Toulon le Liberté : Voyage au bout du mythe

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Toulon le Liberté
« La Ballata di Johnny e Gill » de Fausto Paravidino
Voyage au bout du mythe
Jean-François Principiano

Une genèse-story Italo-Américaine riche de promesses à concrétiser.
Très attendu ce spectacle en italien, français et anglais a été bien accueilli par le public toulonnais. Il faut saluer cette entreprise courageuse de la Scène Nationale varoise. Produire une création en misant sur un jeune auteur et metteur en scène italien à la générosité foisonnante comporte aussi des risques. Fausto Paradivino occupe pourtant une place de choix et de renom dans le théâtre de la péninsule. Il propose ici un spectacle ambitieux dont le propos est le dépassement par le théâtre de l’incommunicabilité linguistique entre des personnages-avatars de la Genèse. On y retrouve Abraham, Isaac, Sarah, Agar, Ismaël et des mythes comme la Tour de Babel, l’exil de Babylone, la traversée des déserts et des mers confrontés aux angoisses de notre époque.

Un voyage biblique
La première partie est très bien menée, mélangeant diverses situations narratives avec une volonté épique bien perceptible : le départ, la voiture Toyota, la traversée aventureuse, les embuches de l’errance, l’arrivée à New York de cette équipe brancaleone et célinienne. Belles images d’un dispositif scénique à la fois métaphorique et réaliste. Echappées heureuses vers la Comédie musicale, la commedia dell’arte et les masques. Utilisation judicieuse de l’environnement sonore et des choix de lumières blafardes, angoissantes. Musique suggestive d’Enrico Melozzi. On saisit bien les souffrances et les épreuves que subissent les protagonistes de ce voyage biblique vers la Terre promise. Belle projection des comédiens utilisant en alternance l’italien, l’anglais et le français (Federico Brugnone excellent, Iris Fusetti touchante, Danièle Natali et Aleph Viola étonnants).

Une fin complaisante
Après l’entracte, I/3 de la salle n’est plus revenu ce qui est dommage. La seconde partie fourmille de bonnes idées parfois un peu consensuelles. Quelques longueurs (la scène du show télévisé) ou des redondances (la scène de l’enfant d’Agar chassé par Abraham alias le marchand de poisson businessman). Paradivino conduit son récit narratif avec engagement et sincérité. Pourtant l’esquif fragile du mythe s’échoue sur les berges du quotidien dans une fin au pathos un peu complaisant. Regorgeant de trop d’intentionnalités et de messages, au bout de trois heures le souffle dramatique devient plus court. La tentation de l’exhaustivité l’emporte sur l’efficacité théâtrale. Sans doute en homme de scène avisé Fausto Paradivino saura-t-il resserrer le rythme et alléger le texte pour les prochaines représentations de cette tournée européenne qui s’annonce riche et prometteuse.

JFP

« La Ballata di Johnny e Gill » Prochaines représentations vendredi 9 et samedi 10 novembre 20h 30

Production Le Liberté, scène nationale de Toulon / theatre-liberte.fr

Coproduction Il Rossetti – Teatro Stabile del Friuli Venezia Giulia / Teatro Stabile di Torino – Teatro Nazionale / Les Théâtres de la Ville de Luxembourg / La Criée – Théâtre National de Marseille / Pôle Arts de la Scène – Friche la Belle de Mai / Châteauvallon, scène nationale.

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