Le 4 novembre 1922 le petit canari de Howard Carter meurt d’une façon inexpliquée dans la vallée des rois en Égypte. C’était une belle journée pleine de promesses pour cet aventurier archéologue qui depuis trois ans écumait cette zone archéologique à la recherche de la trouvaille qui devait le récompenser de tant d’efforts. En posant la cage de son canari sur une vaste esplanade que ses ouvriers venaient de dégager des sables, le petit oiseau a fait cui cui puis il est mort.
Le lendemain 5 novembre 1922, Howard Carter soulève cette étrange dalle. C’est l’entrée de l’unique tombe d’un pharaon encore inviolée. Elle va révéler au monde la prodigieuse richesse de l’Égypte pharaonique. L’archéologue britannique envoie un télégramme à son mécène, Lord Carnarvon, et deux semaines plus tard, les deux hommes descendent l’escalier qui mène au tombeau.
La plus grande découverte archéologique du XX° siècle
Ce qu’ils découvrent est stupéfiant. Des cartouches montrent qu’il s’agit du tombeau de Toutankhamon. Mort à 18 ans, vers 1360 av. J.-C., le jeune roi dut attendre 3300 ans pour connaître la gloire ! Carter et Carnarvon promènent leur regard sur une salle remplie d’objets de la vie quotidienne et d’œuvres d’art, y compris des litières et un trône d’or. Peu de temps après Carnarvon décède dans des conditions mystérieuses.
Au printemps suivant, après avoir enregistré ses premières trouvailles, Carter perce une porte de l’antichambre et découvre… « ! De l’or, une montagne d’or » Sous ses yeux, un coffre en or de plus de cinq mètres de long contenant plusieurs sarcophages et la momie du pharaon. Ce qui suivra appartient à l’histoire de l’égyptologie.
Une énigme médicale
Mais sur cette découverte sensationnelle va se greffer une énigme médicale. Plusieurs morts mystérieuses dont celle Lord Carnarvon, vont frapper les premiers visiteurs de la tombe. En tout une quarantaine. Carter lui-même échappe de peu à une pneumonie qui le laisse sur le flanc pendant deux mois. Lorsqu’il revient sur le lieu des fouilles il découvre une hécatombe de morts suspectes. Des rumeurs commencent à circuler. Ce serait la malédiction des pharaons punissant ceux qui ont violé leurs tombes.
Plusieurs enquêtes sont effectuées. Certaines morts ne semblent pas liées aux fouilles et sont donc écartées. Pourtant il en reste une bonne douzaine, toujours inexplicable et mystérieuse sans compter celle du canari. L’enquête se poursuit. On pense à un venin de cobra qui aurait tué lord Carnarvon ou encore à un poison inhalé lors des visites des archéologues décédés. Certaines hypothèses sont plus fantaisistes comme celle du Prix Nobel, le tchèque Dorbal qui émet l’hypothèse d’un excès de radioactivité dans la tombe !
Alors on examine d’un peu plus près les formes de la maladie. Il s’agit d’une pneumonie double à « évolution aléatoire ». D’abord bénigne puis soudainement foudroyante. Le docteur Taha du Caire évoque la possibilité d’un virus endormi depuis trois mille ans ! La médecine d’alors connaissait bien des virus résistants au temps comme celui de la rubéole qui peut rester enclos dans l’œil d’un enfant, ou celui de la rougeole qui peut même persister quelques dizaine d’années dans le cerveau humain. Mais trois mille ans, depuis Toutankhamon ?
Alors on pensa à une allergie avec inflammation des voies respiratoire. Cette allergie serait due à un parasite, le Pediculoides ventricosus. On connaissait bien cette maladie en Egypte que l’on surnommait la maladie copte. Mais en général elle était bénigne. Alors ? Mystère…
Le coupable, la chauve-souris
Le pas décisif allait être franchi en Afrique du Sud. En 1958, plus de vingt ans après, l’ingénieur Wiles qui travailla plusieurs jours dans une grotte à 145 m de profondeur pour y étudier les chauves-souris contracta une étrange pneumonie double. Le docteur Geoffrey Dean qui le soigna, frappé par « cette forme nouvelle de pneumonie asphyxiante » adressa un échantillon de son sang à des chercheurs américains qui réussirent à isoler un vecteur pathogène plutôt rare, un histoplasme (entre le champignon, le virus et la bactérie). Grâce à un nouvel antibiotique, l’amphotéricine, testé pour la circonstance sur le malade lui-même, Dean réussit à guérir Wiles.
En publiant cette guérison sensationnelle il rapprocha le drame de son malade des accidents et des morts de nombreux spéléologues emportés après des séjours prolongés dans des grottes. Selon lui, tous ces chercheurs avaient été frappés par cette histoplasmose virale et c’est également ce qui avait sévi dans la Vallée des rois.
On découvrit par la suite que ce virus se développe dans le guano (les déjections) et le système pulmonaire de la chauve-souris et que par mutation il se transmet à l’homme. « Ce qui caractérise cette maladie, écrit Geoffrey Dean, c’est qu’elle provoque des atteintes diverses, qu’elle est souvent inapparente ou bénigne mais peut parfois amener des complications asphyxiantes graves, voire mortelles. »
Ainsi le drame des morts suspectes de la Vallée des rois, après 36 ans d’élucubrations diverses, trouvait le plus scientifique des dénouements. Lord Carnarvon et ses douze compagnons d’infortunes étaient donc morts d’une pneumonie provoquée par la contagion d’un virus mutant de la chauve-souris.
En ce qui concerne le corona virus de la pandémie mondiale actuelle, son origine naturelle est confirmée par les chercheurs. Le pangolin ayant été mis hors de cause, il semble bien que la chauve-souris soit la coupable récidiviste de la transmission à l’homme.
À moins que ce ne soit une mutation de la malédiction des pharaons qui nous punisse d’avoir modifié l’ordre des choses dans nos rapports avec la nature…
Jean François Principiano