L’industrie qui va bien, Peugeot, : joli mois de Mai

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Tandis que les programmes présidentiels s’affutent avec des avis et des promesses définitifs sur notre appareil industriel, l’industrie qui va bien avance, sans un regard vers les échéances électorales ! Cet écart entre la morosité qui gagne la population avec une campagne électorale un peu folle et l’euphorie de quelques secteurs industriels montre l’étendue du gouffre entre la sphère économique et de la sphère politique. Ce n’est pas le seul enseignement que l’on peut tirer des nouvelles de ces dernières semaines.

Traitons le sujet qui a le plus intéressé le public, à savoir le rachat de la société allemande Opel par le groupe français Peugeot. Les Chefs d’Etat allemand et britannique allaient -elles laisser la firme française s’emparer des usines ? Les commentaires ont surtout été des cocoricos avec des additions des chiffres d’affaires et des véhicules vendus, c’est à dire ce qui est convenu dans une opération de fusion-acquisition, à savoir l’augmentation de la taille. C’est un autre regard sur la réalité que je veux porter.

Le Groupe familial à la réputation mondiale extraordinaire passe de mains en mains de « managers » issus des Grands Corps de l’Etat et considérés comme des as. Dans un contexte mondial très compétitif, les résultats sont décevants et Peugeot commence à sombrer. La logique capitaliste « normale » aurait conduit à la disparition du Groupe, mais l’Etat se porte au chevet du malade, comme d’ailleurs cela a été le cas aussi auparavant outre-Atlantique pour son industrie automobile. Après un dernier Président « généraliste » qui prend des mesures drastiques, le capital est partagé entre la famille, l’Etat et un partenaire chinois et l’on va chercher, pour une fois, un Président du Directoire qui connait intimement le métier. Les résultats sont là, au bout de trois ans, le Groupe est redressé et part pour de nouvelles aventures.

Pour moi, il y a deux facteurs essentiels, le premier d’avoir ce bras séculier étatique prêt à engager du capital pour assurer la transition, et le second, le choix d’un homme compétent du secteur qui connait le produit, le vit et peut ainsi faire partager son analyse à tout son personnel. J’essaie depuis des mois de faire comprendre cette conviction, l’industrie se fait avec des hommes (et des femmes) qui vivent leurs produits, qui ont une pratique et une vision, qui ont un charisme qui entraine leur personnel du haut en bas et qui savent élaborer une stratégie et l’expliquer. Mais quand des difficultés issues de la gestion incertaine ou d’une anticipation insuffisante arrivent, il faut un outil de sauvetage, et dans notre pays cela a toujours été l’Etat, et l’on s’est aperçu depuis 2008 que les USA pouvaient copier notre formule.

Que nous dit le Président de Peugeot ? que désormais il est à même de redresser une marque allemande avec sa petite sœur britannique qui accumule les pertes depuis 18 ans ! pourquoi le croit-on ? Parce qu’il maitrise parfaitement son métier. Mais il n’a pas seulement expliqué, lui, en  additionnant les chiffres d’affaires et les usines, il a essayé de décrire une conquête des marchés à partir d’une rationalisation et de la spécialisation des marques. C’est passionnant de voir comment cet artiste du monde automobile joue sur le couple production de masse /individualisation du produit, en droite ligne de ce qui est une des conséquences de l’introduction du numérique dans nos existences.

J’engage vraiment tous les responsables politiques à réfléchir à ce qui vient d’arriver chez Peugeot et à y regarder de près avant de prendre des décisions d’abandon rationnel ou de nominations hasardeuses.

On aurait pu sauver le groupe Alstom avec la même philosophie, on pourrait l’appliquer aujourd’hui à la Compagnie Générale de Géophysique, aux Chantiers de l’Atlantique, à la filière nucléaire… et à ce qui reste d’Alstom !

Si les opérations sont bien faites, elles peuvent conduire à l’essor de l’ensemble des filières industrielles. Les équipementiers français de l’automobile se sont appuyés sur l’excellence des constructeurs français pour aller chercher aussi les marchés de leurs concurrents, et nous pouvons être fiers du résultat avec Valeo, Faurecia et Plastic Omnium en particulier.

Restructurer l’ensemblier, lui permettre de survivre lors d’une période difficile peut et doit être un choix collectif, et il faudra attendre pour que le « marché » retrouve des couleurs et une rentabilité réelle. Le monde de l’énergie est malade et ce n’est pas l’appel aux investisseurs privés qui va le sauver, pas plus que les postures. Il faut une action de l’Etat et la présence à la tête des entreprises de professionnels aguerris qui aiment, qui vivent le produit, qui font corps avec lui pour entrainer les ingénieurs, chercheurs et techniciens dans leur sillage.

Loïk Le Floch-Prigent

 

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