Coco Chu et Marie-Francine

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Et voilà, nous avons tout pour nous réjouir, tandis que la directrice générale de Baccarat, Daniela Riccardi , qui a redressé la société depuis 2013 assure que « les meilleurs atouts de la société sont son nom, son image et son héritage », une nouvelle Coco, celle-ci chinoise, a compris, elle, que la cristallerie Baccarat « était une belle endormie et qu’elle est en train de se réveiller ». Bienvenue Coco Chu, présidente de Fortune Fountain Capital, qui vient de racheter 88,8% du capital de la société pour 164 millions d’Euro.

Nous n’allons pas d’un coup de baguette magique révolutionner la politique de démission collective installée en France depuis vingt ans qui laisse partir à la fois ses trésors industriels historiques et ses nouvelles pépites, mais à chaque fois que j’en ai l’occasion, et c’est hélas fréquent, je cherche à faire réfléchir à notre affaiblissement continu. C’est une politique nationale que celle de cet effeuillage qui satisfait grandement les bénéficiaires, qu’ils soient français ou étrangers, et très peu s’en émeuvent comme si c’était à la fois inéluctable-la « mondialisation- et dérisoire -notre gloire passée- ! Cette absence de commentaires, ce sentiment de résignation, d’impuissance me révolte d’autant plus que dans les réunions où je suis convié comme dans les réactions à mes écrits je perçois une volonté de la population de changer les choses pour retrouver de l’espoir et sauver notre potentiel productif encore existant comme pour promouvoir nos innovations issues de nos cerveaux créatifs. Ce divorce entre la nécessité voulue d’un renouveau et le maintien de débats permanents sur des détails d’une vie politique insignifiante ou anodine laisse perplexe.

Bien sûr il fallait conserver Baccarat dans le giron national, comme il faut que nous trouvions une solution plus »nationale » pour l’avenir des « Chantiers de l’Atlantique » de Saint-Nazaire, comme il aurait fallu conserver les Ciments Lafarge, Alcatel, Alstom Energie et Rhodia, bien sûr il fallait trouver des investisseurs français pour les cristalleries d’Arques comme il a été salutaire que les faïenceries d’Henriot à Quimper trouvent un entrepreneur vigoureux et courageux, mais il faut surtout recréer les conditions pour que ceci soit possible. Pourquoi les autres et pas nous ? Sommes-nous si pauvres ? Non, nous avons une des plus riches épargnes au monde ? Pourquoi cette épargne ne vient-elle pas au secours de notre appareil productif ? Parce qu’elle n’y est pas incitée !

Madame Coco Chu est Présidente d’un fonds dont le principal actionnaire est la famille de Wang Xizhi, célèbre ( !) calligraphe du IV ème siècle, et auquel participe aussi de grandes familles de Hong Kong, elle a compris l’importance culturelle, historique, et novatrice de l’entreprise Baccarat. Les français dans leur ensemble le comprennent aussi, et je suis persuadé que l’on aurait pu mobiliser autour de ce joyau collectif. Le problème c’est que personne ne l’a voulu, pas plus les grandes familles françaises dont on nous rabat les oreilles dans le « luxe » national qui est sensé éclairer notre avenir, que dans les banques diverses qui s’agitent dans les fusions-acquisitions, pas plus que dans les milieux gouvernementaux ou administratifs qui affichent un libéralisme alternatif !

Baccarat est un symbole, c’est évident, cela ne va pas effondrer le pays, et on souhaite beaucoup de succès à Madame Coco Chu car la petite ville de Baccarat doit survivre à cette aventure, mais la petite expérience de la faïencerie Henriot de Quimper que son propriétaire m’a permis de vivre un peu m’a montré deux choses essentielles.

La première, c’est l’indifférence des personnes censées représenter le bien commun ou l’intérêt collectif aux efforts effectués par les entrepreneurs pour redresser une activité phare d’une histoire affective intense ! Il n’y a pas un breton qui ne soit pas ému par le passé et l’avenir de son bol Henriot où figurait son prénom ! Le nouveau film de Valérie Lemercier « Marie-Francine » montre un de ces bols mythiques sur son affiche !

La deuxième c’est que l’innovation, et en particulier le numérique, peut révolutionner la production de ces ateliers tout en leur conservant leur authenticité et leur caractère artisanal-industriel. Leur attrait est conservé, mais la relation avec le client potentiel peut être transformé et la relation personnelle avec le produit renforcée. C’est si vrai que je pense que l’initiative prise de créer un Centre d’Informatique Numérique à Quimper ( le CINQ)s’en est suivie et qu’une fois de plus elle n’a pas été comprise ni soutenue par ceux dont c’est la fonction au titre de l’intérêt général.

Nous avons dans toutes les régions de France à la fois des innovateurs « nouvelles technologies » qui ont du mal à se développer sans se vendre à des prédateurs souvent étrangers, et nous avons aussi des industries anciennes qui fleurent bon notre pays et qu’il faut rénover, transformer et surtout conserver. On peut, certes, y introduire des « cost killers », et il faut effectivement réduire les couts, optimiser, mais il faut aussi comprendre comment les nouvelles technologies peuvent venir au secours du changement des gammes de produits avec de l’excellence, de la qualité, de la personnalisation, une autre politique commerciale au service d’un client qui cherche aussi désormais un produit durable. Une nouvelle génération d’industriels est en train de naitre, elle doit s’appuyer autant sur un passé brillant que sur un avenir technologique révolutionnaire, aidons là en se posant la bonne question sur l’incitation réelle à mobiliser l’épargne, notre épargne, au service de l’investissement productif.

Loïk Le Floch-Prigent

 

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