Que reste-t-il de la Révolution russe de 1917 ?

0

Chacun pensera ce qu’il veut de la Révolution d’octobre 1917 et de ses suites jusqu’à la dissolution de l’URSS fin 1991, avec toutes les questions que cela pose un siècle plus tard.

Mais il est difficile de nier le bouleversement à l’échelle mondiale et l’espérance qu’avaient fait naître la chute du tsar et la victoire des révolutionnaires russes, avec à leur tête Lénine, dans un pays immense ravagé par la guerre, sortant d’une longue période de tyrannie impériale et de sous-développement, depuis Pierre Le Grand à la fin du 17è siècle.

Pour un soulèvement populaire, ce fut un soulèvement populaire et non pas l’oeuvre d’une minorité « éclairée ». Et la révolution réussit, en octobre-novembre, sans effusion de sang, tellement le rapport des forces (ouvriers d’une industrie naissante, paysans, les plus nombreux, soldats réprimés et affamés, femmes humiliées…) qui avait conduit à l’abdication du tsar dès février 1917, s’était encore renforcé.

Le nouveau pouvoir des soviets portait les aspirations fortes à la paix, à la possession des terres confisquées par les seigneurs, à la justice sociale (en finir avec la famine), à la dignité de tout un peuple…Il comptait sur les grands pays industrialisés d’Europe pour parvenir à consolider leur victoire et faire eux aussi leur révolution sociale.

En 1914, la France faisait partie des principaux alliés de l’empire russe, avec la Grande Bretagne, le Canada, l’Italie, la Roumanie…les États-Unis en 1918. Face à la coalition Allemagne, Autriche-Hongrie et leurs alliés Turcs et Bulgares notamment.

Dès la prise de pouvoir par les bolcheviks (=majoritaires) les armées blanches favorables au tsar, tentent par la terreur de rétablir l’ordre ancien. Ils seront rejoints en janvier 1919 par dix corps expéditionnaires, dont la France, l’Angleterre, les États-Unis, le Canada, le Japon, la Turquie, la Grèce, l’Italie,…Une intervention militaire directe qui organise un blocus total.

L’Armée rouge que dirige Trotsky finira par sortir victorieuse en 1921 de cette période contre-révolutionnaire qui fit des millions de morts en Russie, plus que la guerre inter- impérialiste elle-même, et laissa un pays dévasté.

Telle fut la réponse des puissances étrangères au premier acte du jeune pouvoir soviétique qui avait proposé dans un décret dès le 26 octobre 1917 « la paix immédiate aux belligérants de la première guerre mondiale sans annexions ni indemnités ». Leur intervention militaire aux côtés des armées blanches aura des conséquences considérables au plan économique, social et politique.

Ce n’est donc pas Lénine -mort en 1921- et les révolutionnaires russes qui portent la responsabilité de la guerre civile. Ils s’en seraient passés. Il en est, aujourd’hui, qui veulent faire de Lénine celui qui a inventé le totalitarisme et inspiré les méthodes staliniennes dénoncées publiquement par les communistes russes en 1956…il y a plus qu’une nuance !

À partir de 1917, les exploités du monde entier, les peuples opprimés voyaient s’ouvrir une brèche dans le règne sans partage d’un tsar soutenu par une bourgeoisie qui monopolisait le pouvoir économique, la finance et les institutions politiques au service de ses intérêts.

Travailleurs asservis et peuples opprimés accueillirent la révolution russe avec sympathie. Le mouvement ouvrier développa ses organisations syndicales et politiques, à la lumière des théories de Marx et d’Engels -qui n’étaient pas issus de la classe ouvrière- mais qui montraient le caractère violent et obsolète de l’exploitation de l’homme par l’homme et voyaient dans la lutte des classes le véritable moteur de l’histoire.

Ils s’inspiraient notamment des luttes de classes en France, de la Révolution française qui avait aboli la royauté et donna naissance à notre République, des révolutions de 1830 et 1848, de la Commune de Paris…noyées dans le sang.

C’est grâce à la Révolution d’octobre que se sont constitués les partis communistes -préconisés par Marx- un peu partout dans le monde et pour qui la notion de nations souveraines et indépendantes demeure inséparable de la solidarité entre les peuples, de leur coopération, et de leur volonté de paix et d’émancipation de toutes les aliénations des femmes et des hommes. Ce qui reste une question de grande actualité.

La naissance du premier pays ayant en perspective une société socialiste a non seulement ébranlé le monde mais en premier lieu les classes dirigeantes. Ses perversions à partir des années 30 sous la direction de Staline, la suspicion généralisée, les purges de masse, la répression sanglante ne sont pas inhérentes à l’idéal de progrès social et humain que contiennent les mots de socialisme et de communisme.

Ce serait plutôt de distance et même de rupture avec ces notions, à un moment donné, de déficit démocratique, dont il faudrait parler. Sans perdre de vue les acquis sociaux (éducation, santé, logements, transports…) et sociétaux, notamment la place des femmes, les progrès scientifiques, les efforts en vue du désarmement et de la coexistence pacifique. Ni oublier le rôle majeur de l’Union soviétique et de son peuple dans la victoire sur le fascisme. Ce qui a redonné un autre visage à l’Europe et au monde que celui d’avant 1940.

Mais la lutte des classes à l’échelle internationale s’est amplifiée, avec l’engagement des grands pays capitalistes pour discréditer par tous les moyens l’existence d’un système concurrent menaçant son emprise sur les peuples dominés. Avec la guerre idéologique intense et permanente, l’étalement de la puissance militaire doublée de la corruption de chefs d’État aux ordres de leurs « bienfaiteurs » et de la répression des mouvements sociaux.

Les mêmes qui avaient décrété « la fin du communisme » sans y croire vraiment puisqu’il n’a été réalisé nulle part, se comportent toujours au pouvoir comme d’ardents défenseurs de l’ordre capitaliste, « les profits pour les riches, l’austérité pour les peuples », fuyant en avant dans ce qu’ils osent appeler « la mondialisation heureuse », « l’Europe qui protège » ! La dictature de l’argent-roi leur sert de boussole et de support pour rester au pouvoir.

Les communistes ont tiré de cette période l’enseignement que la Révolution d’Octobre n’a rien perdu de son sens originel mais, qu’à la lumière de ce siècle d’histoire douloureuse il ne peut y avoir de processus révolutionnaire aboutissant à un changement des rapports sociaux -qu’ils jugent nécessaire- sans un développement ininterrompu de la démocratie. C’est-à-dire de l’expression de la volonté du peuple de vivre dans une République sociale, démocratique et laïque, donc pluraliste, garantissant les droits et libertés fondamentales de pensée, d’expression, d’organisation…et les moyens qui s’y rattachent !

C’est ce « défi démocratique  » (1) qui était lancé en 1973 par le PCF, avant même l’effondrement du bloc soviétique mais la bourgeoisie française « pilonnait » sur notre inconditionnalité à tout ce qui se passait à l’Est !

Aujourd’hui, en ce début du XXIè siècle, le fondement de son projet de société tient en cette conviction : l’émancipation humaine ne peut qu’être indissociablement sociale, féministe, démocratique, écologiste et pacifiste. Il n’y a ni modèle ni prêt-à-porter.

Le débat est ouvert..si l’on veut bien admettre que le capitalisme n’est pas la fin de l’histoire et qu’il ne se trouve pas dans une phase ascendante ! C’est le moins que l’on puisse dire.

René Fredon
(1)Titre du livre de G. Marchais en 1973 (Ed. Grasset)

 

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.