Le « quai-croisières » : priorité économique ? À quels prix ?

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À lire la déclaration d’intention (1) publiée par TPM le 14 septembre 2017 et l’avis de concertation (1bis), ce projet est conçu « pour accueillir dans de très bonnes conditions l’activité croisière en centre ville…le site portuaire ne possède pas aujourd’hui les infrastructures permettant l’accostage de grands navires et conforter l’activité ferry entre le continent, la Corse et la Sardaigne. »

Aucune ambiguïté, c’est pour l’accueil des plus grands navires de croisières et de haute plaisance qu’est envisagé l’agrandissement du port…en centre-ville.

Un quai de 422 m et un élargissement du plan d’eau de 4 m sur 100 m au niveau de l’ex-DDE « en vue d’amarrer 8 navires de grande plaisance…Ainsi que le réaménagement du port de plaisance Darse Nord et la déconstruction de la jetée Ouest supportant « le mur de Chine » (Montant des travaux estimé à 34 millions HT).

Selon TPM Toulon ne peut pas recevoir tous les ferry, même ceux qui font moins de 340 m alors que la ville dispose de l’espace maritime nécessaire. La rade est un abri naturel tout temps et enfin le port est en plein centre-ville et cela convient mieux aux compagnies maritimes. On n’en doute Pas.

TPM fait valoir que « l’ensemble des activités maritimes à Toulon La Seyne Brégaillon, avec 1 100 rotations et 1,4 millions de voyageurs font de Toulon le 1er port de desserte vers la Corse. »

Ce projet est présenté comme d’intérêt économique majeur, ce qui reste à démontrer. Il confirme un choix tourné vers le tourisme un peu, voire très sélectif comme élément structurant de notre économie.

Si l’industrie touristique constitue un atout, elle est, par nature, saisonnière et génère surtout des emplois précaires et mal payés. Quant aux retombées pour le commerce de centre-ville, des études ont montré qu’un croisiériste moyen dépense environ entre 30 et 50 euros par jour, selon le type de croisière , à multiplier par le nombre de jours à quai par an, pour relativiser. Ce n’est pas à négliger pour autant. De là à mobiliser les finances publiques, on peut en discuter.

Comme on peut s’interroger sur la lettre(2) des présidents de la région, des métropoles de Toulon et de Nice, à savoir Renaud Muselier, Hubert Falco et Christian Estrosi adressée début août au Président de la République lui demandant de revenir sur un décret de mars 2017 qui obligeait les armateurs d’un yacht de plus de 24 m battant pavillon étranger à payer des cotisations sociales pour leurs marins résidant depuis plus de trois mois en France.

Ils ont été compris ! Merci le président des riches…Nos trois responsables LR en ont profité pour plaider l’égalité fiscale -elle est bien bonne ?- la France taxant le gasoil 50 centimes plus cher que chez ses voisins (un plein ça fait 80 000 l). À Antibes, le quai des milliardaires, lui, ne le fait pas le plein de gros bâteaux. L’Italie et l’Espagne ont contourné les obstacles. Gain pour les armateurs : 40 000 euros par plein…pollution comprise ! Le milliardaire fait aussi ses comptes. Il dispose de personnels pour ça. Que voulez-vous, la concurrence est rude. Il faut savoir les attirer…l’argent public pour des ports à leur convenance, y a pas mieux !

Falco leur a montré qu’ils tenaient à eux dans « sa » ville. Il en est déjà fier de faire saliver les badauds devant ces bijoux de luxe et de taille, symboles de l’argent qui coule à flots…gagné comment ?

Environnement et santé : facultatifs ?

Il n’a trouvé que des raisons de pousser son projet. Aucun inconvénient, aucun risque, aucune nuisance ni visuelle, ni sonore, ni olfactive ? Pas un mot. Tout baigne, la rade est magnifique, à l’abri des vents..? Est-ce vraiment un avantage lorsqu’on va y multiplier le trafic tout en la partageant avec la marine ?

