Le Quatuor Szymanowski clôture en beauté le Festival de Quatuors en Pays de Fayence

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Journée ensoleillée et concert rayonnant à Montauroux avec un des meilleurs quatuors du moment, le Quatuor Szymanowski de Pologne (Agata Szymczewska, violon, Grzegorz Kotów, violon ; Volodia Mykytka, alto Marvin Sieniawski, violoncelle).Evénement !

La quintessence de la musique
En première partie le premier quatuor de Moniushko résonnait pour la première fois dans la programmation du Festival. Œuvre de facture classique, aimable et tonale, fortement influencée par la musique allemande romantique. D’emblée on découvre l’homogénéité de ce quatuor. Des tempi raisonnables, une ductilité d’ensemble parfaite, une légèreté de l’archet du premier violon et surtout l’ampleur du chant du violoncelle ont imprimé à cette musique sa gravité nécessaire sans affectation ni maniérisme.

Il y a des trésors à découvrir dans la musique polonaise, je pense à   Moniushko, bien sûr, dont les opéras et notamment Halka furent admirés par ses pairs en son temps, mais aussi, par exemple à  Ludomir Rozycki (vidéo). Une musique  malheureusement trop peu présente dans les salles de concerts et les maisons lyriques européennes.

Szymanowski tel qu’en lui-même…
Le sommet émotionnel et interprétatif du concert fut sans doute le Premier quatuor de Karol Szymanowski, autre grand maître polonais. La mission était atteinte. Beauté solaire de l’œuvre avec sa part de mystère et ses notes suraigües, jaillissantes  comme autant de traits vers l’infini. Entre Debussy et Bartók, le maître polonais délivre un message d’espoir dans un entre-deux-guerres où s’amoncellent déjà les nuages. Libéré des contraintes formelles, le chant s’élève dans une polytonalité troublante et envoûtante. Interprétation au scalpel par les protagonistes qui fouillent la partition au fond d’elle-même. En trois mouvements enchainés la cause est entendue, nous sommes au-delà du réel par la puissance de la musique et par des choix interprétatifs judicieux. Un grand moment suspendu au-dessus du prosaïque quotidien.

Beethoven impeccable.
Flash-back ! Autre temps autre sensibilité. Si l’œuvre splendide de Szymanowski installait un climat, la partition de Beethoven, le 4eme quatuor, elle, suivait une narration. Le Beethoven de la maturité pointe déjà sous cette partition. Elle possède encore l’aspect aimable, avec déjà toute la colère sous-jacente du  sturm und drang par ses accents rageurs et ses traits rythmiques rendus ici sans caricature. Une interprétation soignée, brillante. Je dirais évidente par l’una-voce impeccable des cordes.

Un bis émouvant

Myroslav Skorik

À la fin du concert (sans entracte) et malgré la fatigue et la tension intellectuelle, le Quatuor Szymanowski a tenu à saluer la mémoire du compositeur Miroslav Skoryk qui vient de nous quitter en juin dernier à 81 ans. Né en Ukraine dans la ville de Lwôw (jadis faisant partie de la Pologne), Skorik était un grand maître de la musique classique ukrainienne, polytonale, très rythmée, proche d’Enesco. En 1967, lors d’un voyage dans les Balkans, jadis pays de l’Est, j’ai eu le bonheur de découvrir une de ses partitions symphoniques intitulée Hutsul, un triptyque de suites de danses pour grand orchestre. Son œuvre de pédagogue, d’ethnomusicologue et de compositeur est abondante. Dans l’isolat musical relatif qui fut le sien (quelques saisons en Australie) puis le retour dans sa chère Ukraine jusqu’à sa mort récente, Skoryk n’a pas cherché à révolutionner la musique, loin de là, mais plutôt à témoigner de la richesse du fond mélodiste et rythmique de son environnement culturel.

La page pour quatuor intitulée Mélodie est apparue aimable, descriptive, sensible et surtout interprétée avec émotion voire recueillement. Ainsi s’achevait ce beau concert et ce 32eme Festival, un des plus riches et essentiels de France.

Un événement culturel majeur.

Frederic Audibert

Dans sa présentation-bilan au début du concert, le directeur artistique, Fréderic Audibert, soulignait le but atteint, contre vents et virus, de cette Édition 2020 pas comme les autres. Tout en remerciant le public et les artistes il avait des paroles chaleureuses pour l’organisation, les bénévoles et surtout les Communes qui ont bien participé à l’effort collectif, malgré toutes les inquiétudes légitimes. On ne peut que souhaiter un avenir de pérennité pour cette aventure musicale.

Le Festival de Quatuor en pays de Fayence est rendu possible grâce au soutien du Département du Var, de la Communauté de Communes, pays de Fayence, du Crédit agricole et de la Région Sud. Toutes ces tutelles s’honorent et se valorisent en soutenant la culture vivante si indispensable en ces temps d’incertitudes.

Jean-François Principiano

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