Conseil régional : Estrosi traite Vardon « d’héritier de Goebbels »
Les séances du conseil régional sont le théâtre de violentes empoignades entre les deux formations, LR et FN, qui se partagent la totalité des sièges. On a l’impression que le président Estrosi et sa concurrente Mme M. Maréchal Le Pen poursuivent leur campagne électorale des régionales qui avait donné à la seconde, un score qui lui avait laissé entrevoir
la victoire au second tour.
Un nouveau transfert de voix s’était opéré de la droite traditionnelle vers l’extrême-droite qui fait de notre région le premier département d’influence frontiste menaçant très directement le maire (réel) de Nice dans sa ville, devenu président du conseil régional.
Les couteaux sont tirés et comme il n’y a aucune autre sensibilité représentée au conseil régionale, le FN ne perd pas une occasion de contester les décisions que le président met en délibérations, histoire d’attirer l’attention des médias sur sa pugnacité.
Ce qui tend du même coup à masquer la proximité de leurs positionnements respectifs sur bien des questions, que ce soit la sécurité, la lutte contre le terrorisme, l’identité nationale, l’immigration et les migrants notamment qui sont au coeur de leur campagne.
L’occasion aussi pour le FN d’en rajouter dans la sur-enchère pour faire passer les LR comme une pâle copie de ce qu’ils pilonnent depuis si longtemps au point d’être devenu aujourd’hui un danger sérieux menaçant les valeurs de notre république.
Lors de la dernière séance du CR, le 17-3-17, Estrosi s’est emporté contre l’élu FN, P. Vardon, (un ancien du Bloc Identitaire connu de la justice) qu’il a traité « d’héritier de Goebbels », responsable de la propagande de Hitler (pour les plus jeunes).
Que s’était-il passé ?
Proposant de renforcer les actions éducatives vers les lycéens, un rapport préconisait d’organiser des visites de lieux de mémoire, comme Auschwitz, Birkenau…et, pour cela d’approuver un appel à projet « Mémoire et Citoyenneté » en collaboration avec le Mémorial de la Shoah.
Le FN n’a trouvé rien de mieux que de s’y opposer en substituant à la visite des camps de la mort, celle de Glanum, un site archéologique remontant aux Gaulois, situé à Saint-Rémy de Provence. Très intéressant, certes mais de là à refuser la visite des lieux de mémoire, il y a un gouffre ! Chassez le naturel…
C’est ce qu’a relevé le président du CR, trouvant « inqualifiable et indigne de notre assemblée » un tel refus de sa proposition. S’en suivit une polémique qui devait aboutir à une interruption de séance peu avant midi. Mme M. Le Pen, debout réclamant le micro et menaçant de « pourrir la séance », ce qu’ils avaient déjà fait !
Au retour, ce fut pire, Estrosi s’entendit traiter de « fasciste » par Marc Etienne Lansade, le maire de Cogolin, « le Robert Mesnard du golfe » aux grandes idées immobilières, tandis que Mme M. Le Pen tentera de « ne pas minimiser la Shoah » avant de qualifer le président « d’incarnation du néant de la conscience politique ».
Ce qui lui valut quelques répliques à la même hauteur, encore plus…saignantes : « Les saluts nazis de Philippe Vardon, Mme Le Pen, vous vous en accommodez…les chants xénophobes de Mr Vardon…Mme Le Pen, vous vous en accommodez, les distributions de soupe au porc de Mr Vardon, vous vous en accommodez…La vérité Mme Le Pen, c’est que vous n’êtes pas républicaine. Mr Vardon c’est un héritier de Goebbels qui disait « plus c’est gros plus ça passe ». Mr Vardon a tout appris de lui et vous avec lui » !
Le mis en cause a annoncé qu’il allait porter plainte. Et l’ex-député UMP, Jérôme Rivière, avocat et chef d’entreprise, passé au FN après avoir essayé toutes les familles de la droite, conseiller régional et candidat dans la 6è circonscriptions du Var, s’est indigné des déclarations d’Estrosi. Il a bonne mine !
Estrosi a sans doute été stimulé par les reportages télévisés sur C8 et France 2, tirés du livre « Marine est au courant de tout » des journalistes Marine Turchi de Médiapart et Mathias Destal de Marianne, paru tout récemment. (1)
Une enquête hautement révélatrice de l’enracinement à l’extrême-droite du FN, intégrant et investissant des membres issus des branches les plus « musclées » de la nébuleuse dont ce parti est issu et qu’il continue à fréquenter de très près et au plus haut de sa hérarchie, tout en veillant à ripoliner cette image qui lui colle à la peau. A juste titre.
Car ceux qui, dans la « fachosphère », essaient de se faire plus discrets, les « hommes de l’ombre », non seulement tirent les ficelles de la communication du FN, mais aussi et surtout des finances d’une organisation qui commence à avoir de sérieux ennuis sur ce terrain, tout en jouant les vierges effarouchées.
Ne perdons pas de vue qu’il tire la popularité qu’il a acquise des résultats des politiques libérales menées ces dernières décennies par la droite et une certaine « gauche », accentuant les inégalités sociales et promettant aujourd’hui encore de les aggraver, au détriment des catégories populaires, couches moyennes comprises qui ont raison d’être très vigilantes quant aux promesses électorales.
Ce n’est sûrement pas sur les émules en France de Trump, le milliardaire ultralibéral, sexiste et xénophobe, qu’il faut compter pour inverser le cap. Ils ne veulent nullement remettre en cause « le système » mais récupérer les mécontents pour les conduire dans l’impasse d’une France isolée, divisée, hostile à l’étranger…et sans toucher à l’exploitation capitaliste et aux privilèges qui en découlent. Mieux, ils condamnent les luttes sociales qui résistent aux reculs patronaux et gouvernementaux.
Ne pas se laisser abuser par la démagogie victimaire du FN, c’est se prémunir contre des lendemains plus sombres encore que ceux qu’il nous faut déjà éviter avec Fillon et Macron.
Nous n’avons plus que quelques semaines pour y réfléchir.
René Fredon
(1) « Marine est au courant de tout »
de Marine Turchi et Mathias Destal
Editions Flammarion enquête (21 euros)
