Ça n’aura échappé à personne, depuis la pelle du 18 juin 1995 et la victoire du Front national, Toulon reçoit régulièrement la visite des leaders de l’extrême droite et de ses affidés.
Jean-Marie Le Pen, Bruno Maigret, Bruno Gollnisch, Marine Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen, pas un seul ne souhaite nous oublier cinq minutes et tous venaient, viennent et malheureusement viendront déverser leurs boniments dans la ville Préfecture du Var.
Le Var, terre de Clémenceau, grand Républicain, Dreyfusard, combattant anti raciste, mais ça … c’était avant. Il faudrait pourtant que les varoises et les varois s’en souviennent.
L’autre soir donc, c’était le tour du trublion de la prochaine campagne présidentielle que les amis de Marine surnomment : « Le Taubira de la droite ». Surnom donné en référence à la campagne Présidentielle de 2002 où certains estiment que la candidature de Christiane Taubira est, à elle seule, la raison de l’échec de Lionel Jospin. « Le Taubira de la droite » vous l’avez reconnu c’est Éric Zemmour, le polémiste des plateaux de télévision. Quand d’autres fêtaient les 40 ans du TGV le Train à grande vitesse, Toulon accueillait Éric Zemmour.
Le Trublion à Grande Vitesse
Il était à Toulon pour commencer une grande tournée de promotion commerciale pour son livre intitulé : La France n’a pas dit son dernier mot.
Il eut été, pour lui, historiquement plus correct de commencer à Vichy. Manque de chance pour nous, il a choisi Toulon.
Avant une séance de dédicace, dans son « One man show » comme à son habitude, il s’est cru obligé de revenir sur la mort d’Abdelaziz Bouteflika pour remuer le couteau dans la plaie de notre douloureuse relation avec l’Algérie. Compte-tenu du nombre de pied noirs qui habitent dans la région, l’occasion était trop belle. Ce trublion est passé maître dans l’art de surfer sur cette douleur, compréhensible par ailleurs mais qui ne saurait être éternelle. Poser du sel sur nos plaies doit créer des sensations inavouables à celui qui, par certains côtés, ressemble à Gargamelle. Comme le personnage de Peyo, ses échecs cuisants et répétés transforment ses besoins en haine. Rappelons qu’Éric Zemmour a été condamné pour provocation à la discrimination raciale en 2011 et pour provocation à la haine envers les musulmans en 2018. Éric Zemmour ne faisait-il pas partie de ceux qui exigeaient un casier judiciaire vierge pour tous les candidats aux élections ?
Un coup avec des prénoms, un coup avec des allocations, jamais il ne manque l’occasion de mettre en évidence un motif de division, oubliant que la politique, c’est l’art de rassembler.
À Toulon, il aurait pu nous rappeler le rôle du 6e Régiment des tirailleurs sénégalais du général Salan sur les pentes du Mont Faron entre le 18 et le 25 août 1944 (72 tués, 17 disparus et 374 blessés).
Pour séduire son auditoire, à deux pas du stade Mayol, il aurait pu parler d’une famille d’origine espagnole qui fit vibrer le peuple de Toulon pendant plus de vingt ans. Prononcer le nom de Herrero lui aurait certainement fait trop mal aux dents.
Pour théâtraliser sa prestation, il aurait pu nous parler de Charles Berling mais il est vrai que sa mère Nadia, est née à Meknès au Maroc. Pour Éric Zemmour, ce côté-là de la Méditerranée … ça ne passe pas.
Pour l’essentiel, pas un mot sur la Santé. C’est pourtant d’une actualité brulante, pas un mot sur sa proximité avec le monde de la finance, pas un mot sur l’économie, pas un mot la jeunesse, pour elle pas de quartier, il faut la redresser. Pas un mot sur la démographie pourtant sujet principal et diamétralement opposé en Europe et en Afrique pour ne parler que de ces deux continents.
