Entrepreneur, visionnaire, humaniste, as du marketing, mécène, bâtisseur et écologiste avant l’heure. Les qualificatifs ne manquent pas pour retracer la vie d’un homme qui « n’a jamais lésiné sur ses rêves. »
Paul Ricard l’Homme Pressé
Né à Marseille le 9 juillet 1909 dans le quartier Sainte-Marthe, Paul Louis Marius Ricard baigne tout petit dans le commerce. Son grand-père est boulanger, son père négociant en vins. Jeune, il accompagne les tournées parentales, parfois au volant de la camionnette. Parallèlement, il suit des cours à l’école des Beaux-Arts de Marseille, avec l’ambition de devenir peintre.
Paul Ricard n’a jamais caché avoir entrepris dans l’industrie, pour plus tard revenir à ses rêves d’enfant. Il fallait d’abord un métier, nourrir sa famille, et constituer une rente suffisante pour assouvir ses passions. À l’adolescence, il s’intéresse à la chimie, l’électricité et à la photo. « Si je n’étais pas devenu Monsieur Pastis, j’aurais été Monsieur Radio, Télévision ou Électronique.»
Dans l’univers des vins, Paul Ricard cherche sa voie. En 1928, il fait la découverte, grâce au Père Espanet, d’un dénommé pastis. Des fabricants locaux de ce breuvage anisé sévissent, avec des modus operandi aléatoires. Il dit à son père : « je veux faire du pastis. Le vrai de Marseille. »
En 1932, aidé par son frère, il élabore dans le grenier familial une boisson originale à base de grains de fenouil, de fleurs d’anis, de réglisse et de plantes de Provence. À 23 ans, il fait mouche. Paul Ricard n’a pas inventé le pastis, mais concocté une recette à part, un volume de pastis avec cinq volumes d’eau, tout en misant sur la communication. L’artiste qu’il est conçoit l’étiquette et la première affiche de l’apéritif portant son nom : le Ricard. Le succès est immédiat. 250 000 litres s’écoulent en un rien de temps. L’entreprise grandit, exporte au gré des changements législatifs.
Après la disparition rapprochée de son frère et son père, il transforme avec sa mère la société en « Distillerie Ricard », fin 1939. Il lance à plein régime les campagnes de promotion : pubs, médias, sports, spectacles… Il dessine le premier broc Ricard et autres objets emblématiques.
Quand la guerre intervient et que le gouvernement de Vichy instaure la prohibition, Paul Ricard déplace son énergie et ses employés ailleurs. Dans l’agriculture, l’élevage et la production de riz en Camargue ; dans l’eau minérale en Ardèche. Il se tourne aussi vers ses vieilles passions. L’amateur de théâtre crée en 1949 une société de production et rachète le matériel des studios Marcel Pagnol. L’aventure du cinéma le fascine.
L’Être humain était sa plus grande passion, recoupant toutes les autres toutes les autres.
Après guerre, le business Ricard repart mais l’autorisation du Pastis à 45° n’arrive qu’en 1951. La Société prospère, entre à la Bourse de Paris, et des usines fleurissent : Paris, Chambéry, Rennes, Dijon, Lille, Lyon, Bordeaux. Paul Ricard développe sa fibre sociale en chouchoutant ses salariés : bons salaires, participations, aides au logement… Au décès de sa mère en 1952, il prend les rênes de la société. En parallèle, il développe d’autres projets comme une Fondation Immobilière, une Fondation culturelle sur l’île de Bendor. En 1966, il crée l’observatoire de la mer. La défense de l’environnement marin est une passion, un combat.En plein ascension, Paul Ricard quitte la direction de son entreprise courant juillet 1968. À 59 ans seulement. L’homme pressé veut lever le pied. Un accident d’hélicoptère quelques années plus tôt lui avait ouvert les yeux sur la fragilité de la vie. Il veut préparer sa suite, avant sa mort, et profiter de sa grande famille, maintenant faite de petits-enfants. Il cède les commandes à son fils Bernard et valide la fusion avec Pernod.
Retiré des affaires, reconverti en gardien de chèvres au Pied d’Encastre, puis installé à la Tête-de-l’Evêque (Signes), il continue à se lancer des défis, à créer, à entreprendre. Sans la pression du business quotidien.
Il peint et laisse derrière lui 1 500 toiles et 1 300 dessins. Paul Ricard a bâti son monde, ses rêves, curieux de tout et tous. Côtoyer et rencontrer des hommes et des femmes enthousiastes ne le lassaient jamais. Jusqu’à les peindre physiquement pour mieux les connaître, ou les enregistrer pour garder traces de leurs échanges.
L’être humain était sa plus grande passion, recoupant toutes les autres. Avec en guide suprême, la liberté. Son oeuvre est teintée de ce symbole fort : ses îles, son circuit, la mer, la Camargue, les arts… Pour finalement reposer, non dans un cimetière fermé, mais en plein vent, sur un rocher de l’Île des Embiez. Libre, pour toujours.
Merci à la famille Ricard
Lundi : Paul Ricard : Parlez-moi de lui