Une loi pour renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

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« L’état d’urgence ne peut pas être un état permanent, mais la menace terroriste, elle, reste permanente ».
La France vivait sous le régime de l’état d’urgence depuis les attentats du 13 novembre 2015. La persistance de la menace avait jusqu’ici conduit les gouvernements successifs à le proroger à plusieurs reprises.
 L’état d’urgence avait, dans l’état présent de notre droit, une réelle utilité pour lutter contre les terroristes et protéger les Français. Il a permis de déjouer plusieurs attentats, notamment à Marseille et dans les Alpes-Maritimes, en pleine période électorale.

Mais dès lors que la menace devient durable, l’état d’urgence ne pouvait plus être la solution.
–  Il est conçu pour faire face ponctuellement à des circonstances exceptionnelles.
–  Il limite l’exercice de certaines libertés publiques, comme la liberté de réunion et de
–  Il donne à l’administration des pouvoirs dérogatoires au droit commun, très étendus, 
et qui ne relèvent pas uniquement de la lutte contre le terrorisme. 
Il fallait donc adapter notre arsenal juridique pour nous donner le moyen de lutter efficacement contre le terrorisme dans le cadre du droit commun et ainsi sortir de l’état d’urgence le 1er novembre 2017. 
C’est l’objet de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, promulguée par le Président de la République le lundi 30 octobre 2017, publiée au Journal Officiel le 31 octobre 2017 avec entrée en vigueur immédiate le jour-même.

Quelques chiffres clés
–  10 attentats en France depuis le début de l’année 2017, réussis ou échoués : 3 février (carrousel du Louvre, Paris), 18 mars (Orly), 20 avril (Champs-Elysées, Paris), 6 juin (Notre-Dame, Paris), 19 juin (Champs-Elysées, Paris), 5 août (Tour Eiffel), 9 août (Levallois-Perret), 15 septembre (Châtelet), 30 septembre (Paris 16ème), 1er octobre (Marseille Saint-Charles)
–  13 projets d’attentats déjoués en France depuis le début de l’année 2017

Utilisation des mesures de l’état d’urgence :
70 perquisitions administratives depuis la dernière phase de l’Etat d’Urgence soit le 16 juillet 2017 – plusieurs projets d’attentats déjoués grâce aux perquisitions administratives (Pau et Toulouse en décembre 2016, Marseille en avril 2017 etc.)
41 assignations à résidence en vigueur au 30 octobre
75 zones de protection et de sécurité instituées pour des grands événements, dont 8 depuis le 16 juillet 2017

Légalité des mesures de l’état d’urgence : seulement 12% des mesures ont été annulées devant les tribunaux administratifs, et 13% devant le Conseil d’Etat.

Cette loi permet d’organiser une sortie maitrisée de l’état d’urgence en introduisant dans le droit commun des mesures ayant exclusivement pour objet la prévention des actes de terrorisme.
Ainsi, les assignations à résidence de l’état d’urgence, visent toute personne à l’égard desquelles il existe des raisons de penser que leur comportement peut constituer une menace pour l’ordre ou la sécurité publique. Avec la loi, les mesures de surveillance individuelle viseront uniquement les individus dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité et dont la proximité avec le terrorisme ou avec les thèses qui en découlent pourront être établie.

« Il s’agit de dispositions de droit commun, assorties systématiquement de garanties protégeant les libertés individuelles. Les conditions d’application sont beaucoup plus ciblées et très encadrées. Quant aux mesures elles-mêmes, elles sont moins restrictives. Nous avons choisi de renforcer la sécurité des Français, de ne pas flancher devant la menace terroriste, nous visons la sécurité optimale pour tous les Français, mais pas au prix de nos libertés. »  Gérard Collomb Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur

4 Mesures phares pour préserver l’équilibre entre la sécurité des Français et la protection de leurs libertés
a- Possibilité d’établir des périmètres de protection afin d’assurer la sécurité des grands événements
L’article 1er de la loi confie la compétence au préfet pour instaurer des périmètres de protection, de nature à assurer la sécurité d’événements ou de lieux particulièrement exposés à la menace terroriste.
Ces périmètres permettent de filtrer les accès par l’usage possible de palpations de sécurité, de la fouille des bagages et de la visite des véhicules.
Il s’agit ainsi de renforcer la sécurité des rassemblements de personnes, qu’ils soient festifs, sportifs ou culturels.
Sous l’état d’urgence : les périmètres de protection pouvaient être appliqués au seul motif de maintien de l’ordre public.
Aujourd’hui : il faut une menace terroriste avérée pour les établir
Exemple : lors d’une manifestation sportive ou culturelle considérée comme à risque le préfet pourra règlementer l’accès, la circulation et le stationnement des personnes afin de pouvoir organiser le filtrage des accès au périmètre protégé. Ce filtrage aura pour objectif de s’assurer que chaque entrant dans le périmètre ne porte ou ne transporte pas d’arme et ne représente pas de danger.

