La retraite en France – rappel chronologique par Irène TAUTIL

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Ce texte a été présenté comme introduction à la table ronde – débat organisée par ATTAC Var le 14 janvier 2023. En présence d’une cinquantaine de personnes, elle a réuni les syndicats Confédération Générale du travail (CGT), Solidaires (SUD), Fédération Syndicale Unitaire (FSU), ainsi que des représentants d’organisations politiques.

C’est la 7ème réforme en 30 ans.
Historiquement la création du droit à la retraite est une conquête sociale majeure et les réformes étaient synonymes de progrès social jusqu’en 1982, car elles allaient plutôt dans le sens d’une amélioration.

1) Rappel historique
Avant la Révolution de 1789 le sort des pauvres, des vieux était laissé au bon vouloir des institutions religieuses pratiquant la charité chrétienne.

En 1793 la déclaration des droits de l’homme et du citoyen modifie le regard porté sur la pauvreté et l’aide sociale devient un devoir sacré. La société doit la subsistance aux citoyens pauvres. La révolution retire toute influence religieuse aux institutions de bienfaisance et les transfère à l’État, c’est-à-dire à la propriété publique.

Au 19ème siècle avec la révolution industrielle une classe nouvelle voit le jour : c’est la classe des travailleurs vivant de leur salaire, sortis de leur milieu d’origine et donc vulnérables aux risques liés au vieillissement, aux accidents, aux maladies, au chômage… Des sociétés de secours mutuels s’organisent souvent avec l’aide de patrons ou mécènes adeptes de la charité chrétienne.

À la fin du 19ème siècle c’est l’Allemagne qui est le premier état à se doter d’un système d’assurances sociales obligatoires sous l’impulsion de Bismarck qui fait adopter des lois d’assurance contre la maladie (1883), contre les accidents du travail (1884) et une loi d’assurance vieillesse (1889) avec prélèvements de cotisations, le but étant d’assurer un bon fonctionnement de l’économie avec des ouvriers en bonne santé.

En France :
-la loi du 9 avril 1898 instaure une indemnisation des salariés victimes d’accidents ou de maladies liées au travail ; Il s’agit tout simplement de se réapproprier ensemble l’avenir de notre monde
-la loi du 5 avril 1910 instaure un régime obligatoire de retraite avec cotisations ouvrières et patronales et apport de l’État, l’âge de départ à la retraite est de 65 ans. Elle n’a jamais été appliquée.
-La loi du 30 avril 1930 instaure les assurances sociales pour risques de maladie, maternité, invalidité et vieillesse.

Il faut attendre la fin de la seconde guerre mondiale.
C’est en 1945 que le Conseil National de la Résistance, dans son programme « Les jours heureux » , annonce un plan complet de sécurité sociale qui doit être un système solidaire et redistributif alliant protection universelle et gestion autonome par les partenaires sociaux. Les ordonnances d’octobre 1945 créent le Régime général des retraites par répartition ; les cotisations des actifs financent les pensions des retraités. L’âge de départ est 65 ans. C’est le Ministre Ambroise Croizat qui a porté cette loi.

2) Les réformes
Des réformes de progrès de 1945 à 1982
1947 – création de l’AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres)pour les cadres ;
1949 – caisse de retraite des professions indépendantes ;
1956 – minimum vieillesse ;
1961 – Création de l’ARRCO (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) retraite complémentaire pour le privé ;
1971 – Réforme Boulin relève le taux de pension qui passe de 40 à 50% du revenu des 10 meilleures années de la carrière, mais allongement des annuités de 30 à 37 1⁄2 années ;
1972 – La retraite complémentaire devient obligatoire pour tous. Deux volets sur la feuille de paye : retraite de base, retraite complémentaire ;
1982 – Arrivée de la gauche au pouvoir avec l’élection de François Mitterrand,l’âge de la retraite recule à 60 ans « pour un droit de repos en contrepartie des services rendus à la collectivité ».

Des réformes de régression sociale
Elles constituent une attaque en règle des ordonnances de 1945 :
1991 – Parution du livre blanc sur les retraites préfacé par M. Roccard. Il pose pour la première fois la question des conséquences du vieillissement de la population sur l’équilibre du système des retraites avec des pistes :
o Allongement de la durée des cotisations,
o Allongement de la durée de référence pour le calcul des pensions,
o Indexation des pensions sur les prix,
o Création de mécanismes de retraite supplémentaire par capitalisation.

