Ubu sur la colline Merdre alors !

0

Châteauvallon programme trois représentations de la célèbre pièce sulfureuse d’Alfred Jarry. Attention les yeux !

Un concentré de farce iconoclaste.
Olivier Martin-Salvan propose une adaptation-condensée de deux textes « Ubu sur la butte et « Ubu roi » pour faire en une heure exploser la substance détonante de cette prose pré-célinienne ou l’oralité l’emporte sur l’écrit. Lors de sa création le texte de Jarry avait été qualifié d’éructation ubuesque. Le mot est resté pour définir une succession d’événements surprenants voire incongrus. La pièce se déroule dans un royaume de Pologne de  très haute fantaisie ! Le souvenir de la langue de  Rabelais est toujours présent dans cette série d’aventures verbales aux limites de l’absurde. Mais c’est aussi la saine confrontation de l’homme avec le pouvoir, le désir et la jouissance.

Un détournement parodique
Dès le « merdre » du lever de rideau, le langage de Jarry s’impose avec ses déformations et ses effets de style restés fameux, ainsi que son détournement parodique des formes du théâtre du 19e siècle comme du drame shakespearien, Macbeth et Falstaff étant des intertextes référents. Susceptible d’inépuisables commentaires, Ubu est un type universel qui renvoie à l’humain, au trop humain. Avec cette pièce, œuvre essentielle pour le 20e siècle une avant-garde naît.

Ubu roi, peut être qualifié de comédie dramatique, car la trame historique est fantaisiste et les morts farcesques. La pièce se conforme à une forme de théâtralité symboliste, elle est l’occasion de ce que l’on a pu appeler la « bataille d’Hernani du symbolisme» lors de sa première au Théâtre de l’Œuvre en 1899. Farce géniale, qui hausse la caricature jusqu’au mythe, elle sonne d’une certaine manière le glas du symbolisme.  On ne saurait cependant réduire Ubu roi au seul destin du théâtre symboliste, car sa postérité en fait une fable des temps

Alfred Jarry

modernes, consacrée par la lexicalisation de l’adjectif «ubuesque». Surtout, Jarry radicalise toutes les recherches théâtrales (refus du réalisme, de la psychologie, de la diction classique) et affirme, selon le titre de l’un de ses textes, «l’inutilité du théâtre au théâtre». Jarry ne cessera de réutiliser son personnage, avec notamment Ubu enchaîné et Ubu sur la butte (1901).

Une adaptation fidèle à l’esprit
Tout en réactualisant la scénographie Olivier Martin Salvan et ses complices (Thomas Blanchard, Robin Causse, Sissi Duparc, Gilles Ostrovsky et Juliette Plumecocq-Mech)  respectent l’esprit rebelle de l’œuvre de Jarry. Il dit dans sa profession de foi « Je bouleverse décor et costumes, accumule chants, déhanchements et singeries pour forcer le trait de cette farce politiquement incorrecte. »

C’est donc en tenue d’aérobic sur tapis de sol géant que la troupe s’ébroue sur des beats techno et donne la réplique. Alfred Jarry n’y perd pas son latin tant cette caricature potache et faussement désinvolte n’écarte en rien sa volonté d’attaquer avec virulence les figures despotiques, les dézinguer, tel Ubu roi transformé en gymnaste un brin infantile.

Un spectacle original et décoiffant qui honore Châteauvallon scène nationale à voir pour trois soirées les mercredi 5, jeudi 6 et vendredi 7 juin 20h30 Théâtre couvert. 04 94 22 02 02.

Jean-François Principiano

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.