Et la proximité d’une zone très urbanisée, le quai encore plus proche de tours et de barres d’immeubles, l’air un peu plus pollué de diverses substances très nocives dont les autorités ne disent mot, comme si les riverains étaient devenus paranos lorsqu’ils alertent sur ce qu’ils observent et ressentent. Avis médicaux à l’appui.

Sa réponse à celles et ceux -et ça fait du monde- qui sont sensibles à l’air qu’ils respirent et auraient le tort de faire une relation avec les fumées, avec les particules fines et polluants reconnus… »si vous ne voulez pas de fumée, il n’y aura pas de business »…a quelque chose de choquant et même d’incompréhensible !

Se rend-il compte que nous sommes à un tournant où la conscience des enjeux environnementaux et sanitaires est d’autant plus forte que les scientifiques multiplient les appels, à l’échelle planétaire, à en finir avec un mode de production et de consommation, qui est en train d’épuiser notre Terre, ses ressources énergétiques, alimentaires traditionnelles, ses équilibres naturels.

Et de compromettre la survie d’espèces animales et végétales, en même temps que les humains victimes de la folie de quelques-uns que rien n’arrête pour tirer profit de ce mépris des hommes et de la nature quitte à programmer l’obsolescence des objets pour en vendre davantage !

Quel rapport avec le quai-croisière ?
Un rapport direct car le consumérisme qui nous est inculqué est tel, doublé d’un individualisme qui en oublie trop souvent toute solidarité, toute rationalité que nous finissons par confondre nécessitié et compatibilité avec les exigences écologiques qui nous invitent à arrêter la hâche qui coupe les forêts comme les carburants qui empoisonnent nos mers, notre atmosphère, notre sous-sol, tous nos moyens de transports…et qui affectent notre santé.

Nous sommes condamnés à modifier nos modes de vie et d’abord de pensée ne serait-ce qu’en fonction des menaces qui pèsent sur la terre nourricière et toutes les espèces vivantes.

L’appel des 15 000 scientifiques (3) de 184 Etats, le 13 novembre à l’occasion de la COP 23, nous alerte, une fois de plus, sur l’urgence de passer aux actes. Ces scientifiques estiment que « la vaste majorité des menaces précédemment identifiées subsistent et que la plupart s’aggravent, mais qu’il est encore possible d’inverser ces tendances pour permettre aux écosystèmes de retrouver leur durabilité ».

Et de le faire à notre échelle, sans attendre que les autres pays, nos voisins et nous-mêmes ayons enfin pris la mesure de la situation et de notre propre implication, chacun à son niveau mais conséquent dans ses démarches.

C’est vrai aussi pour TPM qui n’a sans doute pas pris la mesure de ce qu’il faut changer en commençant par ne pas en rajouter, de la pollution, sous prétexte que d’autres ferment les yeux -comme outre atlantique- pour ne pas mécontenter les plus gros pollueurs-empoisonneurs supposés faire le bonheur des peuples mais plus sûrement celui de leurs actionnaires ?

Encore faut-il poser les questions qui fâchent et se demander d’abord si ce qu’on prévoit prend en considération les questions sanitaires et environnementales. Et donc faire toute la transparence sur les incidences possibles plutôt que de glisser la poussière sous le tapis, ce qui induit au contraire une impression désagréable de sous-estimation, voire de dissimulation.

Ne pas craindre ce débat, n’est-ce pas le seul moyen de lever, éventuellement, les doutes s’il s’avère que le maître d’ouvrage dispose d’éléments solides pour nous convaincre ? Et inversement.

René Fredon

(1) https://tpm-agglo.fr/actualites/declaration-d-intention-futur-mole-croisiere
(1bis)https://tpm-agglo.fr/actualites/avis-de-concertation-prealable-projet-de-construction-d-un-mole-croisiere

(2) http://www.lepoint.fr/art-de-vivre/la-filiere-francaise-du-yachtisme-en-eaux-troubles-24-09-2017-2159392_4.php

(3) https://www.letemps.ch/sciences/2017/11/13/jamaisvu-15-000-scientifiques-sunissent-face-degradation-planete

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