5700 lits encore fermés !

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Dr Vincent Carret

… ces malades qui pleurent et qui n’ont pas  fini de pleurer par le Dr Vincent CARRET

C’est un crève cœur au quotidien!
Plus rien ne leur sera épargné, « La loi des chiffres, du nombre, de la rentabilité a pris le dessus sur la loi de l’humain » chaque jour qui passe nous le prouve désespérément !

On l’appellera « Marie » elle a 83 ans, elle vient d’être mise au devant de la scène médiatique ces derniers jours par les « Petits frères des pauvres », elle est pourtant au devant de la scène des soignants tous les jours. Elle appartient à ce demi-million de Séniors que l’on identifie aujourd’hui en situation de « mort sociale ! ». Ils ne voient plus personne, ni famille, ni ami, ni voisins.

En pleine nuit, comme beaucoup dans son cas et seule chez elle, elle est tombée et a attendu plusieurs heures au sol, par terre. C’est son infirmière, seul lien humain avec la vie et la société, tout au moins de ce qu’il lui en reste, qui alertera. Les pompiers autres anges gardiens de ces vies oubliées se rendront à son chevet pour la conduire aux Urgences.

Ces situations « de mort sociale » et qu’il faut sauver, restent dans les obligations et les missions les plus nobles de l’hôpital public, pour combien de temps encore?

Parce qu’elle a mal, très mal, elle sera la première dans la file d’attente des brancards qui s’entassent et évitera l’embouteillage des ambulances qui stagnent sur le parking.  Par défaut de lits dans les étages d’un hôpital toujours saturé, où tout est paralysé, où tout est bloqué, tout le monde attend.

C’est la vie, le quotidien et l’habitude du monde des soignants et des secours à personnes.

Le diagnostic tombe. Banal. Une fracture du col du fémur comme des dizaines par jour dans nos hôpitaux de France. Calmer la douleur est l’exigence pour tous. Calmer les douleurs parce que l’attente va être longue.

Elle a attendu plusieurs heures cette nuit , toute seule, par terre chez elle et va encore attendre aux Urgences à l’hôpital pour qu’un lit se libère.

Comme toutes les heures, tous les jours, toutes les nuits, tous les week-ends, ce combat interminable, épuisant , usant , lassant, de la recherche d’un lit pour le malade se répète. Tout le monde s’y colle, les infirmières, les médecins, les cadres de santé, les directeurs. Une énergie appréciable au quotidien, toujours et sans cesse pour trouver la perle rare : Un lit !

Rassurée par ce déploiement de forces elle finira par craquer quand on lui fera part de l’annonce du jour tombée sur nos écrans : Surréaliste ! incompréhensible ! indigne! « Ils ont encore fermé 5700 lits à l’hôpital en 2020 »  en pleine crise sanitaire! en sus des 100 000 lits fermés depuis vingt ans!

Sur le visage de Marie s’affiche tout le désespoir du monde,  puis des larmes, beaucoup de larmes.

Entre sanglots et larmes elle va trouver l’énergie pour nous faire rire et détester nos élites et dirigeants, comme nous , nous tous dans le monde des soignants ( seule une minorité mérite notre estime, ils sont rares ! ). Tous les « noms d’oiseaux » y passeront jusqu’à leur souhaiter un jour d’occuper sa place, là sur un brancard des Urgences, à attendre un lit, un de ces 105 700 lits qu’ils ont voulu fermer et supprimer.

Marie, comme toutes celles et ceux qui lui ressemblent, ne méritent pas de subir les conséquences de tant d’années d’oubli de ses élites.

Ce n’est pas le sportif de haut niveau ou une demande de chirurgie esthétique qui sont en souffrance de lit et d’hospitalisation. Non, ce sont eux, les oubliés de la vie, les oubliés de ce « nouveau monde » qui attendent dans nos services des lits que l’on supprime. Parce qu’ils sont âgés, atteints de pathologies lourdes et chroniques, en situation de précarité sociale et d’isolement, ils ne peuvent pas aller ailleurs pour être soignés, quoi qu’on en dise.

