Regard sur deux enquêtes concernant les musulmans en France par René Fredon

0

http://www.ifop.com/media/poll/2908-1-study_file.pdf
Le résultat de l’enquête de l’IFOP (mars 2014) pour le compte d’Atlantico, reprise par Var-Matin du 17 janvier 2015  (P.21 « En bref ») est exploité de manière tendancieuse « Pour 40% des Français la communauté musulmane menace leur identité ».

On aurait pu aussi bien dire : « 60% des Français ne sont pas inquiets… » ou « jugent les musulmans  partie intégrante de la communauté nationale. »

On n’aurait pas eu l’idée de poser la même question à l’endroit de la « communauté » des Chrétiens ou de celle des Juifs parce qu’on veut induire qu’ils appartiennent naturellement à la communauté nationale. Pour les Musulmans cela n’irait pas de soi !

Certes le chiffre de 40% de Français qui y voient une menace, constitue néanmoins une forte minorité. Après ce qu’on vient de vivre il y a de quoi se faire du souci. Même si la brève ne dit pas qu’ils étaient 42% en décembre 2010 et 43% en décembre 2012. C’était avant les évènements.

32% des sympathisants FdG font partie des 40% qui voient une menace pour notre identité.  41% y voyant un facteur d’enrichissement culturel pour le pays. Seulement. 27% ne se prononcent pas.

Pour les autres partis, dans l’ordre, les sympathisants PS ne sont que 18% à y voir une menace, 48% un enrichissement, 34 ni l’un ni l’autre.

À l’UMP, ces % donnent 49, 14, 37 et au FN 86, 1 et 13. Là ça paraît logique. Que les sympathisants PS aient un regard plus « progressiste » que ceux du FdG, ça inquiète en même temps que cela les rapproche…objectivement. Ils sont confortés par le discours sécuritaire et oecuménique de Hollande-Valls dans les circonstances qu’on a connues et leur font un peu plus confiance pour la suite, du moins provisoirement…cela à deux mois d’élections à hauts risques.

Une autre enquête de l’IFOP pour le JDD, après le 11 janvier, ne manque pas d’intérêt. <http://www.ifop.com/media/poll/2910-1-study_file.pdf>

À la question : « êtes-vous tout à fait favorable, plutôt favorable, plutôt défavorable à d’autres interventions françaises en Syrie, au Yemen, en Libye… » seulement 42% pour  et 57% contre. 63% contre une intensification des frappes en Irak. Plutôt réjouissant.

Large majorité, 81%, chez les sympathisants de gauche et de droite concernant la déchéance des binationaux condamnés pour terrorisme.

Idem pour les interdictions du territoire aux Français soupçonnés d’être allés se battre ou de vouloir partir se battre. C’est beaucoup plus contestable car ça laisse une large place à l’arbitraire donc à une atteinte à la liberté.

50-50 concernant la limitation de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux.

Sur l’attitude à l’égard de certains musulmans heurtés par la publication des caricatures de Mahomet, 42% pensent qu’il faut en tenir compte.  25% des sympathisants FdG, 41%…PS, 49% UMP, 41% FN.

58% s’y opposent : 73% Fdg, 57% PS, 50% UMP, 59% FN.

Un constat à chaud du ressenti, pas une analyse des causes d’une telle situation, évidemment.

Valls vient d’employer, lors de ses voeux à la presse, des mots forts pour caractériser la brisure à l’intérieur de nos territoires que constituent les quartiers les plus défavorisés. Il a parlé « d’apartheid territorial, social, etnique en France ». Ce n’est pas la première fois, en 2009 déjà, sur D8 il avait prononcé les mots de « ghettoïsation, de ségrégation territoriale, sociale et ethnique…un véritable apartheid »…

Aujourd’hui il est premier ministre, il veut frapper l’opinion et surtout reconquérir les quartiers populaires tellement délaissés, tellement stigmatisés, tellement oubliés par les politiques de droite comme de gauche. Au point que l’abstention bat des records   les populations se sentant ignorées. Ce ne sont pas quelques coups de pinceau sur les murs qui vont leur faire oublier les réalités sociales, l’isolement, le manque de services publics, les humiliations, le racisme par dessus le marché.

À quelques semaines d’élections précipitées, se pencher sur ces quartiers en donnant le sentiment de les avoir compris, peut s’avérer utile.

Mais comment faire pour répondre aux attentes sociales notamment, mais pas que ?
La politique de la ville -aide très insuffisante aux quartiers les plus fragiles en termes de pouvoir d’achat moyen- mobilisait péniblement 525,9 millions en 2012. En 2015, il est prévu seulement…459 millions d’euros ! Et deux fois moins de quartiers éligibles à ces fonds. Cherchez l’erreur. Ajoutons-y 50 milliards de dotations en moins pour les collectivités locales. Il y a des raisons de voter bientôt.

C’est d’abandon des territoires par l’État qu’il faudrait parler !

Le discours de Valls est contredit par les actes. La situation qu’il décrit, la politique austéritaire de son gouvernement l’amplifie et l’accélère. Tout comme les précédents de droite et de gauche. Et ce n’est pas sur le FN qu’il faut compter pour changer le cours de la politique  dans le sens de la justice sociale et du progrès humain. Il défend avec l’UMP une politique ultra-sécuritaire et identitaire discriminatoire, y compris sur le plan social, vis-à-vis des populations issues de l’immigration. Il entretient la xénophobie, la peur de l’autre…

Ainsi va « l’unité nationale » derrière les tenants du libéralisme, fers de lance des adeptes de la guerre des civilisations alors qu’ils n’ont fait que semer le chaos et laissé faire leurs puissants alliés « démocrates » des monarchies du golfe grands financeurs de djihadistes en Syrie, en Irak, en Libye, en Egypte, en Afghanistan et ailleurs. Sans parler du rôle de l’Etat d’Israël dans la colonisation de la Palestine. 60 ans d’instabilité et de massacres.

Allez vous étonner que dans nos cités où se creusent toutes les inégalités et où l’islamophobie fait des ravages, il n’y ait pas de ressentiment, de pertes de repères chez tous ces laissés-pour-compte stigmatisés et accusés de ne pas vouloir s’intégrer.
De ces jeunes laissés sans formation, sans emploi, sans perspective d’autonomie.

Dire cela ce n’est pas justifier l’injustifiable, atténuer la responsabilité individuelle des tueurs, c’est comprendre où se trouve la source du problème. C’est prévenir, éduquer, cultiver, respecter les différences pour tirer les leçons et ouvrir une perspective de liberté, d’égalité, de fraternité…dans la laïcité.

Les politiques d’austérité ne font que renforcer  le mal-être social qui touche toute la société. Alimenter un discours de haine, attiser la peur de l’autre, ne peut que favoriser les forces qui ont intérêt à diviser les victimes d’une politique dans laquelle elles ne se reconnaissent pas.

C’est de dialogue et d’écoute dont nous avons besoin. De solidarité aussi. Pour que ça change vraiment par une large union populaire qui n’exclut personne mais rassemble pour être entendue.

René Fredon

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.