L’Association des maires Ville & Banlieue de France (AMVBF) a pris connaissance du plan de mobilisation nationale pour les quartiers présenté au Conseil des ministres le 18 juillet par le ministre de la Cohésion des territoires.
Elle note une évolution opportune du Gouvernement sur la place des collectivités locales dans la définition et la mise en œuvre de la politique de la ville. Les élus locaux, principaux « mâles blancs » naguère éjectés hors champ de vision, retrouvent une place centrale, en particulier les maires et élus municipaux : le ministre a insisté sur leur rôle capital au sein des intercommunalités. Les faits doivent le confirmer : si le « pacte de Dijon » est un levier, l’échelon communal, gage de l’association des habitants à leur devenir, doit être réaffirmé.
Nombre de préconisations formulées par les « Ateliers de la co-construction » et la mission ayant débouché sur le rapport « Vivre ensemble, vivre en grand la République, pour une réconciliation nationale » sont reprises par le Gouvernement, et c’est bien. S’il y a des annonces qui ne constituent pas des nouveautés, si d’autres n’auront que des effets limités, et si certaines autres propositions auraient mérité d’être reprises, on peut néanmoins imager la chose en parlant d’un compromis utile sous la forme d’un… « plan Mac’loo ».
Le déploiement de la police de sécurité du quotidien, l’affirmation des objectifs de la loi Solidarité renouvellement urbain, la confirmation des 10 milliards d’euros dédiés à la rénovation urbaine et l’accélération et la simplification des procédures, l’idée de « cités éducatives », le souci de lutte contre les discriminations à l’embauche, la volonté de soutien aux travailleurs sociaux et aux associations, constituent autant d’avancées attendues sur les territoires.
Il reste que ces mesures doivent être confirmées par les lois futures de finances, dès celle de 2019. L’effort budgétaire pour la solidarité nationale, notamment en matière de dotation de solidarité urbaine (DSU) et de dotation politique de la ville (DPV), gagnerait à être accru et garanti dans le temps.
Les mesures préconisées en faveur de l’insertion professionnelle, en revanche, pourtant axe fondamental de l’intervention publique en matière de développement social urbain, ne convainquent pas les élus locaux. Il est vital que le programme d’action soit complété par un déploiement prioritaire « d’emplois aidés » en complément des « emplois francs », avec garantie de dispositifs de formation, et pouvant être conclus avec des institutions publiques et des structures privées du secteur non marchand, notamment associatives. Les Parcours emploi compétences (PEC) des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) doivent être financés à 90% par l’État comme l’étaient les anciens « contrats d’accompagnement dans l’emploi » (CAE). Une telle disposition est indispensable, car on ne peut compter sur la seule bonne volonté du monde de l’entreprise ou les stages des élèves de 3ème, surtout dans un contexte de fragilisation de l’apprentissage et de l’alternance.
S’ils relèvent aussi un effort de soutien financier à la vie associative, les élus locaux attendent une obligation de mobilisation effective, sur tous les territoires volontaires, des « grandes associations structurantes » qui doivent s’engager à intervenir en partenariat avec les acteurs de terrain, notamment les associations de proximité et les opérateurs publics locaux.
Les mesures annoncées seront en outre inopérantes sans l’implication des services publics de l’État, dans un esprit de « discrimination positive ». Eussent-elles, pour certaines, peu porté leur fruits, l’AMVBF regrette qu’il soit mis fin à la douzaine de conventions interministérielles d’objectifs intervenues entre l’ancien ministère de la Ville et d’autres départements ministériels. Plutôt que d’en acter le terme, il faut au contraire les réactiver, avec des obligations d’évaluation de leur opérationnalisation et de leurs résultats.
Les ministères en charge de l’éducation, de la santé, du travail, de la prévention, de la sécurité, de la justice, en particulier, doivent s’engager durablement et être dotés des moyens nécessaires par les lois de finances. Tous les QPV doivent pouvoir a minima bénéficier d’un classement au titre des géographies prioritaires qui sont propres à certains d’entre eux (Réseaux d’éducation prioritaire renforcés, zones de sécurité prioritaire, etc). C’est un gage de reconquête républicaine des quartiers fragilisés et un signe tangible à donner aux populations qui se sentent abandonnées.
Les élus locaux s’inquiètent aussi du caractère expérimental ou limité – en nombre, en volume, en budget, ou à quelques sites – de certaines des mesures annoncées. Une politique publique républicaine de cohésion urbaine et sociale doit pouvoir être mise en œuvre partout où elle s’avère nécessaire, et notamment sur les QPV dont les exécutifs communaux et intercommunaux volontaires conviennent avec les préfets qu’elles constituent une opportunité voire revêtent un caractère indispensable. L’équité territoriale est un impératif.
L’AMVBF déplore d’ailleurs que l’idée de l’instauration d’une « cour d’équité territoriale » formulée parmi les propositions issues de la « co-construction » ne soit pas – à ce jour – retenue, et insiste sur son importance.
Les élus locaux auront enfin relevé l’évolution du slogan coiffant cette saison 2 de la politique de la ville : « La France, une chance ». Il remplace heureusement celui du 22 mai dernier, « La France, une chance pour chacun », qui pouvait être interprété comme le vœu « que la bonne fortune sourie aux plus veinards »…
Il reste à poursuivre dans la voie de la co-construction permanente pour avancer vers une devise attendue par les millions d’habitants des quartiers : « La République, une assurance pour tous ».
L’horizon semble un peu se dégager pour avancer. Les élus locaux des territoires concernés, notamment au travers de l’Association des maires Ville & Banlieue de France, sont toujours prêts à s’investir dans cette voie, comme ils sauront continuer à faire entendre la voix des quartiers si les promesses ne sont pas suivies des actes permettant de passer de l’intention à la réalité.
Maire de La Seyne sur Mer
Association des maires Ville & Banlieue de France