La soirée musicale du 15 octobre a soulevé l’enthousiasme d’un public mélomane conquis par la jeunesse, l’engagement et le talent. Très belle prestation de l’orchestre symphonique de l’opéra de Toulon.
Et tout d’abord je voudrais souligner la prestation de Joël Nicod en tant que présentateur, sorte de fil rouge indispensable lors de cette soirée consacrée à la musique du premier vingtième siècle. Joël Nicod, lui-même musicien, a synthétisé en quelques mots les musiciens et leurs œuvres, avec connaissances, sans pédanterie, loin de toute dérive musicologique prétentieuse. Il a apporté sa pierre discrète et compétente à l’édification du succès de la soirée.
Le jeune chef Victor Jacob à l’orée de sa carrière est déjà bien aguerri (il est chef assistant de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, l’OPRL). Sa battue est légère et précise, sa conception des partitions s’adapte avec finesse à la formation qu’il a devant lui. Souriant et enthousiaste il a donné un sentiment de maîtrise musicale évident.
Le choix des compositeurs (Torque, Copland, Villa Lobos, Grazyna Bacewicz) est habile. Ce sont des esthétiques néoclassiques des années 20-40 de l’autre siècle, fortement influencées par le goût d’entre deux guerres (Nadia Boulanger) et s’écartant résolument de la musique radicale sérielle et dodécaphonique. On n’en est pas encore à Toulon à programmer les grandes partitions de Messiaen, Boulez, Berio, Stockhausen, Xenakis ou Dusapin. Mais c’est une étape indispensable, cependant, qui fait progresser le goût du public et Jérôme Gay a parfaitement raison de proposer une musique de notre temps « écoutable » et de bonne qualité. Les Concerts classiques à l’Opéra de Toulon ont d’ailleurs, grâce à lui, un énorme succès et cette soirée, en soi, n’avait rien de déconcertante…
Si l’on devait définir esthétiquement l’ensemble on pourrait parler, au sens le plus noble, de musique décorative-descriptive de belle facture avec des moments exceptionnels d’inspiration (ex : le final du concerto pour guitare de Villa-Lobos, le premier mouvement du concerto pour clarinette de Copland, le mouvement central du concerto pour Marimba de Torke.)
J’ai beaucoup apprécié le Concerto pour orchestre à cordes (1948) de la polonaise Grazyna Bacewitz, disparue trop jeune. On perçoit bien dans cette séquence toute les qualités des cordes de l’orchestre de Toulon. Remarquable prestation de Laurence Monti premier violon super soliste. Cette œuvre célèbre était donnée avec un faible effectif aux cordes, sans doute dû aux nécessités de distanciation imposées par la crise sanitaire. Cela doit être éprouvant pour ces musiciens aux jeux impeccables de ne se sentir jamais soutenus par un « ripieno » conséquent.
Sur le plan des solistes de la soirée, auxquels il faudrait ajouter Vassilia Briano à la harpe, et Alcibiade Minel au piano c’était quasiment parfait.
Belle musicalité de Joë Christophe à la clarinette avec un son très pur dans les notes médianes, un digitalisme virtuose, l’art des nuances. Quelques notes aigues sont encore un peu à améliorer dans l’émission. La sensibilité musicale est déjà bien affirmée (premier mouvement).
Aurélien Gignoux au grand marimba à travaillé le concerto de Torke en peu de temps ce qui est tout à son honneur puisqu’il remplace au pied levé le soliste prévu Alexej Gerassimez. Sa prestation a soulevé l’enthousiasme, le public exigeant un bis clôturant la soirée en beauté.
Mais une mention spéciale revient au jeune guitariste Thibaut Garcia dans le difficile concerto pour guitare de Villa-Lobos. Légèreté des traits, absences de scories dans le passage des notes rasclando, musicalité superbe, implication sonore, recherche de la caractérisation de cette musique ensoleillée et tropicale. Une véritable ovation a accompagné le bis proposé, la fameuse Cumparsita de l’Uruguayen Matos Rodriguez, un tango brillant fier et lumineux comme ce jeune virtuose promis à l’empyrée musicale.
Jean-François Principiano