b- Possibilité de fermer certains lieux de culte
L’article 2 permet au préfet de procéder à la fermeture administrative des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, provoquent à la violence, à la haine ou à la discrimination, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou u font l’apologie de tels actes pour une durée maximale de six mois. Ces fermetures se font sous le contrôle étroit du juge administratif.
Sous l’état d’urgence : la fermeture pouvait être décidée pendant toute la durée de l’état d’urgence.
Aujourd’hui : la durée est limitée à 6 mois.
Exemple : un lieu de culte dans lequel le prêche ferait l’apologie du terrorisme serait concernée. Cependant pour éviter toute fermeture inadéquate, une procédure contradictoire préalable ainsi qu’un délai d’exécution permettant d’introduire un recours en référé devant le juge administratif sont prévus.

c- Création d’un régime de surveillance individuelle, qui diffère largement du régime de l’assignation à résidence
L’article 3 permet au ministre de l’Intérieur de prendre des mesures visant à faciliter la surveillance d’un individu, aux fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme. Leur durée d’application sera limitée à un an.
Ces mesures peuvent être prises à l’encontre de toute personne pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une « particulière gravité », et qui entre en relation habituelle avec des personnes ou des organisations aux visées terroristes, ou qui soutient, diffuse ou adhère à des thèses incitant au terrorisme.
Cette mesure peut être assortie de l’obligation de se présenter une fois par jour aux services de police ou aux unités de gendarmerie. La personne peut être dispensée de cette obligation si elle accepte d’être placée sous surveillance électronique.
Sous l’état d’urgence: les mesures d’assignation à résidence d’un individu étaient contraignantes avec la possibilité d’un pointage trois fois par jour et l’obligation de demeurer la nuit à son domicile et elles pouvaient être prises pour un motif large de trouble à l’ordre public.
Aujourd’hui : la nouvelle mesure de surveillance est restreinte au lien avéré de cet individu à une entreprise terroriste ou s’il soutient des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme et son périmètre ne peut être inférieur à la commune, pour être compatible avec sa vie professionnelle et familiale.

d- Création d’un nouveau régime de visites et saisies à domicile, qui diffère du régime des perquisitions administratives
Les perquisitions administratives de l’état d’urgence ont, encore récemment, démontré leur utilité dans le contexte d’une menace terroriste durable, que ce soit :
– dans une logique de prévention d’un comportement dangereux, sans que l’accomplissement d’actes de procédure judiciaire ne soit possible dans les délais impartis et sans devoir passer par la mise en place de techniques de renseignement, par définition plus longues à mettre en œuvre
– pour lever rapidement un doute alors que les conditions susceptibles de caractériser l’infraction ne pouvaient pas être réunies, par exemple lorsque la perquisition est décidée à la suite d’un signalement d’un service de renseignement étranger, d’un témoignage crédible d’un proche ou que les éléments faisant craindre le passage à l’acte résultent de l’exploitation de techniques de renseignement, impossibles à exploiter dans une procédure judiciaire dans un délai rapide.
Il est ainsi apparu nécessaire de mettre en place un régime juridique de droit commun susceptible de répondre aux besoins de prévention du terrorisme en conservant la possibilité, pour l’autorité administrative, de procéder à des visites domiciliaires, dans des conditions cependant beaucoup plus encadrées qu’en période d’état d’urgence.

L’article 4 prévoit alors la création d’un nouveau régime de visites et saisies à domicile mieux ciblées, désormais soumis à un contrôle renforcé du juge.

Toujours proposées par le préfet dans des conditions strictement définies, les visites et saisies seront désormais soumises à l’autorisation de l’autorité judiciaire, via le juge de la liberté et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris, après information du Procureur de la république de Paris et du Procureur de la République territorialement compétent et s’effectueront sous son contrôle.

