Les critiques du marché européen de l’électricité, des plaisantins vraiment ?

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Loïk Le Floch-Prigent

Il n’en faut pas beaucoup pour se faire traiter de plaisantin, il suffit désormais de s’interroger sur l’efficacité du marché européen de l’électricité et donc de sa nécessité. A-t-on encore le droit de montrer du doigt quelques plaisanteries autrement humoristiques qui désespèrent les énergéticiens depuis des années ?

Si je comprends bien ce qui a été écrit puis réitéré à la télévision, le « marché » c’est ce qui permet d’acheter quelque chose que l’on ne produit pas : si on veut acheter de l’électricité à un autre pays européen , il est nécessaire de disposer d’un « marché européen » ! Cela fait des dizaines d’années qu’il y a des échanges intra-européens d’électricité, il suffit de s’entendre sur un prix, ce qui a été le cas ! Le fait, pour la France, de disposer d’une énergie abondante et bon marché d’origine nucléaire nous a permis d’en exporter beaucoup chez nos voisins !

Cet avantage, obtenu grâce à un programme sur trente ans d’investissements, nous a permis d’avoir une industrie consommatrice d’énergie compétitive et de servir aux particuliers une énergie électrique bon marché. Pour les autres énergies, charbon, pétrole, gaz, nous étions importateurs. L’électricité représentait le quart environ de notre consommation énergétique. Ces investissements ont été financés avec la Garantie de l’État mais avec une rentabilité assise sur un tarif de vente, et donc un amortissement calculé dès le départ. Il en est de même ces derniers temps avec les seuls investissements de production d’énergie récents, les usines éoliennes et les centrales solaires dont les revenus sont garantis ce qui permet d’asseoir les financements bancaires et d’attirer les investisseurs. L’électricité intermittente ainsi produite échappe donc au « marché » puisque dans notre pays à base nucléaire elle est grandement inutile , il faut une « doublure » gaz, charbon, pétrole ou biomasse pour assurer le service continu des consommateurs . Ceux qui ont poussé la construction et l’accélération des énergies intermittentes sont donc les premiers « plaisantins » puisqu’ils ont ôté du marché européen ces installations . Pour les régulateurs qui doivent équilibrer à chaque instant consommation et production, ces centrales, subventionnées à 100%, sont donc considérées à cout nul et prioritaires sur le réseau , ce qui est peut-être justifié quand il s’agit de ne pas utiliser le gaz, ce qui est injustifiable quand il s’agit d’une centrale  nucléaire dont le cout , et donc la rentabilité , est directement liée à sa fonction de » base », c’est-à-dire un fonctionnement en continu ! Le « marché » européen n’a pas généré de nouvelles centrales comme il avait été souhaité, celles-ci ne peuvent être financées qu’à travers un prix garanti , ce qui n’a pu profiter que pour les centrales intermittentes et leurs compléments gaz ou charbon, ce mécanisme était défavorable au nucléaire ce qui est abondamment démontré par l’histoire récente. On parle beaucoup d’un renouveau nucléaire en France, mais il n’y a aucune décision , aucun financement mis sur la table , car pour cela il faudra, pour elles , comme pour les éoliennes, faire disparaitre le fameux « marché » et donc devenir des « plaisantins « !

Poussons d’un cran plus loin, les décisions prises sur les énergies intermittentes (et non «renouvelables pilotables comme l’hydraulique) sont des plaisanteries qui ont couté aux consommateurs, individuels ou collectifs, mais les prix ont monté sans qu’ils s’en rendent compte, cachés sous le sigle CSPE sur les factures, ils  n’ont pas amélioré leur sort, le « marché » européen a ainsi doublé les prix ! Et lorsque les autres énergies voient leurs cours augmenter, le prix payé devient insupportable avec comme seule justification l’existence d’un « marché » qui d’une électricité produite à 85% à moins de 40 euros le Mwh heures arrive à un prix de 600 euros ou plus ! Les plaisantins sont ceux qui trouvent avoir ainsi protégé grâce au « marché » les consommateurs ! Il faut ensuite les remercier et leur porter des cierges pour inventer des « boucliers » payés avec l’argent du contribuable, c’est-à-dire le leur ! On pourrait dire que c’est une politique de « plaisantins » !

Il n’y a rien à faire, faire revenir sur terre avec Monsieur Edison ceux qui rêvent de stocker l’électricité comme on stocke le gaz ou le pétrole ! Les électrons en mouvement ne se stockent pas, au mieux ils peuvent transformer un produit qui peut se retransformer ensuite en fournissant des électrons, c’est-à-dire deux réactions à rendement faible , trop faible aujourd’hui ! Les marchés de gros et les marchés à terme sont donc essentiellement des jeux spéculatifs basés une absence de produits . On achète et on vend ce qui n’est pas encore produit , on invente donc une nouvelle profession parasite, des fournisseurs, qui, eux , ne sont pas des plaisantins…et il leur arrive de gagner de l’argent , comme au Casino ! Par contre le producteur long terme à qui le « marché » a demandé de vendre au prix coutant , lui , il est sur de perdre et surtout il n’aura plus les moyens d’investir, ce qui arrange ceux qui veulent « profiter » des tensions sur l’offre en augmentant les prix !

Les plaisantins sont ceux qui inventent des aides et des subventions avec un argent dont ils ne disposent pas tandis qu’une remise en question fondamentale d’un marché artificiel s’impose aujourd’hui pour sauver la vie industrielle du pays et demain pou retrouver l’abondance d’une énergie électrique bon marché indispensable pour retrouver notre compétitivité.

Loïk Le Floch-Prigent

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