Toulon : La Vie de Galilée par Philippe Torreton

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Brecht bouge encore !
Jeudi salle comble au Liberté pour ce texte célèbre de  Brecht porté de scènes en scènes par un Philippe Torreton étonnant. Le public a fait une ovation appuyée à ce spectacle mis en scène avec précision et efficacité par Claudia Stavisky directrice du théâtre des Célestins de Lyon présente dans le public  lors de la représentation de jeudi. Cette grande dame de la scène  a toujours su défendre son engagement et sa passion pour les textes majeurs du répertoire, de Pirandello à Thomas Bernhard. Ici en optant pour l’intemporalité elle en exalte l’universalité.

Pièce centrale dans l’œuvre de Brecht
Écrite en 1938-39, en collaboration de Margarete Steffin,  elle évoque la vie du grand physicien italien condamné à la rétractation par l’inquisition romaine. (Il a été réhabilité depuis par Jean Paul II). Elle pourrait n’être qu’une  biographie de plus avec son côté hagiographique et ses accents prophétiques, s’il elle n’était en plus (et surtout) du bon théâtre. Car la pièce de Brecht par ses séquences qui  se succèdent, comme au cinéma, devient épique. C’est la  grande  épopée des combats de la science contre l’obscurantisme de la religion qui s’offre à nous. Plusieurs fois, jusqu’en 1955 Brecht est revenu sur le texte. Ainsi y a-t-il ajouté la  célèbre scène de la rencontre de Galilée avec un jeune prêtre mathématicien qui lui fait comprendre  que ses parents, des gens simples, ont besoin de la foi et de la religion pour supporter le monde. « Pourquoi ne se révoltent-ils pas ? » répond Brecht-Galilée-Torreton.

Torreton-Galilée.
Le comédien incarne ainsi  un Galilée désespéré ou plus exactement lucide. Il comprend bien l’enjeu de sa vie et de son engagement mais il connaît aussi ses limites et celles des hommes. Torreton est incomparable dans ces scènes de lucidité visionnaire. L’Église catholique pressent que si la Terre n’est plus le centre du monde, c’est tout son système de représentation qui va être mis à mal. En effet, l’étape suivante consistera à dire que l’Homme n’est pas le centre de la Création, que l’Homme est un animal comme un autre.

« Nous verrons le jour où ils diront : il n’y a pas l’homme et la bête, l’homme lui-même est une bête, il n’y a plus que des bêtes ! »

Il en découlera aussi, tout naturellement, que l’Église n’est pas le centre de la civilisation : « Pourquoi place-t-il la Terre au centre de l’Univers ? Pour que le trône de Saint-Pierre puisse être au centre du monde ! »

Le comédien déploie dans ces scènes précisément, une force de conviction irrésistible. Il vit le texte de l’intérieur. Sa diction est « déliée et rythmée » comme disait Louis Jouvet. Elle est tellement personnelle qu’elle en devient naturelle. Les autres comédiens mis à part  Frédéric Borie  et Michel Hermon (excellents) ne sont pas toujours du niveau de Torreton mais peu importe car c’est sur lui que tout repose. Parfois il éclipse le reste de la troupe, qui pourtant ne démérite pas d’engagement.

On a critiqué dans les salons parisiens le choix de cette pièce. On a proclamé que Brecht était mort. Qu’il était injouable. Que son « ton » donneur de leçon était désormais dépassé. C’est un peu trop vite oublier le contexte de la veille de la guerre. Les enjeux d’alors sont les inquiétudes d’aujourd’hui. Mort Brecht ? En tout cas son théâtre « bouge » encore !

Jean-François Principiano

Deuxième représentation ce Vendredi  18 oct. 20h30 Théâtre Liberté Toulon.

 

 

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