Coronavirus : la guerre des laboratoires en même temps que la guerre idéologique ?
Le Dr. Trump commente tous les jours le bilan des ravages du covid-19 aux États-Unis en y ajoutant des suggestions de son crû telles des piqûres sous cutanées de détergents !!! Il veut démontrer sa foi en la supériorité de la grande puissance dans tous les domaines. Heureusement le ridicule ne tue pas.
Mais cette fois c’est sa cote de popularité qui l’inquiète, ses interventions tragico-burlesques se traduisant par un décrochage dans les sondages de son électorat qui paraissait d’une stabilité stupéfiante retrouvant dans le personnage l’image de l’Amérique ultra-conservatrice assurée de sa domination sur le monde, par sa puissance militaire et sa monnaie.
Il en est arrivé, sur les réseaux sociaux, à appeler ses soutiens à manifester, armes à la main, -hallucinant- contre les gouverneurs -y compris républicains- qui maintiennent le confinement et ne le suivent donc pas, lui, pour pousser à une reprise qu’ils estiment prématurée, du travail. Il prend le risque d’aggraver du même coup la situation économique et sociale considérablement dégradée alors que, rapportée à la population, le nombre de décès par million d’habitants est deux fois moins élevé qu’en France !
Aux E-U, il n’y a pas d’amortisseur social. En quinze jours le chômage a fait un bond colossal : 26,5 millions d’américains -soit 20% de la population active- ne sont plus couverts. Car, là-bas, vous êtes assurés -à minima- tant que vous avez un « job » mais vous n’avez plus rien du jour au lendemain dès que vous le perdez.
Trump veut rassurer ses électeurs de la capacité de son pays, leader contesté du monde qui voit poindre de rudes concurrents, en premier lieu la Chine, qu’il accuse d’avoir fabriqué le virus pour lui faire perdre l’élection ! Et il enfonce le clou du complot relayé par une large fraction de son électorat, malgré tous les communiqués d’une très forte majorité des scientifiques -y compris américains- qui rejettent depuis le début, la thèse complotiste d’un virus issu d’une manipulation humaine volontaire ou pas du laboratoire chinois qui l’avait identifié.
Cela relève de la guerre idéologique.Trump est allé jusqu’à prétendre que l’OMS (Organisation mondiale de la santé, près l’ONU) était sous influence chinoise et, dans la foulée, a retiré la participation des E-U à son budget. Macron et d’autres chefs d’États l’avaient soutenu, du bout des lèvres mais soutenus. Un soutien avant tout idéologique car sinon ils auraient paru déserter leur camp.
Non pas que les Chinois soient exempts de tout soupçon en matière de transparence mais quand toute la communauté scientifique -ou presque- écarte l’accusation de Trump, quant à l’origine du virus, approuver son geste unilatéral privant l’OMS de près du quart de ses ressources, traduit une attitude de soumission de principe à l’égard du parano dangereux qui trône à la Maison Blanche et se prend pour le maître du monde.
Il en a les attributs et le bouton sensible à portée de main sur lequel appuyer.
Un vaccin d’ici la fin de l’année ?
Le 1er mai, Trump, qui voulait moins s’exposer, vu son profil scientifique, n’a laissé personne annoncer au monde entier qu' »après un grand essai américain », l’agence du médicament FDA, venait d’autoriser en urgence un antiviral expérimental, le « remdésivir qui serait disponible avant la fin de l’année 2020« a-t-il précisé en présence du PDG du laboratoire Gilead. (1)
« Les médecins vont dire: vous ne devriez pas dire cela. Je dis ce que je pense« , a-t-il ajouté.
Ce médicament réduirait de 4 jours le temps de rétablissement des cas graves, ramené à 10 jours, voir même à 5 jours… « les avantages étant supérieurs aux risques… »il sera distribué en priorité aux hôpitaux des villes les plus touchées par la pandémie.
Un traitement par voie intraveineuse pendant 10 jours, l’autorisation d’urgence couvre un traitement en cinq jours, car l’ étude du laboratoire aurait montré que l’effet était similaire…
Quelques bémols
Une semaine auparavant, la revue « Sciensesetavenir » publiait un communiqué de l’AFP qui titrait : « Echec apparent de l’essai clinique d’un antiviral remdesivir« …(2) et un autre, toujours émanant de l’AFP (3) le 29-4-20, signalait qu’un médicament utilisé sans succès contre le virus Ebola émanant de la chauve-souris, observé depuis 1976 n’était autre que le remdesivir reéxpérimenté en Chine, aux Etats-Unis et en Europe dans la lutte contre le covid-19.
