Vous connaissez la dernière du Chef de l’Etat en plein dépeçage du code du travail ?
Il a trouvé le temps, vendredi 4 mars, de remettre l’insigne de la légion d’honneur au prince héritier d’Arabie Saoudite !
Si, si…c’est officiel même si l’Elysée l’a jouée discrète et n’en a pas fait un évènement médiatique, ça a été confirmé. Le nouveau ministre des affaires étrangères n’était pas étranger à cette affaire, comme dirait Anne Roumanoff ! Vous vous rendez compte !
Au nom de la France, de nos traditions républicaines, de nos valeurs proclamées, de démocratie, de laïcité, d’attachement aux droits de l’homme et de la femme, à l’abolition de la peine de mort, de la torture, attachés à l’égalité des sexes, de toutes les libertés de penser et d’exprimer sa pensée, dans le respect de celles d’autrui…venir se ridiculiser en décorant un monarque absolu à la tête d’une dynastie théocratique, héritière du wahhabisme qui se veut le « purificateur » de l’islam sunnite.
Un Etat puissant dont tout le monde sait d’où et de quoi il tient sa puissance. Et qui inspire l’idéologie de ceux qui se réclament du djihad pour éradiquer de la surface du globe tous ces mécréants et ces apostats qui n’entrent pas dans leur vision du monde et de l’au-delà. A commencer par les autres courants de l’islam en terre d’islam.
Ils n’hésitent pas à semer la terreur partout où des musulmans sont à leurs yeux « victimes des forces du mal », pour les venger à travers le monde en brandissant leur religion pour héroïser leurs actes criminels et dissimuler leurs intentions politiques. Tandis que la communauté des musulmans se voit trop facilement assimilée à l’infime minorité de ces fanatiques qui vivent leur mort comme une libération et celle des autres comme un devoir. Leurs actes servent à merveille les desseins d’une extrême-droite cynique en France et en Europe.
Le monarque saoudien, gardien de l’orthodoxie wahhabite, vient, le 2 janvier dernier, de passer à l’arme blanche un prédicateur chiite ainsi que 46 « terroristes » du même courant minoritaire en son royaume. Il en est à plus de 70 exécutions en un peu plus de deux mois, après 153 en 2015 sans compter les peines de tortures. Evidemment ça impressionne. Pas jusqu’à l’Elysée.
Il est vrai que Manuel Valls, sur France Inter trouvait que Ryad et Doha luttaient contre le terrorisme, il n’en doutait pas ! Voilà qui n’est pas fait pour nous rassurer. Mais chut…ils financent de grands clubs, ils investissent chez nous, ce sont des bienfaiteurs, ouvrons-leur les bras.
Jean-Marc Ayrault avait son air de chien battu à la télé, pour minimiser l’affaire. « C’est une tradition diplomatique ». Ben voyons. C’est vrai Sarkozy avait fait un triomphe à Kadhafi en son temps avant de le traquer comme le pire parmi les pires. Il avait même invité à Paris le 14 juillet 2008 Bachar el Hassad, aux côtés de Ben Ali et Moubarak pour le défilé du 14 juillet.
Aujourd’hui c’est avec Bachar el Hassad qu’on ne discute plus. Fabius trouvait que les rebelles même ceux qui se réclamaient du djihad « faisaient du bon boulot »en Syrie. Comme les Turcs quand ils s’acharnent sur les Kurdes qui eux affrontent les hordes de l’Etat islamique…financées, formées, équipées par qui ?
On pourrait utilement s’interroger sur l’origine du chaos qui règne au Moyen-Orient et sur la responsabilité des puissances occupantes du temps béni des colonies, avant les découpages à la règle sur une carte, puis les conflits incessants et les interventions militaires qui n’ont fait et qui ne font que rendre la situation inextricable si un processus de paix ne vient pas interrompre la spirale de l’affrontement militaire pour l’appropriation des richesses et du pouvoir dans cette région du monde.
Réfléchir sur la politique de colonisation d’Israël en Palestine, avec la bienveillance de fait des nations dominantes et sur l’impact qu’une telle occupation civile et militaire peut avoir sur l’ensemble des populations au Moyen-Orient. Quel message leur est envoyé ? Le plus fort s’impose.
Réfléchir aussi sur l’ampleur du désastre humain d’abord ainsi que sur les destructions de villes entières, d’infrastructures, d’écoles, d’hôpitaux, de musées, d’oeuvres d’art…Sur l’urgence de la reconstruction et de la paix.
Plutôt que de faire partie des grands fournisseurs d’armes de la planète, la France a mieux à faire qu’à banaliser les tyrans et à les sélectionner selon leur puissance financière et le volume de leurs commandes. Faute de quoi, les migrants de tous ces pays, continueront de fuir le carnage. Et l’insécurité s’installera partout durablement. Avec la privation de nos libertés en prime.
A l’Elysée on a encore pas mal de décorations de chefs d’Etat à distribuer. Les soldes se prolongent. On a l’embarras du choix surtout si l’on ferme les yeux sur la nature des régimes que l’on honore…par rapport aux droits de l’Homme…et de la femme.
Tout est relatif mais est-on vraiment le critère de référence universel ? Nous le fûmes.
René Fredon
