La Foi et ses adeptes

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Dans mon dernier article sur l’énergie j’ai indiqué que le Ministre chargé de l’écologie s’était illustré en disant sa « foi » dans les énergies renouvelables et j’ai plaidé pour une approche plus réaliste de l’avenir de nos sociétés. Je pense avoir récolté un nombre important de commentaires montrant que beaucoup de mes contemporains ont d’abord besoin de croire avant d’affronter la vie, je n’en suis pas étonné, mais j’ai du mal à engager la discussion avec chacun d’entre eux.

Tout d’abord mon approche des problèmes de l’énergie n’a jamais été ni partisane ni idéologique, j’ai participé activement au rapport sur l’énergie lors du choc pétrolier de 1973, nous y avions suggéré la création d’un « Commissariat à l’Énergie Solaire », ce qui a été fait, pour faire pendant au Commissariat à l’Énergie Atomique ! Le soleil nous fait vivre, c’est notre source d’énergie, et nous avons à travailler pour le domestiquer. L’effet photovoltaïque maitrisé, les capteurs se sont multipliés et il nous reste à stocker l’énergie électrique. J’y ai travaillé de 1973 à 1981, je continue à suivre les travaux scientifiques, techniques et industriels, nous sommes très loin des solutions économiques et l’énergie solaire reste « intermittente », c’est-à-dire qu’elle ne permet pas une continuité du service, elle doit être « doublée » par des installations nucléaires, thermiques ou hydrauliques.

Ayant résolu le problème technique du stockage, la cause du choix « absolu » solaire  en serait-elle évidente ? Pas vraiment car intervient alors la comparaison des couts des diverses énergies, et c’est là que mon « théorème » l’énergie de demain est la moins chère intervient et est contesté par les dépositaires de la « vérité » issue de la « foi ».

Mon origine, ce n’est pas fréquent chez les industriels, c’est la science, et c’est donc le doute. J’ose dire effectivement que je ne sais pas ce que nous réserve l’avenir en termes de couts et qu’en plus cette notion va varier selon les individus et les contrées ! Il n’y aura donc pas UNE vérité universelle mais DES vérités individuelles, locales, régionales ! Je connais les arguments des économistes qui me suggèrent de prendre en compte les « externalités « et ainsi de déterminer ce qui doit être la conduite raisonnable et raisonnée de nos contemporains. Simplement ce monde rationnel dans lequel ils se meuvent n’est pas celui que je connais et dans lequel je vis. Vivant pour la plupart en Occident dans des États-Nations ils n’ont toujours pas compris, par exemple, que l’Afrique sub-saharienne est un continent où les pays sont artificiels et que la conduite des acteurs économiques n’a qu’un rapport lointain avec ce qu’en disent leurs chefs d’États. Ils ont aussi du mal à comprendre le vaisseau-Chine se mouvant dans le monde seulement au mieux de ses intérêts sans aucune autre considération sur l’avenir de l’humanité.

Mon observation, et ce n’est pas une question de « foi », c’est que la façon dont les humains vont résoudre leurs problèmes énergétiques va dépendre de leurs ressources, c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’il leur apparaitra que leur solution est bonne pour eux, ils la choisiront. Celui qui vit sur le charbon en Silésie, en Inde ou en Chine va chercher à l’utiliser, le propriétaire de champs de pétrole et de gaz fera de même, le voisin des grands fleuves fera des barrages et le scientifique essaiera de domestiquer l’énergie nucléaire. On pourra essayer de tordre les bras pour « sauver la planète », mais ce sont les couts ressentis qui gagneront et si l’on a envie de dicter des conduites universelles on échouera forcément même si l’on a en tête une dictature mondiale. Je suis parfaitement conscient de l’importance des utopies pour montrer les directions et soulever l’enthousiasme, mais les grands mouvements de ces dernières décennies n’ont finalement pas si bien tourné ! Si je ne participe pas depuis cinquante ans dans mon domaine, l’énergie, au « tout » que ce soit pétrole, gaz nucléaire, solaire, hydraulique, géothermie, si je m’élève contre la « foi » dans les énergies renouvelables, ce n’est pas que je défends une source particulière, ni que je n’ai pas confiance dans le progrès technique concernant le solaire et le stockage électrique, c’est que la vie m’a appris l’existence de diversités selon les individus et les contrées.