Trump a donné le feu vert au processus d’urgence, l’agence américaine du médicament a engagé le processus même si l’essai ne dit pas si le médicament permet de sauver des vies, les résultats n’ont pas été publiés en entier. Que n’entendrait-on pas en France ? L’autorité sanitaire américaine , le Pr Anthony Fauci qui s’efforce de limiter les dérapages présidentiels -lourde tâche- s’est montré satisfait mais prudent…
Souhaitons à cette mise accélérée sur le marché de tenir toutes ses promesses.
Premier effet : le cours de l’action du laboratoire Gilead a fait un bond de 5,5% à Wall-Street, ça n’a pas traîné. Son PDG, a renvoyé l’ascenseur et offert au président son stock de 1,5 million de doses. De quoi traiter 140 000 patients contaminés. Il a eu vite fait le calcul. Il y a un sacré marché derrière !
Mais les économies sont au plus mal avec, aux E-U, un arrêt brutal de la croissance depuis 2008 et la plus forte baisse du PIB enregistrée avec -4,8% au 1er trimestre ! Un envol du chômage qui met 26,5 millions de salariés sans ressource du jour au lendemain, car là-bas vous êtes protégés à minima tant que vous avez un « job ». Le licenciement n’appelle aucune indemnité de droit…sauf si vous êtes PDG ! C’est l’enfer dès que vous n’avez plus de travail et la reprise n’est pas à l’ordre du jour, nulle part.
Voilà qui ramène les E-U et le monde à la grande dépression de 1929 : la recession est avérée, de grande ampleur, nul ne peut en prévoir la durée et encore moins « l’après ». C’est toujours la bourse qui leur sert de boussole pour tenter de sauver le capitalisme ?
Elle est, en effet, l’incarnation, l’outil et le symbole de la financiarisation organisée de l’économie exlusivement tournée vers la course aux profits, la compétitivité, la rentabilité des dividendes, la marchandisation de tout…ce qui explique l’ampleur que prend la crise sanitaire doublée d’une crise économique et sociale qui annonce la fin d’un système en pleine décomposition. En pleine liquidation des services publics…si on ne l’arrête.
De cela il ne faudrait pas débattre ? Et laisser le pouvoir aux mêmes qui nous promettent de tirer les leçons de leurs propres échecs. Il faudrait les croire et leur faire confiance ? Leur laisser notre avenir entre leurs mains ? Alors qu’ils ont en tête de nous faire payer les pots cassés de LEUR crise.
Quelques rustines et on repart dans la même direction, selon les mêmes critères : les riches au pouvoir, les autres à leur service ! Ce n’est pas le travail qu’ils valorisent, c’est l’exploitation du travail…quand il y en a. Et ça porte un nom : le capitalisme, devenu très archaïque, une entrave au développement humain et à la survie de la planète !
Leur message est clair, il vient d’Amérique et de Trump. Il se résume à ceci : » tant que les E-U tiennent bon, c’est tout l’occident qui tient bon ». Seulement, la puissance, Trump n’a pas l’intention de la partager, mais de l’imposer, y compris à ses alliés ( qui riment avec valets). En bon national-populiste, ce sont les intérêts des E-U qu’il défend, comme tous les autres sécuritaires de droite et d’extrême-droite font de la sur-enchère nationaliste. Rejoints par les opportunistes, un pied dedans, un pied dehors. « Il y a des « bons » des deux côtés », disent-ils. Oui mais la balance, elle, penche toujours d’un seul côté. Elle n’est jamais à l’équilibre.
Et puis, suprême argument : la peur ! « Il n’y a pas d’alternative au libéralisme ! » On va en entendre parler. Mais où ont-ils vu çà, nos « bâtisseurs de ruines » (4), nos liquidateurs de protections sociales, de droits acquis, de solidarités internationales piétinées…nos chevaliers de « la concurrence libre et non fausée » qui ne profite qu’aux très riches tandis qu’elle écrase les peuples !
Le 14 juillet ne pourrait-il pas être une occasion exceptionnelle de déconfiner notre esprit républicain. Et de rappeler les idéaux qui ont rassemblé les « sans culotte » venus à bout de la monarchie de droit divin, qui ont aboli l’esclavage et mis fin aux privilèges, hélas pour un temps. La République est à réinventer.
René Fredon
(2)sciencesetavenir.fr/sante/echec-apparent-d-un-essai-clinique-de-l-antiviral-remdesivir-contre-le-covid-19_143754
(4) Allusion à un poème de Paul Eluard écrit en 1936, inspiré de la guerre d’Espagne
http://unoeilsurlapage.blogspot.com/2016/01/paul-eluard-novembre-1936.html