SIDA : un virus indétectable n’est plus transmissible

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La 9ème Conférence Internationale sur le SIDA et les mécanismes de l’infection à VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine) a eu lieu à Paris du 23 au 27 juillet 2017. Le Dr Alain Lafeuillade, responsable du service infectiologie au Centre Hospitalier Intercommunal de Toulon-La Seyne, et coordinateur du Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections à VIH, hépatites virales et infections sexuellement transmissibles, a participé aux travaux.

Cette conférence qui, depuis 2001 alterne tous les 2 ans avec le congrès International sur le SIDA, est plus axée sur la recherche et moins sur les aspects associatifs que l’autre conférence. Il n’en reste pas moins que si les communications présentées sont très scientifiques, plusieurs aspects restent accessibles à un public non spécialisé. Elle est organisée par l’IAS (International AIDS Society, Société Internationale de lutte contre le SIDA).

Paris a donc accueilli cette conférence pour la deuxième fois, après 2003. Cette année, 5000 participants venus de tous les pays étaient présents. Une évidence pour le Dr Lafeuillade :

-« La France est en effet un acteur historique de la lutte contre le VIH/sida, une de nos priorités dans le domaine de la santé mondiale. Ainsi, notre pays est le deuxième contributeur du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme derrière les États-Unis. Depuis la création de ce fonds, le total cumulé de notre contribution a atteint 4,8 milliards de dollars. Cette première conférence mondiale depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir s’est donc légitimement tournée vers l’Amérique. “Les Américains représentent un financement essentiel dans ce domaine et nous avons besoin qu’ils restent engagés”, a déclaré en ouverture la chercheuse Linda-Gail Bekker de sa voix fluette, présidente de la Société Internationale du Sida (IAS), qui co-organise la conférence avec l’agence française ANRS (Agence Française de Recherche sur le SIDA). »

En mémoire de Prudence Madele et de son héritage militant, mais aussi afin de dénoncer les atermoiements politiques et financiers, en Afrique du Sud et dans le monde, les militants présents ont scandé “Le sida n’est pas terminé, le sida n’est pas terminé ! en séance d’ouverture.

-« C’était un moment fort. On semblait revenu aux années noires et militantes du sida », constate le Dr Alain Lafeuillade. « En mémoire de son amie, une activiste sud-africaine du Woman Positive Network a insisté sur le fait que “les discussions doivent cesser et les actes (re)commencer”. Tout en ayant demandé aux 5000 participants de reprendre en cœur ses slogans comme dans une église évangéliste. »

Rien pour nous sans nous”, a été également, le credo de Giovana Rincon, figure de proue du combat pour le T de LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres) et fondatrice de l’association transgenre Acceptess-T. L’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU sur le VIH/Sida en Europe de l’Est et en Asie a, de son côté, insisté sur la « situation extrêmement préoccupante de l’épidémie, en particulier chez les usagers de drogues injectables et leurs partenaires, en Russie. »

Pour un virus indétectable
– « Le leitmotiv associatif de la conférence de l’IAS se réduit à 2 lettres et à un signe : U = U », explique le Dr Lafeuillade
« Undetectable = Untransmittable : un virus indétectable grâce à la trithérapie n’est plus transmissible et cela permet de stopper l’épidémie. De fait, les militants présents ont rappelé qu’une personne séropositive avec une charge virale indétectable ne transmet pas le virus du sida. C’est assez incroyable que l’on doive rappeler cette réalité scientifique du TasP (Treatment as Prevention) qui ne fait aujourd’hui plus débat… Tout en se remémorant comment les conflits interassociatifs, et la frilosité des pouvoirs publics ont littérairement gelé, au début des années 2010, la mise en perspective des nouveaux outils de prévention, TasP comme PrEP (traitement pré-exposition). Il semblerait même que l’IGAS, l’inspection générale des affaires sociales, enquête sur les raisons d’un tel retard en France. Même si en matière de PrEP la France reste leader avec la commercialisation du Truvada® pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. »

Le traitement pré-exposition (PrEP) sujet phare du Congrés
-«  Rappelons qu’il s’agit de prendre quotidiennement un comprimé de Truvada® (maintenant génériqué), explique le Dr Lafeuillade, essentiellement chez des homosexuels à partenaires multiples qui ne se protègent pas toujours par le préservatif, avec un risque d’acquérir le VIH diminué de plus de 90%.

Dans une étude menée à l’hôpital Tenon à Paris et portant sur 377 utilisateurs de PrEP entre janvier 2016 et Janvier 2017, dont 60% utilisaient aussi des substances « psychoactives » (surtout des amphétamines) lors de leurs rapports, 1 seul cas de contamination par le VIH a été observé (avec une souche virale partiellement résistante au Truvada®) mais 215 autres IST ont été diagnostiquées et traitées, la plupart étant asymptomatiques. »

Globalement, en France, entre le 4 janvier 2016 et le 28 février 2017, c’est 3405 personnes qui ont bénéficié de la PrEP. Au total 4 cas de séroconversion ont été observés, dont 2 qui avaient interrompu la PrEP.

-« On espère que cet outil, parmi les autres (dont l’usage du préservatif) sera capable de casser la courbe de nouveaux cas d’infection à VIH en France par an qui reste tristement sur la ligne des 7000 nouveaux cas depuis plusieurs années », insiste le Dr Lafeuillade.

De nouvelles stratégies de traitement anti-retroviral et de nouvelles molécules ont été dévoilées lors du congrès, avec un objectif : améliorer l’observance.

Les choses avancent
La leçon de ce 9ème congrès de l’IAS ? « Laissons du temps au temps », répond le Dr Alain Lafeuillade. Beaucoup a déjà été fait en terme de traitement et de tolérance. Ce qui reste à faire – éradiquer le virus, trouver un vaccin – est scientifiquement le plus difficile. N’oublions pas qu’il a fallu 3 ans pour découvrir la cause de la maladie, 6 ans pour tester le premier antiviral, et 15 pour obtenir des trithérapies efficaces… »

N.F

 

 

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