Serge Dassault : des voeux et des casseroles !

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Le président nonagénaire du groupe Le Figaro vient une fois de plus de présenter ses voeux, au nom des journalistes et de tous les personnels de « ses » titres, comme tous les patrons de presse ou leurs directeurs de publication…Rien que de très classique…si ce n’est le palmarès judiciaire de la 3è fortune de France !

Comment, avec l’ampleur des procédures qu’il a suscitées, des jugements qui ont été prononcés contre lui avant même son inéligibilité comme maire de Corbeil en 2009 pour achat de votes et pour irrégularités des comptes de campagne.

En 1991, pour entraves au fonctionnement des comités d’entreprises de son groupe, en 1998 à Bruxelles à deux ans avec sursis dans le cadre de l’affaire Agusta une affaire de corruption dans des marchés militaires. Serge Dassaul avait été reconnu coupable de corruption active par la cour de cassation belge et condamné à deux ans de prison avec sursis.

En 2017 encore, il est condamné à deux millions d’euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, pour blanchiment d’argent et dissimulation à l’administration fiscale de dizaines de millions d’euros pendant 15 ans.

Et ceci n’est qu’un aperçu non exhaustif de ses performances judiciaires, nonobstant ses « qualités » d’élu, de maire, de sénateur, de conseiller général et régional…On en oublie.

Mais, il a 92 ans et surtout il est riche, très riche, donc très proches des gens de pouvoir qui, comme lui, veulent que leurs affaires marchent et que « leur » presse diffuse des idées « saines ». Il peut tout se permettre, du moins dans son camp où la pensée unique dispense du moindre regard critique et ferme les yeux sur les abus de pouvoirs et la corruption active qui les accompagnent.

Nous ne cherchons nullement à accabler un vieillard qui perdrait un peu les pédales, ça ne serait pas très convenable. Mais c’est en tant que chef d’entreprises et grand patron de presse qu’il s’exprime. Et en leur nom ! En ont-ils conscience ?

Ne voient-ils pas que l’opinion publique, pour peu qu’elle soit informée, ne peut qu’être indignée qu’avec un tel palmarès, de telles déclarations, de tels actes à son actif (si l’on peut dire) de telles condamnations…il est toujours considéré comme un personnage au-dessus de tout soupçon ? Il joue les victimes des jaloux et de ses adversaires.

Au nom de quoi la justice devrait être aussi complaisante après avoir été aussi laxiste ? Tandis que ce gouvernement criminalise l’action syndicale et l’action humanitaire. Prétendant traquer la fraude…sauf dans les hautes sphères, au nom de la moralisation de l’action publique !

Qu’il lui soit au moins retirées les responsabilités sociales qu’il assume et qu’il cesse d’être montré en exemple et en donneur de leçons politiques ou morales.

Ne s’était-il pas distingué il y a encore peu, s’adressant aux formateurs d’une école de journalisme, il leur demandait « de ne pas former des journalistes de gauche ! »

Le parquet financier lui-même écrit que c’est un élu « qui a piétiné toutes les lois qu’il a votées dans le domaine de la fiscalité et trahi son mandat…l’ampleur de la fraude et sa durée justifieraient une peine d’emprisonnement ferme ». Il en sera dispensé, vu son grand âge. Cela fait plus de trente ans que ça dure.

Apparemment cela ne trouble pas les journalistes du Figaro ni ses lecteurs. Sauf en de rares exceptions comme en 2004 où les journalistes trouvaient la subordination du journal au grand patron assez pesante. La rébellion fut de courte durée. Ni les autres médias, au service de l’ordre établi et de la parole élyséenne aujourd’hui, ne s’en indignent.

Serge Dassault serait-il plus craint qu’admiré ?
En tout cas il est toujours aux manettes de l’empire dont il a hérité. Sa fortune (3ème de France) est estimée à 21,6 milliards de $, en progression de 5% sur 2016. Outre le groupe Dassault dans l’aéronautique, le groupe de presse Le Figaro, des participations dans Véolia, Thalès, Biomérieux, Rubis, Artcurial, vignobles, une propriété de 750 ha près de Rambouillet avec réplique du Trianon…etc.

Cent ans et deux guerres traversées
Un livre récent (1) nous apprend qu’à la mort de son père, le 22 avril 1986, à 94 ans, qui fut l’un des pionniers de l’aviation française, le ministre de la Défense, André Giraud, du nouveau gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac, s’opposa à la nomination de son fils Serge -qui avait 61 ans- comme PDG de la société « Avions Marcel Dassault-Breguet Aviation ».

