Opéravenir vous propose de découvrir une œuvre rare Bánk bán le plus célèbre des dix opéras composés par le « père de l’opéra national » hongrois Ferenc Erkel (1810-1893), qui a également mis en musique l’hymne national hongrois sur un texte de Ferenc Kölcsey(1790-1838), intitulé « Dieu bénisse les Hongrois ».
Une œuvre phare de la culture magyare
Sur un livret de Béni Egressy d’après la pièce de József Katona (1791-1830), Bánk bán a été créé sous la direction du compositeur, le 9 mars 1861 à Pest.
Le « ban » était un titre nobiliaire et militaire hongrois à l’époque du Saint-Empire romain germanique. Considéré comme l’équivalent du Margrave en Allemagne ou du Duc en France, il pouvait même occuper la fonction de vice-roi. L’Opéra raconte l’épopée du héros national Ban Bank.
Romantisme et patriotisme
Après une ouverture qui évoque musicalement l’amour de Bank Ban et de son épouse Melinda l’œuvre s’ouvre sur un paysage de plaine près de Budapest. Nous sommes au XIIème siècle en Hongrie. Le roi André II (basse) est parti combattre les ennemis aux frontières du pays.
Il a confié son royaume à sa femme la reine Gertrude (soprano) et à son ami le seigneur Bank Ban (ténor lyrique) qui est en mission. Il doit chercher des appuis dans tout le territoire
La reine Gertrude d’origine germanique profite de l’absence du roi et de l’éloignement de Bank Ban pour se livrer à la débauche en compagnie de son frère Otto, (ténor léger). Melinda (soprano) la jeune épouse de Bank Ban est courtisée par le frère. Les hongrois menés par le paysan Tiburc (baryton) et le Ban Petruc sont écœurés par l’attitude de la reine et de son frère Ils fomentent une révolte. (Chœur patriotique)
Ils invitent Bank Ban à venir remettre de l’ordre à la Cour dominée par le clan germanique. Après hésitation Bank Ban se décide à prendre la tête de la révolte au nom du roi André. Grand air patriotique de Bank Ban Hazam Hazam !
Melinda sa femme est victime du frère de Gertrude qui abuse d’elle après l’avoir enivrée lors d’un banquet.
Elle s’échappe de la cour et vient rejoindre Bank Ban qui lui pardonne (grand duo d’amour).
Bank Ban déclenche alors une guerre de représailles contre les courtisans de la reine Gertrude. Au cours du conflit il tue Otto et emprisonne la reine. De retour de guerre le roi André manifeste sa gratitude à Bank Ban. Mais on apprend que Melinda pour échapper aux ennemis s’est noyée avec son fils. On amène les dépouilles au château.
Bank Ban dans un ultime adieu exprime sa douleur. L’œuvre s’achève dans la consternation générale et dans l’exaltation de l’abnégation patriotique de Ban Bank.
Une œuvre lyrique au souffle puissant
Erkel est l’un des compositeurs hongrois les plus importants de son temps. Ferenc Liszt bien qu’Hongrois de naissance fut surtout fasciné par la musique allemande ou italienne. Erkel lui resta jusqu’au bout un authentique musicien hongrois. Après avoir remporté un grand succès avec son opéra Báthory Maria en 1840, il s’est assuré une renommée durable en Hongrie avec l’opéra Hunyady Laszlo (1844), qui est considéré comme le premier opéra national hongrois et surtout sa grande fresque musicale Bank-Ban de 1861.
Bank Ban illustre le grand opéra national hongrois, bien avant Le Château de Barbe-Bleue de Bela Bartók. Nous sommes à l’époque des Ecoles nationales (Verdi en Italie, Smetana en Bohème, Moniuszko en Pologne, Pedrell en Espagne, Berwald en Suède et Grieg en Norvège…) C’est une œuvre épique et dramatique malheureusement rarement programmée. Seuls Berlioz et Mahler en mesurèrent la vraie valeur. Mis à part en Italie où l’œuvre est souvent donnée à la Scala, les français, et même les musicologues l’ignorent lui préférant les rhapsodies pseudo « hongroises » de son grand rival Liszt.
Une pépite musicale
L’enregistrement proposé (vidéo) est un beau film musical, sous la baguette fervente de Tamas Pal.
Il réunit des chanteurs hongrois très connus (Andrea Rost, Eva Marton, Lajos Miller, Kolos Kovats, Denes Gulyas, Sandor Solyom-Nagy). Dans le rôle-titre, très exigeant, le grand ténor wagnérien Attila Kiss.
Peu de ténors internationaux ont pu affronter à la fois la langue hongroise et cette partition redoutable de difficultés vocales ! Le sous-titrage est en italien…
L’ensemble de l’œuvre s’écoute avec beaucoup de plaisir, et cette version est sans doute le meilleur moyen de découvrir cette œuvre hélas invisible chez nous. Un des grands projets d’Opéravenir est de faire un voyage en Hongrie pour écouter cette œuvre à l’Opéra national de Budapest. Ce n’est que partie remise.
Jean-François Principiano