Cogitationis poenam nemo patitur

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Nul ne peut être puni pour de simples pensées. (Code de Justinien VI° siècle)

Le droit romain fut le premier à discerner la pensée de l’action criminelle. On retrouve cet adage célèbre dans les Institutions de l’Empereur byzantin Justinien qui a compilé les principales règles de droit des romains : Cogitationis poenam nemo patitur. Penser le mal  n’est pas un crime.

Cette règle de droit  fut appliquée pour la première fois après l’affaire du boulanger de Pompéi. Un jeune apprenti boulanger était si persécuté par son maître qu’il en vint à ourdir un attentat dans la maison de son patron. Il décrivit à l’avance son acte et son intention qu’il confia à  son confident. Deux jours après, le maître fut assassiné par des brigands. Lors du procès il clama son innocence, mais malgré tout fut condamné à mort. On retrouva plus tard les véritables assassins. Non seulement Claudius fut réhabilité, mais la loi romaine institua la règle de base qui gère la justice occidentale : nul ne peut être puni pour de simples pensées.

Récemment un jeune homme a été  condamné en comparution directe pour avoir écrit sur les réseaux sociaux « J’aimerai voir la tour Eiffel exploser ». Certes l’idée n’est pas sympa pour la vieille dame. Mais ce n’est qu’une pensée même si elle n’est pas à suivre. Les mots et la grammaire ont un sens « J’aimerai faire sauter la tour Eiffel » peut être considéré déjà  comme une menace. Par contre la première phrase (j’aimerai voir…) est une simple pensée. Une innocente pensée.

Maintenant extrapolons un peu.

Le fait d’écrire sur les réseaux sociaux « je n’aime pas les juifs » ou « je n’aime pas les arabes » ou encore « je n’aime pas les homosexuels » « je n’aime pas les étrangers » ou alors simplement « je n’aime pas Macron » peut il être considéré comme une pensée  ou comme un acte ?

Les juges ont tendances à dire  de nos jours « oui et non, selon le contexte. »  Mais le contexte  est variable comme la plume au vent !

D’une part rappelons que le droit pénal français ne punit pas la simple intention ou la simple pensée. Il faut un acte matériel concret. Cet acte concret est l’élément matériel de l’infraction pénale. Il peut s’agir d’un acte positif, par exemple, si le coupable commet positivement une chose (infraction de commission). Après avoir écrit sa pensée sur Facebook il passe à l’action et va incendier la Tour Eiffel… Il peut aussi s’agir d’une omission ou d’une abstention, si le coupable omet ou s’abstient de faire une chose imposée par la loi (infraction d’omission). Il voit des jeunes déposer  une bombe aux pieds  la Tour Eiffel et ne fait rien pour prévenir la Police…

Par ailleurs, en cette période de troubles sociaux médiatisés, il y a une grande  judiciarisation du quotidien. Il est donc légitime de se poser la question : Ou commence et ou cesse la liberté de penser ?

N’oublions pas  que  le fait de diffuser une pensée moralement condamnable (la haine raciale, l’homophobie, la discrimination, la violence contre les institutions) peut être une incitation au passage à l’acte.

Les romains avaient raison d’être prudents. Ils étaient optimistes dans la « virtu » des citoyens.

Laissons conclure Cicéron :
« Toute pensée même mauvaise est fugitive, c’est une trace du cerveau sans conséquence, vite effacée par la raison, par la foi dans l’ordre et par le respect de la paix civile. »

Dont acte. Plutôt non-acte ! Bienheureux romains !

Jean-François Principiano

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