Le Front National décrypté.
André Koulberg est l’auteur d’un petit livre sur le Front National* devenu maintenant Rassemblement National. Ce livre fort utile pourrait se définir comme une étude sur le langage et les idées de ce parti d’extrême droite. Afin de mieux le combattre il convient d’en détricoter la pensée, les méthodes et les rouages. D’un ton modéré, volontairement posé, André Koulberg, philosophe et militant de la Ligue des Droits de l’Homme, auteur en 1989 du livre l’affaire du voile islamique, argumente pas à pas et analyse les réussites du parti de Jean Marie Le Pen.
Le constat d’un succès qui met en danger la démocratie
On a tous vu ou entendu ces citoyens en colère expliquant qu’ils ont été déçus par la droite et par la gauche et qui disent : « Pourquoi ne pas essayer le Front national » ?
Mais qu’est véritablement le Front national ? Comment les idées de ce parti ont-elles réussi à infiltrer progressivement des esprits qui, pour la plupart, ne se disent pourtant ni d’extrême droite ni fascisants ? Pourquoi depuis plus de quarante ans n’arrive-t-on pas à le contrer efficacement ? Quel est le véritable ADN de ce parti qui se prétend respectable ?
Une porosité du langage FN dans la société.
On ne peut pas comprendre les succès du FN sans étudier la société, la culture, l’histoire dont il se nourrit. Notre société, notre culture, notre histoire. Peut-on combattre le FN en parlant comme lui, en posant les mêmes questions que lui, en acceptant les concepts et le champ d’évaluation où il se situe : « identité », « Français de souche », « diabolisation », « communautarisme », « assimilation », « populisme »…? Ce vocabulaire hélas est devenu le nôtre grâce à la complaisance d’une part des médias et des hommes politiques qui surfent sur les mêmes peurs et d‘autre part à cause du désir de succès rapide de certains qui les utilisent. Au départ il y a sans doute un malaise dans la société. Ce malaise produit des inquiétudes, lesquelles sont soi-disant dépassées par des solutions miracles et simplistes. Il ne reste plus qu’à l’extrême droite de les inoculer dans tout le corps social déjà anesthésié par une « sous culture du spectacle » véhiculée par la télévision et le consumérisme ambiant.
L’obsession ethnique comme fil rouge
Il nous faut aussi comprendre comment l’obsession ethnique de ce parti structure, aujourd’hui comme hier, toute sa pensée, son imaginaire, ses pratiques, ses penchants clairement autoritaires et sa volonté d’instituer des discriminations partout. Une fois élargi le regard et dissipé ce théâtre d’ombres, apparaît une formation politique beaucoup moins anodine qu’on ne le dit, qui n’a pas rompu avec les héritages les plus inquiétants de notre histoire contemporaine. Ainsi le slogan les Français d’abord est un coup de force contre les idées de base de la cohésion sociale. La France dont rêve l’extrême droite n’est pas la France. Au travers des mesures xénophobes qui sont au cœur de son programme, elle propose un pays amputé de toute une partie de sa population.
Rendre lucide le citoyen
Si par malheur ces idées venaient au pouvoir, des milliers de personnes seraient directement menacées. Nous les côtoyons quotidiennement dans la salle d’attente de notre médecin ou sur les bancs de nos universités. Ce sont aussi les parents des camarades de classe de nos enfants, ou nos collègues de travail. Parce qu’ils sont étrangers, l’extrême droite souhaite leur pourrir la vie. Et voudrait les bannir de cette France, la nôtre, celle que jusqu’à aujourd’hui encore nous partageons avec ces hommes et ces femmes. Réfugiés, mineurs isolés, travailleurs sans papiers, parents étrangers d’enfants français… leur quotidien en France deviendrait totalement incertain si ces idées triomphaient un jour. De plus, certains qui prônent ces idées d’exclusion, portent des noms à consonance étrangère qui témoignent de leur appartenance familiale à cette France venue d’ailleurs jadis et qu’ils entendent stigmatiser aujourd’hui.
Avec cette conférence au Comedia qui se poursuivit par un riche débat au sein d’une assemblée hélas trop clairsemée, André Koulberg apporta sa part de lucidité. La lucidité ! Cette blessure si proche du soleil disait René Char
*Le FN et la Société française Les Editions Utopia 10€
Jean François Principiano.