La fermeture de ces 5700 lits résume la politique de santé hospitalière,  voulue et pensée et dite hôpital à « flux tendus », en tension et pression permanentes,  c’est-à-dire en crise maintenant  continue. Cette politique de santé est un drame quotidien pour toutes ces personnes âgées qui justifient des soins et des opérations. Ces lits que ferment nos élus législateurs dans l’aveuglement de leurs votes aux ordres, sanctionnent et pénalisent avant tout cette frange des plus fragiles de notre société. Nos anciens et parents !

Ces votes, leurs votes, quand nous assistons impuissants à ces files d’attentes sur des brancards pour nos aînés,  nous font honte! Qu’ils le sachent et qu’ils en prennent conscience un jour, si non ils ne voteraient pas contre nos malades, contre nos équipes, contre leur propre conscience!

Ces lits qu’elles et ils ferment par leurs votes en pleine crise sanitaire où il manquait déjà trop de lits,  actent qu’ils ne sont pas à la hauteur de leur mission, de la confiance de tous et des enjeux de société. C’est grave ! Très grave ! Beaucoup parmi nos concitoyens ne leur pardonneront pas, les soignants de France, eux n’oublieront pas.

En écrivant ces lignes que l’on me permette au nom de toutes nos équipes , par respect et par devoir de mémoire,  d’adresser une pensée pour tous ces patients et malades, dont nos plus proches, qui par faute de lits en pleine crise sanitaire où il fallait à tout prix protéger l’hôpital du chaos, ont été triés et orientés sur des filières de soins qui ne pouvaient donner davantage, limites de nos systèmes obligent.

Parce qu’il nous faut pallier ces aberrations, ces irresponsabilités, ce non sens, ces logiques économiques qui sont des folies qui s’abattent sur l’humain et parce qu’il faut au quotidien essayer d’essuyer les larmes de Marie, les soignants, fiers de leurs vies, fiers de ce qu’ils sont et de ce pourquoi ils se battent, doivent rester debout et doivent tenir dans le temps.

Tenir dans le temps!? pour ceux qui en auront encore la force, les convictions et surtout le courage d’affronter ce monde qui fait mal, beaucoup de mal, jusqu’ à en faire renoncer aujourd’hui les plus motivés et les plus belles personnes de ce monde en blouses blanches.

Attention à ce constat, terrible, qui frappe aujourd’hui le monde de la Santé.

Attention à l’effet « ICEBERG » et ce que cache cette fermeture de 5700 lits …

La fermeture des 5700 lits signifie qu’aucune culture ni projection dans la gestion de crises futures n’ont été retenues pour un hôpital public sans capacitaire ni de réserves car contraint en tout.

Cette fermeture des 5700 lits acte le plus profond mépris vécu comme une VIOLENCE pour celles et ceux qui ne veulent plus travailler dans les conditions imposées et qu’ils dénoncent partout dans les médias.

Cet hôpital à flux tendus en pression et en tension continue , dont on se demande aujourd’hui quel en est l’avenir caché qui lui sera réservé, voit beaucoup de soignants démissionner, ou abandonner, renoncer pour ce qui était le plus beau métier du monde, SOIGNER !

Dans tous les hôpitaux de France, recruter des d’infirmières et des Médecins pour armer nos hôpitaux désarmés, saignés et abandonnés aux lois du marché qui étaient une folie ( 30 % de postes médicaux vacants aujourd’hui ) est devenu un combat quotidien!

Attention, le monde de demain sur le front des risques sanitaires qui sont annoncés est déjà écrit. Nous sommes avertis, toutes et tous.

Plus personne ne pourra revendiquer une « protection en irresponsabilité » pour des choix de politique de Santé qui refusent d’anticiper et de préparer le pays pour affronter ces horizons connus à l’avance.

Fermer 5700 lits en pleine période de crise sanitaire,  de grande souffrance de notre système de Santé et de crainte de chaos sanitaire, acte tout le contraire et la folie de nos gouvernants.

Edgar MORIN dans «  Changeons de voie, les leçons du coronavirus » écrit à nos élites et nos dirigeants en interpellant leurs consciences : « La conscience d’appartenir à une COMMUNAUTE HUMAINE et tous les enjeux de DEVOIR créer une politique de l’humanité », pas celle des chiffres et des nombres.

Le virus a tapé fort , très fort sur l’économie, la société, la politique et le politique. Puisse la fermeture de ces 5700 lits taper fort sur leurs consciences.

Dr Vincent CARRET
AMUF

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