25% de nos concitoyens pensent (et ils ont le droit) qu’Éric Zemmour serait un moindre mal, compte-tenu de la déliquescence de la classe politique actuelle. Alors, rappelons ce que nous disait Hannah Arendt « Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal. »
Zemmour et le nationalisme intégral
Comme beaucoup d’autres candidats, il se présente contre le système sans jamais en expliquer les soubassements. Éric Zemmour ramène au premier plan tous les problèmes aux frontières géographiques, morales et politiques de la France. Il n’aime pas les autres. Il n’aime pas l’Islam (qu’il confond à bon escient avec l’islamisme), il n’aime pas les émigrés, il n’aime pas ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, il considère que ceux qui sont européens sont des traîtres à la patrie par nature, ceux qui aiment les États-Unis d’Amérique sont des obtus, ceux qui aiment la Chine des vendus, ceux qui aiment la Russie des cocus etc, etc … Dans son « One man show » il ira jusqu’à dire que, selon lui, La Cour européenne des droits de l’homme-CEDH est un boulet pour la France. C’est d’autant plus cocasse quand on sait que le même Éric Zemmour a saisi cette Cour européenne des droits de l’homme pour sa condamnation de 2018.
Enfin, rayer d’un trait de plume la déclaration universelle des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 de la part de quelqu’un qui ne cesse de nous dire que ses opposants n’aiment pas la France … avouez que ça ne manque pas de sel.
Éric Zemmour a un système bien à lui qui ressemble comme deux gouttes d’eau au système des « identitaires ». Éric Zemmour se fait une idée de la France racornie, un peu comme Charles Maurras, Drieu la Rochelle, Lucien Rebatet. Il déteste l’école de Montesquieu, de Benjamin Constant, de Germaine de Staël, d’Alexis de Tocqueville, de Jules Ferry. Pourtant se sont des gens qui ont fondé notre République sur la liberté de la presse, la liberté d’opinion, la liberté d’association, la liberté de croire ou non. Tout cela fait partie de notre patrimoine. Éric Zemmour l’exècre.
Comme il ne supporte pas l’idée même d’immigration, oubliant volontairement que l’industrialisation de notre pays a été faite par des migrants comme le démontre Gérard Noiriel un des pionniers de l’histoire de l’immigration en France. L’immigration fait partie de l’identité Française même si cela déplait à Éric Zemmour. Il ne pourra jamais supprimer des livres d’histoire de la France le cardinal Mazarin sous prétexte qu’il était né à Naples, pas plus qu’il ne pourra supprimer Zinédine Zidane sous prétexte qu’il ne se prénomme pas Ferdinand.
À l’écouter attentivement on peut se poser la question de savoir si avec l’extrême droite ils n’ont pas plus de choses en commun que de sujets qui les divisent et les différencient. Les deux ont la même source d’inspiration : Adolf Hitler dans « Mon combat » « Si vous désirez la sympathie des masses, vous devez leur dire les choses les plus stupides et les plus crues. »
Pêcher n’est pas jouer
Comparer Éric Zemmour à Madame Taubira est une insulte … pour elle. Même si on peut ne pas partager les opinions de cette femme, il faut lui reconnaître une parfaite maîtrise de la langue française, ce qui ne semble pas être le cas d’Éric Zemmour. Lui qui met en avant sans cesse nos racines chrétiennes n’a pas dû lire attentivement les saintes écritures. En effet son dernier livre contient une faute d’orthographe dès la première ligne. Même pas la première page … LA PREMIÈRE PHRASE !
Cela ne peut être une coquille typographique dont l’imprimeur serait le seul responsable, le Trublion à Grande Vitesse la répète trois fois. Éric Zemmour écrit en effet page 1 première ligne, première phrase : « J’ai pêché, je le confesse. Pêché d’orgueil, pêché d’arrogance « . (sic)
Or en français, « pécher » au sens de « Acte conscient par lequel on fait ce qui est interdit par la loi divine » s’écrit avec un accent aïgu et non pas avec un accent circonflexe qui dans ce cas signifie « attraper un poisson ».
Pour un homme qui se présente comme un potentiel candidat à la fonction suprême, comme LE chef de l’État, comme le représentant de tous les Français (de France) … ça commence mal !
En quittant la salle de ce piètre spectacle, il me revint à la mémoire les mots de Voltaire « Ceux qui peuvent vous faire croire à des absurdités, peuvent vous faire commettre des atrocités. »
Laurent di Gennaro
