développer une nouvelle méthode diagnostique plus simple et plus rapide ». Des tests réservés aux plus fragiles, aux plus âgés.es, aux femmes enceintes…L’Allemagne, moins touchée que la France, en a fait une priorité et dispose de davantage de lits.
On est donc passés à l’état d’urgence sanitaire alors qu’à nos frontières l’Italie (près de 5 000 décès ) est devenue le pays qui dénombre le plus de morts du virus, avant la Chine (2 835 décès en 40 jours) qui semble sortie d’affaires…la France en comptant 562.
Il est à craindre que les dispositions économiques et sociales subissent des interprétations défavorables aux salariés contraints de travailler par des employeurs qui ne font pas partie des secteurs dérogatoires et qui tordent le code du travail. Avec les pressions que l’on imagine, notamment de la part des grands fournisseurs numériques comme Amazone mais pas seulement.
Ce que révèle aussi la situation actuelle c’est que le confinement ne touche pas de la même façon les catégories sociales et notamment les populations qui s’entassent dans des logements trop petits ou bien n’ont pas de domicile pour se confiner et restent particulièrement vulnérables au virus !
Pour l’heure, avec toutes les réserves que l’on peut faire sur cet état temporaire d’exception on n’a pas d’autre objectif que de contenir le virus et d’en limiter la prolifération autant qu’il est possible.
René Fredon
(1) L’intervention de Fabien Roussel, député PCF à l’Assemblée nationale