L’Élixir d’amour à l’opéra de Toulon

Mar 12, 2019

Une œuvre lyrique charmante
L’Opéra de Toulon programme pour trois soirées l’opéra-comique de Gaetano Donizetti l’Elisir d’Amore dans une distribution jeune et de qualité (Lucrezia Drei voir vidéo, Éleonora de la Peña, Santiago Ballerini, David Bizic et Pablo Ruiz). Mise en scène version western de Stefano Mazzonis di Pralafera et direction de l’orchestre et des chœurs de Toulon par Valerio Galli.

Un livret efficace
La première qualité de cette œuvre lyrique c’est son livret dû à Felice Romani (l’auteur de Norma pour Bellini).Très efficace en sa dramaturgie, il nous transporte dans un petit village coloré ou le jeune Nemorino ouvrier agricole est amoureux de sa belle et jeune patronne Adina. Il est malheureux, naïf et timide. Pour se donner du courage il achète une bouteille d’Elixir d’amour auprès du charlatan bonimenteur Dulcamara. En fait c’est du Bordeaux ! Publicité gratuite depuis 1832…Le jeune homme finit par prendre de l’assurance. Il séduit sa dulcinée qui répond à ses vœux en lui prêtant de l’argent pour se libérer de sa dette contractée auprès du sergent Belcore. Après avoir chanté la belle sérénade « Una furtiva Lacrima » tout s’achève par une ronde joyeuse ventant les mérites de l’Elixir d’amour.

Une musique séduisante
Ne nous méprenons pas. Si l’œuvre paraît légère son interprétation musicale demande de grands chanteurs classiques professionnels. C’est le cas à Toulon même si ce ne sont pas encore des chanteurs médiatisés. Les trois airs d’Adina dont le célèbre « Prendi per me sei libero » demandent de la technique, du legato, de l’interprétation pour caractériser vocalement le personnage. Nemorino chante Una furtiva Lacrima en ayant conscience que tous les plus grands ténors l’ont interprétée et enregistrée avant lui. Les chœurs sont aussi très sollicités, soit comme acteurs principaux incarnant la foule, soit pour commenter l’action. Sur le plan musical, il faut pour le chef d’orchestre garder le cap entre la légèreté et la virtuosité ; entre le rythme et la teinte nostalgique de l’orchestration de Donizetti.

Une production qui vient de Belgique
C’est l’opéra Royal de Wallonie de Liège qui prête sa production (décor et costumes).Le directeur de Liège Jean Louis Grinda (devenu entre-temps directeur de Monte-Carlo et des Chorégies d’Orange télescope ainsi le passé de son père Guy Grinda ancien directeur de Toulon. Le metteur en scène Stefano Mazzonis di Pralafera resitue l’œuvre dans un univers intemporel au cœur « d’une comédie italienne débridée en Amérique ». Privilégiant le rythme sur l’évocation lyrique, il fait de cette œuvre un tourbillon irrésistible. Mazzonis di Palafrera inscrit la scénographie dans une verve de gaîté et de légèreté grâce au rythme du livret de Felice Romani, en conservant une caractérisation des rôles propres à l’opéra-bouffe, en particulier avec le rôle du docteur Dulcamara. La grandiloquence du commerçant charlatan, dont témoigne l’accumulation de qualités qu’il attribue à ses filtres dans son air « Udite, o rustici » (acte I), ainsi que les caractéristiques musicales de l’écriture de basse-bouffe (débit rapide des paroles, notamment) qui se retrouvent dans le duo ironique « Quanto amore ! » (acte II) avec Adina, sont caractéristiques de ce genre comique. L’évolution des personnages est variable. L’évolution la plus flagrante concerne Adina qui, d’une jeune femme coquette et cynique, devient une amoureuse sincère et désintéressée. Le personnage de Belcore évolue également, acceptant sans rancune le revirement d’Adina. En revanche, l’évolution est plus ténue en ce qui concerne Nemorino, celui-ci poursuivant son but malgré toutes les péripéties : il est le véritable fil conducteur de l’opéra. Dulcamara est finalement le seul personnage à camper sur ses positions, ce qui le cantonne définitivement dans la sphère comique de cet opéra. À voir pour partager l’émotion musicale et le plaisir théâtral.