Le bras-de-fer dura six mois et Serge Dassault finit par l’emporter. On peut se demander pourquoi cette hostilité d’un gouvernement de droite qui vient de s’imposer aux élections législatives, vis-à-vis de l’un des siens ?

Le fait est que 31 ans plus tard, la société a plutôt prospéré en restant le principal fournisseur de l’État en matière d’équipements militaires aériens, bénéficiant de son soutien à l’international -le conflit d’intérêt n’a guère pesé lourd- son nouveau patron étant devenu parlementaire après avoir hérité de la réussite exceptionnelle de son père durant sa très longue carrière interrompue par la seconde guerre.

Marcel Bloch, tel était le nom de famille du fondateur de la société jusqu’au lendemain de la seconde guerre mondiale. D’origine juive, il fut déporté à Büchenwald. Il y fut sauvé de la mort par un autre déporté, le résistant communiste, Marcel Paul, qui sera ministre du gouvernement présidé par le général De Gaulle à la Libération.

Marcel Bloch lui en sera reconnaissant toute sa vie. Et le fera savoir. Pas seulement à ce militant mais à la classe ouvrière à laquelle ce grand patron rend hommage :
« J’ai été sauvé par mes amis de la classe ouvrière qui m’ont caché successivement dans cinq baraques, la dernière nuit, la nuit fatidique alors que les SS me recherchaient dans le camp. Il peut sembler curieux qu’un industriel fut sauvé par la classe ouvrière. Maintenant, je veux aider à reconstruire la France. Mon sauvetage est un symbole de la façon dont on peut travailler ensemble. »

Les pages qui sont consacrées à sa déportation et aux circonstances qui lui ont fait échapper à la mort sont des plus explicites. À Buchenwald, ce sont les déportés qui ont libéré le camp et fait prisonniers leurs bourreaux, grâce à leur organisation et à la solidarité qui régnait entre les déportés de 31 nationalités. Certains prisonniers, allemands, y étant dès le milieu des années 1930.

On ne peut pas dire que le fils, Serge, ait retenu la leçon et marché sur les traces du père sur ce terrain. Contrairement aux propos qui lui sont prêtés dans l’ouvrage :
« Il a survécu à Buchenwald sûrement grâce à la foi qu’il avait dans l’avenir et dans son avenir, mais aussi il faut le dire, grâce aux communistes qui gouvernaient le camp et qui avaient apprécié sa façon de traiter les ouvriers. Marcel Paul fut un de ceux qui le sauvèrent. Ce n’était pas facile à l’époque, surtout dans ces conditions. Il lui en fut toute sa vie reconnaissant. Encore une leçon de plus pour moi. Dans la vie on a besoin de tous, personne ne doit être écarté et tout le monde a droit à l’amitié. »

Était-ce pour rester dans la tonalité du père ? À quel moment était-il sincère ?
Hélas ! l’anti-communisme virulent de l’héritier, sitôt aux commandes, se manifesta très tôt et son combat à Corbeil, municipalité dirigée de longue date par un communiste prit des formes très violentes, à coups (bas) de millions de francs, puis d’euros pour acheter des électeurs et le justifier en invoquant la paix sociale ! Digne des plus sombres films de gangsters.(2)

Ce pourquoi il a été condamné…entre autre et s’est construit une réputation sulfureuse à l’image de celle des Balkany, dans les Hauts de Seine.

N’est-ce pas ce genre de réussite sociale que nous vante Macron à longueur d’interventions ? Serge Dassault, lors de ses voeux (3), se félicite d’ailleurs de ses intentions très libérales, « de la bonne tenue de l’activité avec l’entrée des capitaux principalement américains au capital des sociétés…ce qui va faciliter l’investissement et la croissance ainsi que la réduction du périmètre de l’ISF… »

Il en connaît un rayon sur ce plan, condamné pour dissimulation fiscale, par dizaines de millions au Luxembourg et au Lichtenstein…tandis que, dit-il, s’effacent « les vieilles notions de droite et de gauche. » Pourvu que ça dure !

On ne sait pas si ça relève du cynisme ou de la provocation.

René Fredon

(1) « DASSAULT : de Marcel à Serge » de Claude Carlier aux éditions Perrin,

(2) https://www.youtube.com/watch?v=3q0y2W9YKHE
https://la-bas.org/la-bas-magazine/reportages/affaire-serge-dassault-son-garde-du-corps- temoigne

(3) https://www.pressreader.com/france/le-figaro/20180102/281496456664724

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