Pauvres vieux !

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Plusieurs experts  ont fait allusion au prolongement du confinement imposé puis suggéré pour les personnes à risques, simplement à cause de l’âge. Il a fallu quelques jours plus tard que l’exécutif modère cette injonction sanitaire tant la colère montait. Le rétropédalage a un peu calmé les  angoisses mais uniquement en apparence.

Selon le Canard Enchaîné du 22 avril une circulaire du 19 mars aurait limité l’accès à la réanimation des « personnes fragiles ». Et, en quelques jours, les patients de plus 75 ans en réanimation seraient passés de 19 % à 7 %, et ceux de plus de 80 ans de 9 % à 2 %.

Si, comme le disait De Gaulle, citant Chateaubriand, La vieillesse est un naufrage, la gestion des maisons de retraites en France est un scandale que la crise du Coronavirus n’a fait que souligner.

Un sondage récent faisait état du sentiment de stigmatisation perçu par les vieux à risques ! (18 millions de personnes). Même si on est à risque on a quand même sa dignité non ? Plus de 83% des interrogés considèrent cette mesure de géronto-confinement comme une atteinte à un principe fondamental*. Confinés chez eux ou dans leur Ephad**, les vieux se trouvent parmi les premiers protégés de l’épidémie. Ou les premiers sacrifiés, c’est selon.

L’alibi de la protection
Bien sûr on a dit et répété que les personnes âgées sont plus vulnérables aux virus que les plus jeunes, mais n’y a-t-il pas une arrière-pensée à vouloir les stigmatiser selon l’Âge ? Cela s’appelle de l’essentialisation,  c’est-à-dire considérer un groupe comme globalement victime-responsable d’une situation.

Mais on le sait, les vieux ne  sont plus des actifs. Vite à la niche de confinement ! Et surtout ne venez pas encombrer les réanimations et contaminer  les jeunes qui travaillent pour l’économie nationale ! Vive le cac40 ! Je caricature à peine. Déjà il y avait des catégories de travailleurs « non essentiels » maintenant il y a les « + de 70 ans  à  risque ». Du coup, pauvres vieux, ils se sont cachés et beaucoup sont morts à la maison ou dans les institutions.

Il y a des vieux très jeunes
Cette discrimination porte un nom, l’Âgisme. Il  y  a pourtant très peu de fondements si l’on y regarde de  plus près. Constatons que la prudence est un apanage de la vieillesse. C’est d’ailleurs pour cela que les romains confiaient la gestion de l’Empire à une assemblée de vieux, le Sénat. Ils tempèrent la fougue et l’impulsivité des jeunes consuls  qui ont si souvent porté Rome au bord de la catastrophe.

Ensuite, s’appuyant sur un  autre  sondage on observe que les personnes de plus de 70 ans respectent davantage les mesures barrières que les plus jeunes.

Enfin certains vieux sont parfois en meilleure forme que les jeunes.  Moins de drogue, moins de tabagisme, moins d’imprudence, moins de violence, moins d’esprit de transgression et plus de tempérance.

Alors où placer le curseur ?
On connaît le célèbre adage latin « La vieillesse est par elle-même une maladie » comme disait le poète latin Térence. Mais où commence la vieillesse ? Mais où placer le curseur ? 65, 70,75 ans ? Ovide précisait dans son célèbre Art d’Aimer que la jeunesse commençait à 60 ans ! Nous serions donc en pleine adolescence. On a tous constaté qu’il y a des vieux plus jeunes que leur âge.

Alors reconnaissons-le, la motivation de cette stigmatisation plus ou moins voilée est  donc à chercher   ailleurs. En fait l’Observatoire de l’Âgisme*** souligne que ce n’est surement pas par philanthropie sociale que l’on souhaite « préserver » les vieux. Tous les historiens savent que depuis la Révolution Industrielle du milieu du XIX° siècle, les vieux n’avaient plus de place à la maison. Avant, oui, leur  rôle avait un sens dans les fermes. Au coin du feu c’était l’ancien qui trônait. Il avait sa place. À partir de l’après-guerre, l’architecture des appartements a changé. Tout pour les actifs. Les vieux sont invités à aller dans les « maisons de retraites. » Mais ce n’est pas tout.

Des arrières pensées à peine masquées
Peut-être  les gouvernants des puissances libérales se servent-ils inconsciemment de cette stigmatisation par intérêt économique. D’abord tous les jeunes au travail et sans sourciller! Ensuite la vieillesse on l’instrumentalise! Elle est marchandisée! Le grand âge permet de  faire vivre  toute une catégorie de gentils soignants et de gentils administratifs qui savent si bien rassurer les  grands enfants de nos chers anciens … Mais en vérité comment sont-ils traités ? Surtout qu’ils ne la ramènent pas trop ! Sinon c’est la douche des calmants chimiques ! L’essentiel c’est qu’on les maintienne en vie pour que le système fonctionne. Car ça fait vivre bien du monde les vieux ! D’autant qu’ils se multiplient les vieux ! Toute l’Europe est une immense géronto-société qui alimente les actionnaires des grandes sociétés immobilières d’Ephads. Sur la côte d’Azur on en sait quelque chose !

Les vieux sont-ils encore utiles ?
À quoi servent-ils ? Outre le fait que dans nos sociétés on leur pique les retraites pour alimenter le marché des établissements médicalisés, on a même été jusqu’à les séparer des enfants et petits-enfants au moment de leur mort au nom de l’injonction sanitaire.

Un bémol cependant, jamais il n’y a eu autant de plaintes des familles pour morts suspectes que pendant cette épidémie. Cette attitude a quelque chose de pathétique et  aussi d’éminemment civique car une  société qui  gère ainsi ces vieux  n’a pas d’avenir.

En somme on assiste à une hécatombe qui malheureusement ne touche personne mis à part les familles. Il faudra bientôt rendre compte de tous ces morts. Pauvres vieux ! Mais pauvres vieux !

*la discrimination selon l’Âge a été jugée anticonstitutionnelle

**Près de 600 000 personnes vivaient en janvier en France dans l’un des 7200 Ehpad dont 43% sont publics, (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), et 400 000 personnes y travaillent.

***Sources Observatoire de l’Agisme : http://www.agisme.fr/spip.php?article112

Jean-François Principiano

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