Ce monde de fous !

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Dr Vincent Carret

par le Dr Vincent CARRET
Ancien Chef de Services des Urgences
Praticien Hospitalier
Responsable AMUF Toulon-la Seyne et VAR

Trois enfants, trois gamins, trois gosses, ont été épargnés et ont échappé aux balles, pas leurs parents. Je « remercie » ce monde de fous de les avoir laissés en vie !

Ce sang des balles qui colle à nos gants et nos esprits, à jamais et qui nous conduit à devoir gérer des scènes de guerres sur le parking de nos hôpitaux et de nos Services d’Urgences est le stade ultime mais bien réel d’un monde devenu fou, sans limites, sans craintes !

Il n’est pas devenu fou par hasard ni maintenant !

Fruit d’errements, de renoncements, de démissions en tout genre, de lâchetés surtout, oui de lâchetés, la plus honteuse et abominable dérive et faillite de l’ homme devant ses devoirs et ses responsabilités et devant sa conscience, la société subit. Elle subit la folie, ses fous, qui se sentent libres et sans limite aucune.

Ce sang et ces scènes de guerre au delà de leur atrocité sont tout un symbole de l’échec et de la faillite d’une société et d’une époque. De toute urgence on découvre l’ampleur de la situation, on en appelle au secours et au retour de la confiance. Ceux là mêmes qui n’ont pas été à la hauteur ni au rendez vous de ces enjeux de société depuis des années et qui accusent la lourdeur d’un héritage devenu bien lourd à porter, en accusent le coup et se sentent aujourd’hui impuissants et dépassés.

Le temps est aux aveux et au méa culpa … tardifs … même aux plus hauts niveaux.
Ces renoncements, ces démissions, cette lâcheté font mal ! Un seuil de rupture semble se dessiner et atteindre notre pays. Ces dérives et ces faillites sont devenues bien plus qu’un fléau, un poison et un péril pour nos concitoyens.

Dans un monde à la mémoire courte bercé par l’immédiateté, sa petite vie et les émotions vites oubliées et zappées pour une demande de toujours plus d’émotions, plus rien ne doit surprendre, plus rien ne doit choquer. Les esprits sont saturés, usés et blasés .

Curieuse époque !
Tout ce qui n’est pas fou, via les médias, les réseaux sociaux, tout ce qui n’est pas plus fou, n’intéresse plus personne, n’interpelle plus les regards, n’attire plus les attentions. La course au plus fou s’est engagée comme si nous étions en train de perdre tous les cadres normaux de notre société, comme si la maîtrise des choses nous échappait, comme si la perte de sens généralisée devenait irrémédiable et objet d’ impuissance, voire de résignation …

Tout semble s’emballer.

Jusqu’où ? Pour aller où, pour quelles limites ?
C’est la question que la plupart d’entre nous, nous posons. Lucides, responsables et soucieux d’un certain avenir.

L’enchainement de drames de sang et de plaies par balles et de faits de société tout aussi inquiétants et révélateurs, concernant le sens commun de la normalité et d’une folie omniprésente deviennent notre quotidien. Ces faits nous interpellent et en disent long sur l’évolution des choses.

Un chauffeur de bus assassiné pour avoir exigé le respect des autres et le civisme, des pompiers blessés par balles ou caillassés, des forces de Police remises en causes par un élu de la République, une fusillade en plein jour devant un Casino, une fracture du vivre ensemble chaque jour plus marquée, une violence dans toutes ses expressions qui devient la règle.

Un Président de la République, aimé ou pas, qui un soir de Juillet se trouve interpellé dans la rue en pleine exercice de liberté, tant sur le fond que sur la forme,  est choquant y compris aux yeux de ses détracteurs.

Un Ministre de l’Intérieur, Ministre des cultes, qui en pleine cérémonie d’hommage de la Nation d’un prêtre tombé sous les atrocités du terrorisme, se trouve censuré dans son hommage,  est là aussi un signe fort de ce monde de fous !

Un Président des lois au Sénat, Philippe BAS, s’inquiète de « l’évolution chaotique des choses » .

Pourquoi ? Comment en sommes nous arrivés là et à sombrer de la sorte ?
Manque de grands hommes, manque de leadership à la hauteur des événements et pouvant faire face à l’évolution de la société, disparition des repères, perte des valeurs, manque de courage, nos sociétés et nos démocraties doivent faire face à une profonde crise morale, de courage et de responsabilités.

Nos sociétés basées sur l’individualisme ( à partir des années 1970), sur l’opportunisme et les opportunistes ( qui sont des semblables ),  ne sont que des sociétés de vision à court terme, sans grandeur, sans projet, sans projection, sans construction, pour de petites vies sans destin et sans lendemain.

En 1978 Alexandre Soljenitsyne devant les étudiants d’Harvard bousculait les esprits à travers un discours sur le déclin du courage au sein des démocraties. «  Le déclin du courage civique a déserté le monde occidental dans son ensemble. Ce déclin est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante d’où l’impression que le courage a déserté la société tout entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens là qui donnent sa direction à la vie de la société ni une impulsion du chemin à suivre pour une Nation ».

Plus de quarante ans après, le discours de Harvard apparait lucide et visionnaire soulignant l’origine profonde de la crise et du poison qui s’attaque à notre démocratie et qui entraine notre chute.

Ce manque de courage, au delà de ces drames, est en train de faire plier nos démocraties !

Partout on peine à trouver de véritables chefs d’État ou de gouvernement à la hauteur des crises et des enjeux, la plupart se réfugiant dans le déni, le cynisme, la manipulation ou la communication pour gagner à tout prix, coûte que coûte …

Cet effondrement des leaderships n’affecte pas que la classe politique mais l’ensemble des élites administratives, économiques, sociales par peur et crainte des systèmes établis, du système ambiant, ne plus bouger au risque de bouger et de s’exposer pour l’intérêt général et le bien commun. Nous en percevons et subissons au quotidien toute l’ampleur des conséquences.

Le temps sous la pression qui monte et qui gronde est aux grandes manoeuvres.
Courir derrière les trains qui sont partis, loin, beaucoup trop loin et essayer de les rattraper, partout, dans toutes les gares et sur tous les quais, à quelque chose de navrant et de désolant, tant la culture des crises et des risques par devoir d’anticipation et de projection devrait être un « fondamental » et un acquis dans l’esprit de toutes nos élites en charge de la République.

Là aussi est l’incarnation d’un « monde de fous ! » si souvent verbalisé par un Président de la République .

« Je suis inquiet » avoue ce jour de juillet à un JT de 20 h devant la Nation cet ex Président de la République déchu.

Il a raison, comment en serait-il autrement ?

Peut être aurait-il fallu qu’il le soit plus tôt et plus en phase avec les réalités du moment. Que son devoir de conscience, pour lui, pour nous tous, aussi, semblent devenir bien lourd, bien lourd à porter en ces temps de fous …

Dr Vincent CARRET
AMUF

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