L’utopie d’un gouvernement mondial qui détermine le « bien » énergétique et qui combat et interdit le « mal », je ne la partage pas, et j’ai été un très mauvais partenaire des politiques français dont j’ai partagé les combats car je n’aime les westerns qu’au cinéma. Heureusement ce n’est pas aussi simple que cela et on fait dire à la science bien des choses auxquelles elle ne connait pas encore grand-chose. Aux gens qui savent tout j’opposerai toujours le doute scientifique qui seul permet d’avancer dans la connaissance, soyons un peu plus humbles devant l’immensité et les maigres connaissances dont nous disposons.

Si mes contemporains souhaitent admettre les conclusions du GIEC sur l’évolution du climat, pourquoi pas ? Au niveau de gaspillage des ressources naturelles où nous sommes rendus, il est temps d’une prise de conscience et d’un changement radical de consommation vers ce que l’on appelle le développement durable que l’évolution du numérique va nous aider à accélérer. Que cela conduise à diminuer le carbone balancé allègrement dans l’atmosphère par bon nombre d’acteurs, cela va dans le bon sens. Mais que cette évolution souhaitable conduise à « interdire », à condamner, à instituer des taxes de portée régionale, à « diriger » des industriels locaux dans le sens du « bien » universel en leur fixant des dates butoirs de « permission », là on marche sur la tête, et c’est contre cela que je m’élève depuis des dizaines d’années. Trouver des substituts au pétrole et au gaz, oui, les interdire à terme, non ! Interdire la prospection et la recherche d’hydrocarbures, non, fixer des règles drastiques environnementales pour l’exploitation, oui.

Pour illustrer mon propos je ne résiste pas à communiquer sur la publication de la Commission de Régulation de l’Energie sur les charges qui vont peser sur les consommateurs d’électricité de France en 2018 .

« 7,938 Milliards d’Euro, soit 17% de plus que pour l’année 2016

5, 475 Milliards d’Euro pour le soutien aux énergies renouvelables (2,592 pour le solaire, 1,513 pour l’éolien en France continentale) et 0,363 dans les zones non connectées

1,461 milliard pour la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées

0,140 milliard pour les dispositifs sociaux en électricité

Pour mémoire la production Énergies Nouvelles renouvelables a été de 3,9 % pour l’éolien et de 1,6% pour le solaire en France continentale en 2016. «

Les réalités s’imposent à nous ! Pays endetté, à bout de souffle industriel, nous n’avons pas les moyens de modifier aujourd’hui notre production électrique vers le renouvelable solaire ou éolien. Je ne prends pas parti pour savoir si ce serait souhaitable, ce n’est pas possible, le consommateur paie déjà le tiers de sa note d’électricité pour soutenir les énergies nouvelles renouvelables, il ne s’en rend pas compte puisque cela se cache sous le sigle CSPE, institué pour la péréquation tarifaire, le service universel.

Dernier point, les comparaisons avec l’Allemagne, les anti-nucléaires sont satisfaits de la position qui y a été prise de fermeture des centrales. Il y avait une quarantaine de centrales thermiques en préparation, elles ont ouvert entre 2011 et aujourd’hui et permis au réseau de fonctionner lors des intermittences des énergies renouvelables. Si l’on fermait très rapidement trop de centrales nucléaires en France, il faudrait faire repartir des centrales thermiques, pour l’instant essayons de garder celles que nous avons et testons les expériences charbon+déchets végétaux à Cordemais et au Havre !

Loïk Le Floch – Prigent

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