La crise du logement s’amplifie

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S’y ajoutent la précarité énergétique et les 1,4 million de jeunes hors du cadre social. Les plus pauvres sont les premiers concernés.

Commentant le 27è rapport sur le mal-logement de la fondation Abbé Pierre dont il est le délégué général, Christophe Robert qualifiait le logement de « grand oublié du quinquennat », loin des promesses faites en 2017, il rappelait les coupes budgétaires inédites sur les APL d’un montant de 15 milliards dont 4 mds en 2022 !

Ainsi que l’insuffisance des mesures de financement de logements sociaux accessibles aux catégories sociales les plus concernées par le mal-logement, éligibles au PLAI (prêt locatif aidé d’intégration).

Dans le Var on sait le refus assumé et donc le non-respect de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains) par une majorité de maires de droite et des quelques maires RN.  On n’est pas très fiers de savoir qu’au 3 juillet 2023 il n’y avait que 6% de logements sociaux loués vides -soit 41 008 logements- sur les 494 743 résidences principales. Pour nous faire avaler la pilule on nous annonce que depuis 5 ans on en compte…6 371 de plus ! La belle affaire quand les plus grandes communes varoises freinent des quatre fers pour ne pas construire les logements sociaux nécessaires sous prétexte que le foncier est trop cher ! Il n’a cessé de grimper dans les régions les plus attractives dont la Provence.

Autrement dit, la spéculation immobilière n’a cessé d’exploser depuis une dizaine d’années.

Elle est la bienvenue pour les libéraux qui cherchent à réduire les dépenses publiques, donc les constructions sociales et à les remplacer par une clientèle plus solvable qui peut accéder à la copropriété ou à la location privée inaccessibles à la majorité des familles dans l’attente d’un logement de qualité à vocation sociale et non lucrative.

Voilà que l’inflation et la perte de pouvoir d’achat qui frappent d’abord les populations les plus fragiles, s’étendent à d’autres couches sociales qui ne peuvent plus accéder à la copropriété avec des intérêts plus chers, des revenus moindres et un avenir assez sombre. Le niveau des prix de l’immobilier et la baisse des revenus se répercutent sur la demande, le marché « se tasse » comme on dit en langage pro de l’économie pour nous faire garder le moral !

Les transactions, dans le Var, marquent le pas dans le neuf comme dans l’ancien. Les promoteurs et acteurs de l’immobilier se rongent les ongles : ils ne vont plus gagner autant et se demandent combien ça va durer car jusqu’à présent les affaires marchaient très fort.

Et comme le libéralisme c’est la recherche des profits, des propriétaires de logements viennent même de faire signer des contrats à des locataires qui devront quitter leur logement fin juin pendant deux ou trois mois, pour que les propriétaire louent leurs biens à la semaine ? Ce qui leur rapportera autant et plus que la location à l’année ! Le locataire ne compte plus. Il cherchera une autre location vide en septembre. A lui les frais de stockage !

Sauf qu’il est interdit de louer un appartement pour une durée inférieure à 12 mois. La durée légale est de trois ans, renouvelable si rien n’autorise le propriétaire à donner congé à son locataire qui a aussi des droits. AirBnb ne s’occupe que des locations de durée limitée les plus rentables, dissuadant des propriétaires de louer en longue durée.

Le Var n’en a pas moins continué d’enregistrer de nouveaux habitants, il passe allègrement le cap du million d’habitants en 2012, tout en réduisant les constructions sociales ce qui  aggrave la situation des mal-logés et les discriminations sociales. Sans parler des pas-logés-du-tout estimés à 300 000 en France, les lieux d’accueil progressent certes un peu, sans suffire à atteindre les objectifs prévus compte tenu de la dégradation du pouvoir d’achat et de l’élargissement de la précarité des couches sociales les plus touchées, les coûts de l’alimentation et des énergies devenant insupportables et sources de privations encore plus graves.

La dérive des prix des énergies
Après une hausse de 15% le 1er février 2023, le gouvernement a annoncé une nouvelle hausse de 10% le 1er août. Évoquant la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, l’état du parc nucléaire…Soit, pour les 22 millions de clients d’EDF une augmentation de 160 euros après les 260 de février ! C’est énorme et c’est encore pire pour les clients du fournisseur italien ENI qui ont reçu des factures doublées en un an, à consommation égale.

Tel est le résultat de la privatisation d’un de nos services publics essentiels, sacrifié sur l’autel de la soi-disant « concurrence libre et non faussée » ?! Alors que grâce à ses 56 réacteurs nucléaires la France produisait largement et sans carbone, ce dont elle avait besoin à des prix les plus bas d’Europe. Le 1er réacteur a été mis en service en janvier 1956. Aujourd’hui, est-ce un hasard, la moitié du parc est à l’arrêt ?

Ce sont encore les couches populaires qui en font les frais et il y a tout lieu de croire que cela a toutes les chances de s’aggraver : la flambée des prix des énergies va peser de plus en plus lourd sur les budgets insuffisants des couches populaires. Les riches et les très riches n’en ont que faire ? Leur zone de confort  a tendance à augmenter et ils y tiennent mais à quel prix pour les autres ? Et quelle conception de l’intérêt national ?

Comment n’y aurait-il pas de corrélation avec les colères et les conditions de vie dans nos quartiers populaires où plus de 30% des foyers sont en-dessous du seuil de pauvreté, une partie de la jeunesse prématurément sortie de l’école, sans formation ni emploi donc sans autonomie, à la charge des familles et hors du champ social ? Avec en prime, si l’on peut dire, des relents de racisme pour peu qu’ils soient d’origine arabe, trop nombreux sont ceux les considérant comme « pas chez eux » !!

La loi DALO  (Droit Au Logement Opposable) de mars 2007 est sensée garantir le droit au logement, à lutter contre le mal-logement et à mieux informer les bénéficiaires de leurs droits. Ce qui  implique l’intervention de l’État et des préfets dans les départements.

Or, constate la FAP, la loi « sécurité globale » adoptée le 15 avril « précarise et criminalise davantage les personnes sans-logis qui occupent ou se maintiennent dans des locaux vacants sans titre locatif ». Faute de logements d’accueil, comment peut-on éviter que des sans-toît se mettent à l’abri sans l’intention de se prendre pour les propriétaires des lieux.

Des associations les défendent : la solidarité n’est pas un délit. D’autant que l’on voit qu’un certain nombre d’élus locaux conservateurs préfèrent payer les pénalités (par les contribuables) plutôt que de réaliser des logements sociaux et d’accueil. Peut-être que si les pénalités étaient à la charge de ces élus décisionnaires, il en irait autrement ?

De même pour les expulsés et leurs familles, même s’ils ont pu négliger les mises en garde, la sanction ne peut laisser indifférents voisins.es et militants.es de la solidarité, pour obtenir un délai et un réexamen de l’étalement des dettes à l’organisme public.

L’évacuation par la force publique ne sera jamais une solution humaine. Elle ne peut qu’ajouter des problèmes aux problèmes si des propositions de relogement même provisoires ne sont pas faites à la famille qui, par discrétion, n’a pas pu éviter le pire et en parler plus tôt autour d’elle.

Le ministre de l’intérieur, patron des collectivités locales, vient de recevoir un camouflet mémorable de la part du Conseil d’État annulant sa décision de dissoudre l’association « les soulèvements de la Terre », une coalition qui regroupe des dizaines d’associations, de syndicats, d’ONG…et quelques 190 comités locaux.

Comme quoi la désobéissance civile peut avoir de saines motivations.

René Fredon

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