Après le maire de Cannes, fin juillet, plusieurs municipalités de droite (Villeneuve-Loubet, Mandelieu, Cap d’Ail..) y sont allées de leur arrêté municipal interdisant l’accès aux plages publiques aux femmes vêtues d’un burkini, ce vêtement recouvrant tout le corps, phénomène ultra-marginal, interprété comme une provocation politique de musulmanes contraintes !
Quelques municipalités d’autres stations balnéaires ont suivi, dans l’Aude, en Corse, dans le Pas-de-Calais. Le Var n’est pas en reste. Le Lavandou et La Londe ont fait leur, cette disposition, parfaitement illégale, « justifiée » par le contexte des attentats de Nice le 14 juillet, encore proches certes et l’inopportunité pour des musulmanes de se distinguer au risque de troubler l’ordre public ! « Cachez-moi ces tenues que je ne saurais voir ! »
Si l’on voulait stigmatiser toute une communauté -et pas n’importe laquelle- on n’aurait pas trouvé mieux. Comme si chaque maire avait le pouvoir de décider ou non de notre vêtement de bain, porté au demeurant, par un nombre très limité de femmes, comparé à la tenue « classique » qu’adopte la plupart des femmes musulmanes sur nos plages. Tenue dont on peut penser ce que l’on veut sans pour autant la leur interdire.
Pas plus que leurs adeptes ne sauraient contester et attenter à notre liberté de choix en la matière comme en d’autres. Et s’il y a troubles de l’ordre public, il ne saurait être question d’en imputer la responsabilité à une personne qui ne cherche nullement à nous imposer quoi que ce soit mais à celle(s) qui leur conteste(nt) un droit fondamental : le choix de leur tenue qu’elle ait un caractère religieux ou pas.
A plus forte raison de demander à l’Etat de légiférer, déjà qu’il a crû devoir « comprendre les décisions de ces maires vu le contexte d’état d’urgence « ? « Virez-moi ces baigneuses pas assez dénudées ! »
Jusque là on n’y faisait pas attention, laissant à chacun sa liberté, quitte à la trouver désuète ou tout ce que vous voudrez. Et brusquement voilà qu’on lui prête une signification politique, ici et maintenant, que des autorités locales devenues polices des moeurs se chargent de réprimer !
De pseudo-« docteurs » en théologie n’hésitant pas à affirmer que cette tenue est une allégeance au salafisme, cette pratique ultra-orthodoxe de l’islam qui inspirerait les djihadistes. Le thème préféré des LR et du FN : il y en aurait partout, notamment dans nos cités populaires à forte dominante maghrébine d’origine.
N’est-ce pas cet amalgame à toute une communauté qu’il faut dénoncer si l’on veut rassembler tous les croyants de toutes les religions et les non croyants pour faire face au danger extrême qui nous menace aujourd’hui et dont les musulmans sont les premières et les plus nombreuses victimes. Et de loin.
N’y aurait-il pas dans nos cités où culminent les exclusions, la précarité, les inégalités à travailler sur des objectifs concrets, cité par cité, sur ce qui est urgent à entreprendre pour améliorer, tout de suite, la vie quotidienne des habitants, à partir de ce qu’ils en pensent, eux et en les mobilisant ? Tout en en faisant autant dans tous les quartiers où l’austérité fait des ravages.
Que ce soit en matière scolaire, de santé, de transports, de formation, d’accès à l’emploi, au logement, d’accès aux sports, à la culture, aux loisirs, aux vacances…Pas seulement en termes de locaux mais aussi d’animateurs, de services publics. Des associations existent et ouvrent la voie. Mais beaucoup reste à faire. On est dans la régression, la résignation, le découragement. A la merci des marchands d’illusions, semeurs de division.
Des idées, des besoins, des envies, il y en a (qu’on pense à ces images magnifiques de jeunes médaillés olympiques, à cette image de ce jeune couple en or enlacé dans le drapeau tricolore et à leur parcours). Faisons confiance à la volonté de participation et de rassemblement par delà les croyances, ne nous laissons pas diviser par les apprentis-sorciers qui se veulent nos « protecteurs » en nous entraînant dans une guerre des religions ou des civilisations qui serait fatale à tous, à notre avenir commun.
Que notre souci légitime d’égalité de la femme se porte sur tout ce qu’il faut conquérir dans ce sens, à commencer par l’égalité salariale, loin d’être acquise, l’égalité d’accès aux postes de responsabilité dans l’entreprise, dans les institutions, l’égalité réelle dans le couple…L’émancipation de la femme, en France, le droit de vote ne sont pas si vieux. Rien n’est achevé ni définitivement acquis.
A plus forte raison dans les pays où le pouvoir politique, très souvent dictatorial, procède de la religion, quelle qu’elle soit. Le principe de laïcité présente l’énorme avantage de garantir à chacun le droit de croire -ou de ne pas croire- et de pratiquer la religion de son choix. Donc aucune n’est à exclure au prétexte que des individus peuvent commettre des crimes en son nom.
N’y a-t-il pas aussi, en France, des intégristes d’une autre religion qui manifestent contre le droit des femmes à disposer librement de leur corps, à contester le droit à l’avortement qui avait suscité un déferlement de haine qui n’est pas éteint. Cela n’empêche pas le pape François de refuser d’assimiler l’islam au terrorisme, de reconnaître que chaque religion à ses fondamentalistes et à déclarer que « le dieu argent est le premier terroriste ». Des paroles récentes…déjà oubliées ? Tiens, tiens, comme c’est bizarre…
Ne cédons ni à la peur, ni à la haine. Nous viendrons à bout des violences aveugles et de ceux qui les pratiquent, pas au prix de nos libertés, au prix de notre volonté de vivre ensemble, pour réduire les inégalités et donner à tous les mêmes chances, pour que les questions sociales -qui traversent toutes les catégories hormis les actionnaires- reprennent le pas sur la diversion de l’été.
Pour que les idéaux de la Révolution française éclairent encore notre avenir commun.
René Fredon
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