Ces propositions ont toutes été mises en œuvre par la suite et servent toujours de base de réflexion pour chaque nouvelle réforme de retraites. MERCI ROCARD !
1992 – Création de la CSG(Contribution Sociale Généralisée) ;
1993 – Réforme Veil – Balladur s’en prend au privé :
o Indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires,
o Passage de 10 à 25 ans de la carrière pour le calcul des retraites,
o Passage de 37 1⁄2 annuités de cotisation à 40 pour avoir le taux plein, o Création de la DECOTE véritable sanction pour ceux qui n’ont pas fait leurs 40 ans de cotisation.
2003 – La réforme Raffarin – Fillon parachève celle de 1993 :
o Extension au secteur public des dispositions prises pour le privé, o 40 annuités pour tous,
o Décote de 1.5% par trimestre manquant à partir de 2015,
o Indexation des pensions du public sur les prix,
o Passage de 150 à 160 trimestres puis à 164 en 2012

Cette réforme grave dans le marbre un calendrier régressif pour éviter le recours à un autre texte de loi et fait passer à 164 puis à 166 trimestres avec comme impact d’augmenter la proportion de retraites avec décote.
2007 – réforme Fillon Bertrand
C’est la remise en cause des régimes spéciaux dont la retraite de la Fonction Publique qui est en fait un droit à pension conçu comme un traitement continué et qui est aussi une aspiration de tous à une retraite statutaire. C’est-à-dire un prolongement du salaire
2010 – Réforme Woerth
o L’âge légal de départ à la retraite passe à 62 ans,
o L’âge légal pour bénéficier du taux plein passe de 65 à 67 ans à l’horizon 2021,
o La convergence entre les régimes public et privé se poursuit,
o Taux de cotisation du secteur public passe de 7.85% à 11.20% en 2020.
2012 – Petite embellie avec le gouvernement de M. Ayrault : retour partiel à 60 ans pour les carrières longues ;
2014 – Réforme Marisol Touraine
o Instauration d’un compte pénibilité qui devrait permettre de partir plus tôt,
o Allongement progressif de la durée de cotisation à 172 trimestres jusqu’en 2035,
o Abaissement de la valeur d’un trimestre à 150 SMIC (salaire minimum interprofessionnel garanti) horaire brut,
o Fin de nouveaux droits à la retraite dans le cadre d’un cumul emploi- retraite,
o Fin de nouveaux droits à la retraite dans le cadre d’un cumul emploi- retraite.
2023 – Réforme Borne – Macron
o Age de départ fixé à 64 ans à compter du 1er septembre 2023,
o 43 annuités de la reforme Touraine doivent prendre effet en 2027 au lieu de 2035,
o Age du taux plein sera de 67 ans pour 20% des femmes et pour ceux qui auront fait des études longues,
o Fin des régimes spéciaux pour les nouveaux recrutés. Pour faire passer la pilule quelques petites avancées :
o Revalorisation des petites pensions à 85% du SMIC pour 43 annuités ; o Meilleure prise en compte de la pénibilité sans réelle définition ;
o Emploi des seniors encouragé !

3. Conclusion
Trente ans de réformes c’est :
-Allongement de la durée des cotisations ;
-Report de l’âge de la retraite ;
-Réévaluation du mode de calcul des pensions ;
-Réduction et même suppression des spécificités des régimes publics et des régimes spéciaux ;
-Création d’un fonds de solidarité et vieillesse et du compte pénibilité.

Toutes ces réformes sont faites avec le même argument : sauver notre système par répartition auquel les français sont attachés. Le rapport du COR (Conseil d’orientation des retraites) ne signale aucun danger de déséquilibre pour l’avenir de notre système et donc il n’y a aucune nécessité de cette 7ème réforme injuste et brutale refusée par la majorité de la population.

Les motivations de Macron sont à chercher ailleurs : dans la casse des services publics, dans les cadeaux aux entreprises et au Capital. Il s’agit de faire payer aux retraités les dépenses annoncées et non financées. Et l’objectif du MEDEF (Mouvement des entreprises de France), ami du gouvernement, c’est d’en finir avec les ordonnances de 1945 trop favorables aux classes populaires.

En conclusion, si nous refusons la réforme Borne – Macron, nous ne nous satisfaisons pas pour autant du système actuel mis à mal depuis 30 ans.

Nous voulons une loi qui garantisse un droit universel à la retraite (et non un régime unique) qui doit tenir compte des spécificités professionnelles et garantir un montant suffisant de la pension, avec une égalité hommes-femmes, pour offrir un repos et une vie décente et en bonne santé après les années de travail.

Irène TAUTIL
ATTAC Var 9 rue Gounod 83500 La Seyne sur mer
attac.83@orange.fr

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Attac Var
MAISON DES ASSOCIATIONS
9 RUE GOUNOD
83500 LA SEYNE SUR MER

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