Samson et Dalila aux Chorégies d’Orange

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Soirée romantique sous le ciel de Provence
C’est avec une fébrilité heureuse que le public des Chorégies gravissait les gradins du théâtre antique* pour retrouver le spectacle vivant sous le regard bienveillant de César et en présence de Jean Castex et  du prince Albert de Monaco.

La soirée a bénéficié ce samedi  10 juillet d’une météo clémente et les martinets semblaient ravis de voir l’immense amphithéâtre se remplir  malgré  toutes les contraintes. Les garanties sanitaires avaient été réunies pour assurer  à ces retrouvailles le bonheur du partage retrouvé.

Qualité d’écoute
Quelques remarques globales préliminaires. On aura sans doute perçu, outre l’émotion du retour, une grande qualité d’écoute  de la part d’un public qui découvrait cette  œuvre de Camille Saint-Saëns, mi opéra, mi oratorio.

Sur un livret de Ferdinand Lemaire à partir du livre des rois de  l’ancien testament, l’œuvre évoque le héros légendaire Samson qui après avoir délivré les hébreux se laisse détourner de sa mission par la belle Dalila.  Au cours d’une  nuit d’amour elle  le dépouille de sa chevelure et de sa force. Livré à ses ennemis les philistins, aveuglé et enchaîné, le pauvre Samson implore Yahvé de lui redonner sa  force première  et dans un ultime effort il fait s’écrouler le temple de Dagon ensevelissant les philistins.

Cet opéra  est un flux continu de musique  qui a étonné Wagner et séduit Liszt qui créa l’œuvre en allemand à Weimar, avant la France, en 1874. Son style correspond au grand opéra historique français avec une orchestration soignée, de grandes pages lyriques et un certain académisme.

Le chef d’orchestre Yves Abel a été en tout point remarquable de précision, d’engagement, d’attention. Evitant de couvrir les voix il a su exprimer avec le très bel orchestre de Radio France le meilleur de la partition, évitant d’appuyer sur les aspects  trop décoratifs, laissant s’épanouir le souffle lyrique. Sa battue est d’une lisibilité convaincante et efficace, attentive à respecter la mesure et à éviter les décalages. Prestation plus qu’honorable des  Chœurs des opéras d’Avignon et de Monte Carlo.

Alagna impérial
Très attendu, le ténor Roberto Alagna était au rendez-vous. Vaillance dans les aigus de la fin des deux actes « Trahison ! » et « En ce lieu ! » avec un contre ut éclatant et tenu, il a surtout dominé la soirée par sa diction française parfaite (on comprend tout ce qu’il chante) et rappelons-le sans micro. Il a incarné le héros biblique avec émotion, retenue et un legato ne cédant pas a des effets faciles. Son émission est parfaite, sa diction incisive et ample rappelant la grande tradition des ténors français tel que George  Thill  et la quinte aigu rayonnante.

Marie Nicole Lemieux mezzo-soprano canadienne  a cherché à faire de la musique libérant sa sensibilité subtile dans le grand duo d’amour «  Ah Réponds à ma tendresse ! » Une artiste respectueuse des nuances, un art du chant proche de la mélodie bien servi par une diction élégante, une ligne de chant parfaite, un timbre chaleureux, une égalité  vocale  dans toute la tessiture, des graves puissants aux aigus lumineux.

Clarté de la mise en scène
Un peu décevantes les  autres voix d’hommes semblaient ne pas avoir su apprivoiser l’acoustique du théâtre antique, Nicolas Courjal, un vieillard hébreux aux beaux accents, Nicolas Cavallier dans le  grand prêtre de Dagon, un beau timbre sans grande prestance et Julien Véronèse un Abimelech trop en retrait. La Chorégraphie d’Eugénie Andrin nous a épargné le pire dans cette bacchanale  d’un autre temps  qui n’est pas le meilleur moment musical de l’œuvre.

Enfin, la mise en scène de Jean Louis Grinda  séduit par sa clarté, une mise en valeur sans surcharge de la beauté du mur du théâtre antique  et un souci de lisibilité. Il évite le péplum biblique et surtout ne cherche pas à faire dire à l’œuvre ce qu’elle ne peut exprimer, une puissance comparable aux dernières œuvres de Wagner ou de Verdi (qui lui sont contemporaines). Debussy disait : « Monsieur Saint-Saëns est le compositeur qui connaît le mieux la musique !» et Gounod ajoutait  malicieusement : « Il lui manque seulement de l’inexpérience ! ».

Le petit ange blanc qui conduit Samson vers son destin et les costumes échappés de la garde-robe de DarkVador  sont à la limite  d’une touche de modernité assumée. Mention spéciale pour les lumières, projections  et effets spéciaux qui tout en respectant le mur antique ajoutent au dramatisme du dernier acte lorsque s’écroule le temple.

En conclusion une  belle soirée lyrique, hommage à la musique et au chant français à travers une œuvre fleuron du grand opéra romantique. Retrouvailles heureuses d’un public avec ce lieu mythique et son ténor préféré.

Diffusion le 16 juillet en captation de direct sur la chaîne  France 5

Jean-François Principiano


*parmi  le public les mélomanes de l’association Opéravenir

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