L’autorisation de procéder à l’exploitation des données saisies, aujourd’hui délivrée par le juge administratif, relèvera désormais du juge judiciaire, avec une possibilité de faire appel.
Sous l’état d’urgence : les perquisitions administratives pouvaient être ordonnées pour un motif de troubles à l’ordre public sans autorisation préalable du juge.
Aujourd’hui : le motif est restreint « aux seules fins de prévenir le terrorisme » ; la nouvelle mesure prévoit que les visites soient autorisées par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris.
L’article 5 prévoit le caractère expérimental des articles 1er à 4qui seront réexaminés en 2020. Le Gouvernement sera tenu d’adresser la copie de tous les actes pris sur le fondement de ces quatre articles et adressera chaque année au Parlement un rapport détaillé sur leur application.

Autres mesures pour donner aux autorités les moyens de prévenir plus efficacement la menace terroriste
a- Possibilité de réaliser des enquêtes administratives pour les fonctionnaires radicalisés
L’article 11 modifie le code de la sécurité intérieure pour permettre de réaliser, lorsque le comportement de la personne fait apparaître un danger, des enquêtes administratives, y compris en recourant à certains dossiers des services de renseignement, pour accorder à des personnes des autorisations ou habilitations : port d’armes, accès à un site nucléaire, agrément des policiers municipaux ou des agents de sécurité privée, etc. ainsi que pour le recrutement de certains agents publics (policiers, militaires ou les agents de l’administration pénitentiaire.)
Le droit ne permettait que de faire ces enquêtes au moment de la prise de décision. Le nouveau dispositif permet désormais de consulter les fichiers lorsque le comportement de la personne fait apparaître un danger.
Ensuite, il faut pouvoir en tirer les conséquences, en retirant les agréments ou autorisations, mais aussi le cas échéant, si l’enquête révèle que le comportement du fonctionnaire est incompatible avec l’exercice de ses fonctions, en permettant sa mutation d’office ou sa radiation. Une commission spéciale interviendra alors pour permettre l’exercice du contradictoire.

b- Transposition de la directive « Passenger Name Record » (PNR)
Les articles 12 et 13 adaptent au droit de l’Union européenne et pérennisent la transposition de la directive « Passenger Name Record » (PNR).
Dès 2013, et dans l’attente de la directive PNR sur les « données passagers des voyageurs aériens[1] » annoncée au niveau européen mais qui peinait à prospérer, la France avait fait le choix de créer, à titre expérimental, un « système PNR France ». La directive ayant été adoptée le 21 avril 2016, il était nécessaire d’adapter le système français au droit de l’Union européenne et de le pérenniser avant son échéance.

c- Création d’un système national de centralisation des données des dossiers passagers du transport maritime
L’article 14 modifie le code de la sécurité intérieure pour créer, selon des modalités appropriées à ses spécificités, un système national de collecte des données des dossiers passagers du transport maritime à destination ou au départ de la France, distinct du système « Passenger Name Record » (PNR), toujours afin de prévenir et de détecter les infractions terroristes.

d- Instauration d’un nouveau régime légal de surveillance des communications hertziennes
Les articles 15 et 18 établissent un cadre juridique pour les opérations de surveillance des communications hertziennes.
 La loi tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016 par laquelle avaient été censurées, avec effet différé au 31 décembre 2017, les dispositions du code de la sécurité intérieure définissant les règles applicables aux opérations de surveillance de ces communications électroniques empruntant la voie exclusivement hertzienne sans impliquer l’intervention d’un opération de communications électroniques.

e- Renforcement des contrôles en zones frontalières
L’article 19 élargit les possibilités de procéder à des contrôles d’identité dans les zones frontalières.
Dans le cadre du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen, il a été constaté que la criminalité transfrontalière reste vive. il était donc nécessaire de renforcer le dispositif actuel :
– en étendant la durée maximale des contrôles de 6 à 12 heures,
- en permettant que les contrôles soient effectués aux abords des gares internationales, – en élargissant la possibilité de conduire de tels contrôles autour de certains points de passage frontaliers (ports et aéroports) désignés en raison de l’importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité dans la limite d’un périmètre de 10 kilomètres.
Ce renforcement du droit existant est pleinement conforme au droit européen et à la Constitution. Si la libre circulation dans l’espace Schengen interdit, sauf en période de rétablissement des contrôles aux frontières, de procéder à des contrôles permanents à la frontière, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne autorise les contrôles d’identité en vue de rechercher et de prévenir des infractions en lien avec la criminalité transfrontalière. En outre, ces contrôles ne revêtiront pas un caractère systématique, conformément aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, et ne seront pas discriminatoires.

[1] Il s’agit des informations déclaratives fournies par une personne, un organisme ou une agence de voyage, afin de réserver un voyage auprès d’un transporteur aérien.

source : ministère de l’intérieur

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