L’opéra de Toulon clôture brillamment sa saison lyrique

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Avec Eugène Onéguine l’opéra de Toulon clôture brillamment sa saison lyrique

Dimanche, le succès de la représentation du chef-d’œuvre de Tchaïkovski était très symbolique de la réussite de la maison lyrique toulonnaise et de ses choix tout au long de la saison.

Avec des moyens financiers  limités à la Métropole et à la ville de Toulon, sans aucune aide de l’État, l’Opéra de Toulon (établissement  public de  coopération culturelle créé en 2004 par la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée et le Conseil Général du Var) et dont Claude-Henri Bonnet est directeur général et artistique, a fait la preuve de sa vitalité  artistique désormais reconnue.

La saison qui vient de s’écouler témoigne de ces progrés continus : une  splendide Turandot, un brillant Rigoletto, un truculent Barbier de Séville, un délicieux Elixir d’Amour, sans compter des œuvres de découvertes comme  le Télephone ou  les Cosmicomiche. Ajoutons le travail remarquable de Jérôme Gay directeur adjoint pour les choix des  concerts symphoniques. Tout ça doit être souligné.

Eugène Onéguine, la surprise du chef
La représentation de dimanche  a montré une jeune chef d’orchestre  Dalia Stasevska étonnante de force et de dynamisme (battue précise, souci rythmique, élan incontestable, maîtrise totale de la partition). Elle a permis une vision claire de cette riche partition en stimulant au fer rouge un orchestre de l’Opéra de Toulon méconnaissable (mais sans doute épuisé en fin de parcours).

La mise en scène de la production Opéra de Lorraine et Angers-Nantes d’Alain Garichot est classique, sobre efficace et poétique. (photo)

Une œuvre sombre et difficile
Le ténor Pavel Valuzhin dans le rôle de Lenski a vocalement, musicalement  et scéniquement dominé le casting qui reste dans l’ensemble d’un très bon nouveau. Sans doute la partition est émotivement très chargée car Tchaïkovski compositeur tourmenté y a déposé beaucoup de lui-même et de ses déchirements. (un mariage désastreux, une homosexualité mal vécue, une hypersensibilité exacerbée). Mais c’est tout cela qui contribue à la beauté magique de cette œuvre inspirée d’un  roman en vers de Pouchkine, poète lui-même meurtri par la vie (et qui finira victime, comme son héros Lenski, d’un duel d’honneur).

Il y a beaucoup de la sensibilité du compositeur dans le rôle de Tatiana servi par Natalya Pavlova jeune et belle soprano russe (timbre clair, belle personnalisation du rôle, articulation impeccable  mais qui pourra encore gagner en puissance et en force interprétative). Bonne surprise avec Fleur Baron au contralto ample et généreux dans  Olga l’insouciante.

Hommage à la France
Tchaïkovski voyageait beaucoup en Europe, sans doute pour échapper aux étouffantes pressions moscovites. Bien que Russe jusqu’au bout des notes, il aimât la France et l’Italie au point de placer sans ses partitions lyriques quelques phrases en français et de consacrer un opéra a …Jeanne d’Arc et de composer un étincelant Capriccio Italien… ainsi qu’une partition inspirée par la Francesca da Rimini de Dante.

Le rôle-titre était tenu par Simon Mechlinski avec  maîtrise et belle prestance. La voix est large, plus puissante que musicale, d’une projection frontale qui pourra gagner encore en musicalité. Il donna un Onéguine hautain et  péremptoire selon la tradition lyrique alors que dans l’œuvre de Pouchkine il est plutôt cynique et désespéré. La force de conviction de son timbre généreux a  suscité l’adhésion du public.

L’air de Monsieur Triquet, est inspiré d’un opéra-comique français oublié (la mélodie provient d’une romance française d’Amédée de Beauplan 1790-1853 intitulée Le Repos.) « A cette fête conviés » a été interprété par Éric Vignau  ténor léger avec finesse et élégance. Quelle leçon de chant français…

Autre belle surprise avec l’aria du Prince Grémine par Andrey Valentiy du Bolchoï de Moscou, voix de basse puissante et expressive. Comprimari de qualité par Nona Javakhidze (Madame Larina) et Sophie Pondjiclis dans la nourrice (un peu jeune) Filipievna et Mikhael Piccone, impeccable dans Zaretski. Chœurs de l’Opéra de Toulon plus  russes que nature grâce au travail consciencieux de Christophe Bernollin et Beatrice Skaza. Спасибо (o pardon spasiba merci !)

Jean-François Principiano

dernière représentation mardi 28 mai 20h

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