Jean-Louis Masson, les Républicains et les scandales

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Avec l’affaire Benalla, le député LR de la 3è circonscription, Jean-Louis Masson s’en donne à coeur joie pour stigmatiser le pouvoir et singulièrement le Président de la République que « ni le préfet de police, ni le ministre de l’Intérieur, ni le Premier ministre ne veulent contrarier… »

Membre de la commission des lois, il déplore, à juste titre, la chape de plomb qui s’est abattue sur la commission des lois de l’Assemblée nationale « qui n’a pu entendre des gens dont l’audition aurait pu concourir à la manifestation totale de la vérité…parce que la responsabilité remonte au Président de la République en personne. »

Il constate que « ni le secrétaire général de l’Élysée, ni son chef de cabinet, ni le préfet de police, ni le directeur de l’ordre public et de la circulation…n’ont informé le procureur de lé République de l’infraction commise, comme le prévoit l’article 40 du code de procédure pénale… » et l’ancien colonel de gendarmerie qui fut maire de La Garde et vice-président UMP puis LR du conseil général, puis de la métropole, entend prendre l’initiative d’une propostition de loi tendant à considérer comme un délit ce refus de saisir la justice face à des faits aussi graves que ceux couverts par le pouvoir.

Une opportunité offerte à LR de faire oublier les scandales qui ont eu raison de F. Fillon, son candidat à la Présidentielle et provoqué l’éclatement de sa formation qui a du mal à s’en remettre. Comme à gauche d’ailleurs et à ce qui fut aussi le parti du président.

Cette fermeté, ces principes, ces valeurs…on aurait aimé les voir se manifester au temps où Sarkozy gouvernait la France. Même s’il n’était pas encore député (seulement suppléant), JL Masson était plutôt du genre discret et peu regardant sur ce qui se passait aux étages supérieurs.

Comme E. Macron le fut au moment de l’affaire Cahuzac, au tout début du quinquennat de Hollande qui l’avait nommé secrétaire-général adjoint de l’Élysée puis en 2014 ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, succédant à Montebourg. Il attendait son heure.

Avec Sarkozy, la République irréprochable parlons-en…
De 2007 à 2012, Sarkozy avait succédé à Chirac à l’Élysée et promettait « une République irréprochable » comme Hollande qui, lui, n’avait « qu’un seul ennemi … la finance! Moi Président… » etc. Et voilà que, dès le début, son ministre délégué au budget jure qu’il n’a jamais eu, qu’il n’a pas de compte à l’étranger : on connaît la suite.

Sarkozy avait démarré très fort en fêtant sa victoire sur le yacht de Bolloré, comme pour bien marquer son camp, celui des très riches. Mais il dut faire face à de multiples affaires très lourdes : de soupçons de financement illégal de campagne (Bygmalion, Bettancourt), les fausses factures, les pots de vin à propos de ventes d’armes (Karachi), sous le gouvernement Balladur, les valises de billets récupérées en Suisse, la boulimie des grands meetings impressionnant le téléspectateur, leur coût vertigineux et tous ses proches complices de la démesure : un trou 11 millions de dépassement à rembourser !

« Que voulez-vous, c’est le système Sarkozy, on ne lui dit jamais non, sinon on se fait engueuler… »
se défendaient quelques exécutants. Cela ne fait-il pas penser à quelqu’un de très haut placé donnant des leçons de morale, d’éthique, d’exemplarité, parlant d’économies en tous genres, surtout sur le dos des classes populaires et moyennes.

L’UMP a offert le spectacle d’une crise sans précédent, particulièrement violente. Ses ministres les plus proches (Guéant, Hortefeux…) y laissant quelques plumes. Et ça n’est pas fini.

Au début du mandat de l’hyper-président, le 25/9/2008, Jean-Louis Masson devait être à Toulon, au meeting de Sarkozy, en pleine crise des subprimes qui ébranla les économies et la finance mondiale qui, elle, a fort bien tiré son épingle du jeu tandis que les peuples se sont vu imposer l’austérité, le recul de leurs droits fondamentaux, de leurs protections sociales, de l’égalité républicaine toujours aussi virtuelle. La précarité ne cesse de gagner du terrain en France, en Europe et dans le monde.

Il aura entendu le nouveau président dénoncer « les dérives de la finance globale ». Il parlait même de « la fin d’un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie et avait contribué à la pervertir… » Il fustigeait « la logique de la rentabilité financière à court terme… On a financé le spéculateur plutôt que l’entrepreneur… » Il accusait « les banques de spéculer sur les marchés au lieu de faire leur métier et de mobiliser l’épargne pour leur développement économique… » Diable ! (1)

L’auditoire acquis se demandait, par moments, si le tribun n’était pas gagné par une vision trop pessimiste du système capitaliste ? Bien au contraire. Contre toute évidence, avec l’assurance qu’on lui connaît, il affirmait que la crise n’était pas celle du capitalisme mais d’une excroissance, la financiarisation, qui lui était préjudiciable. Tout allait rentrer dans l’ordre. Dans l’ordre capitaliste, bien sûr.

La duplicité d’un tel discours est, avec le recul, d’une clarté éblouissante : c’est exactement le contraire de ce qu’il disait à quoi on assiste dix ans après. La spéculation bat son plein, les profits d’une poignée de milliardaires explosent, le CAC40 en témoigne, la corruption est partout. Le pouvoir est aux mains des investisseurs qui décident, en fonction du taux de rentabilité financière attendue, où placer l’argent de la spéculation. Et nullement en fonction des besoins sociaux prioritaires des peuples définis par eux-mêmes.

La finance a pris une place hégémonique dans la gestion des économies capitalistes qu’elles soient privées ou d’État. Il s’agit d’une réalité indéniable et qui coûte de plus en plus cher aux finances publiques, en termes de fraude et d’évasion fiscale, de retards, voire de remises en cause, en matière écologique qui peuvent s’avérer dévastateurs.

Est-ce ça l’exemplarité dont se réclament les présidents successifs qui tous promettent de faire reculer le chômage avec le succès que l’on sait, alors qu’ils donnent aux très grandes entreprises des fonds publics et les moyens de licencier à satiété tout en faisant des profits colossaux, au nom de la compétitivité et des reculs sociaux qu’elle génère. Sans parler de la guerre économique et du chaos qui prend de l’ampleur.

Là dessus, JL Masson se fait peu disert. Il ne manque pas de s’indigner avec les victimes des conséquences des choix libéraux qu’il approuve…illustrant la phrase célèbre de Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

Aujourd’hui dans l’opposition (de droite) le député LR saisit toutes les occasions pour se démarquer sur la forme et tenter d’éviter que sa formation, qui a eu longtemps le pouvoir, voie ses électeurs siphonnés par l’extrême-droite ou par le pouvoir en place qui ne jure, comme lui, que par le libéralisme décomplexé. C’est ce que Wauquiez a bien du mal à faire passer en se plaçant sur le terrain du RN : sécurité-identité-immigration…sans toucher au capitalisme tout-puissant !

Qui sera le meilleur ? Le piège fonctionne toujours tant qu’une perspective de réel changement progressiste ne prendra corps.

Tout en ne laissant pas le pouvoir actuel fragilisé nous imposer ses méthodes, sa conception du pouvoir hyper-centralisé et sa politique de liquidation totale de notre modèle social et de nos services publics.

René Fredon
(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2008/09/25/le-discours-de-nicolas-sarkozy-a-toulon_1099795_823448.html

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