Un livre de résistance exemplaire

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Je ne reverrai plus le monde
Textes de prison
Traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes
Parution en librairie le 4 septembre 2019

Ahmet Altan est écrivain, essayiste et journaliste, il est aussi le rédacteur en chef du quotidien Taraf jusqu’au 15 juillet 2016. À cette date, la Turquie s’enflamme, des milliers de personnes descendent dans la rue à Istanbul et à Ankara, suite à une tentative de putsch.
Le lendemain commence une vague d’arrestations parmi les fonctionnaires, les enseignants, l’armée et les journalistes : Ahmet Altan fait partie de ceux- là, il sera condamné à perpétuité, accusé d’avoir appelé au renversement du gouvernement AKP.
Trois ans plus tard, le journaliste est toujours en prison : sa condamnation à perpétuité vient d’être confirmée par la Cour constitutionnelle. Ahmet Altan a 69 ans.
Ces dix-neuf textes remarquablement maîtrisés, ces aller-retours entre réflexions et sensations expriment le quotidien d’un homme écartelé entre le bilan de sa vie et de ses actions, et le vide glacial d’un avenir absent. Mais le courage lui revient, et malgré des conditions désespérantes il se remet à écrire.

Une seule longue phrase ouvre ce recueil : l’auteur conte l’arrestation à 5 h 42, ses réflexions dans la voiture de police mêlées aux souvenirs de son propre père arrêté de la même manière 45 ans plus tôt et sans plus de procès. Dans un second texte, il décrit sa première nuit, présente les autres prisonniers, pense à mourir et revoit l’inanité de son existence. Viendront ensuite des évocations de son quotidien, sa lente acclimatation à cet autre monde, ses souvenirs familiaux, ses lectures, ses débats avec les autres, conflictuels, à l’image de la Turquie. La visite de sa fille au visage si pur qu’il surnomme Marie avant d’apprendre quelque temps plus tard qu’elle aussi est enfermée.
Ahmet Altan relate ensuite son audition, l’annonce du verdict. Et pour finir, tel un credo, il s’en remet à son imagination, à la force de l’écriture qui lui permet de survivre et de franchir les murs de la prison.

Un livre de résistance exemplaire.

Ce livre est publié en Allemagne, en Espagne et en Italie mais pas en Turquie pour l’instant. La présente édition est néanmoins traduite d’après le manuscrit turc.
D’Ahmet Altan, les éditions Actes Sud ont publié Comme une blessure de sabre (2000) et L’Amour au temps des révoltes (2008).

AHMET ALTAN
Ahmet Altan, né en 1950, est un des journalistes les plus renommés de Turquie, son œuvre de romancier a par ailleurs connu un grand succès, traduite en de nombreuses langues (anglais, allemand, italien, grec…).
Deux de ses romans sont parus en français, chez Actes Sud : Comme une blessure de sabre (2000) et L’Amour au temps des révoltes (2008).
Son père, le journaliste Çetin Altan, fait partie des 17 députés socialistes qui entrent au Parlement turc en 1967. Pour ses articles, il sera condamné à près de 2 000 ans de prison. En 1974, dans le contexte de « L’Opération de maintien de la paix » (invasion de la partie nord de Chypre par les forces militaires turques), Ahmet Altan s’engage dans le journalisme : très vite, il commence à être connu pour ses articles en faveur de la démocratie.
Il publie en 1982 son premier roman (vendu à 20 000 exemplaires) puis devient, en 1985, le rédacteur en chef du journal Günes. Il publie son deuxième roman qui est condamné pour atteinte aux bonnes mœurs et fait l’objet d’un autodafé
1990 : Devenu journaliste à la télévision, il condamne la guerre et les deux camps, en dénonçant les crimes du PKK et de l’armée turque.
1995 : Il devient rédacteur en chef du journal Milliyet (l’un des plus importants du pays). Sous la pression de l’état-major, le journal le licencie. À la suite d’un article satirique, il est condamné à 20 mois de prison avec sursis. Il est accusé de soutenir la création d’un Kurdistan indépendant.
1996 : Son quatrième roman est un vrai phénomène de librairie, il y aborde les assassinats sans suite judiciaire.
1999 : Avec Orhan Pamuk et Yachar Kemal, il rédige une déclaration pour les droits de l’homme (et des droits culturels des Kurdes) et de la démocratie en Turquie, elle sera signée par Elie Wiesel, Günter Grass, Umberto Eco…
2007 : Il crée le journal d’opposition Taraf, dont il est rédacteur en chef jusqu’à sa démission en 2012.
2008 : Il publie un article, « Oh, Mon Frère » dédié aux victimes du Génocide arménien et se voit inculpé d’insulte à la Nation turque.
2011 : Il reçoit le prix Hrant Dink de la Paix (Hrant Dink est un journaliste arménien assassiné en 2007).
2018 : Il est arrêté puis condamné à la perpétuité aggravée.
2019 : Sa condamnation est confirmée en appel par la Cour Constitutionnelle.

 

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