J’ai encore appris … de Jean-Claude Simoën

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J’ai appris de mon ami Tomi Ungerer que l’enfer est le paradis du diable

J’ai appris du talentueux Claudio Magris qu’on trouvera toujours un peu de l’or du Rhin dans le beau Danube bleu … éternité du saint empire romain germanique

J’ai appris que le silence qui suit une cantate de Bach, une sonate de Schubert, un concerto de Mozart ..leur appartient encore

J’ai appris des blasonneurs-poètes que le sexe féminin fut dénommé … le petit connin et même plus trivialement … le con … puis au XVIII siècle … la figue fendue mais aussi … le Luth … ma mie allons jouer du luth et vérifier nos accords … n’est-ce pas délicieux

J’ ai appris après une orgie de bruits à me délecter de silence

J’ai appris de Montaigne que c’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble

J’ai appris de Denis Diderot qu’il y a toujours un peu de testicules au fond de nos sentiments les plus sublimes et de notre tendresse la plus épurée

J’ai appris de Joseph Joubert que la tendresse est le repos de la passion

J’ai appris de Victor Hugo qu’il y a des gens qui ont une bibliothèque comme des eunuques un harem

J’ai appris que c’est quand Madame Bovary disparaît quelques heures dans un fiacre dont on ne voit plus que les stores hermétiquement clos que les imaginations s’embrasent … plus rien n’est écrit mais tous les fantasmes vagabondent … et c’est alors que la vindicte populaire, les censeurs et le sinistre procureur Pinard vont se déchaîner contre mon camarade Flaubert

J’ai appris avec Dominique Vivant Denon qu’il n’y a peut-être «  point de lendemain » mais fort heureusement beaucoup d’aujourd’hui

J’ai appris avec Nietzsche que sans la musique la vie serait une erreur

J’ai appris de mon ami Simon Leys que le travail est encore ce que les gens ont inventé de mieux pour ne rien faire de leur vie

J’ai appris avec Jules Renard que la postérité fait ce qu’elle veut et la gloire dont on dit que c’est le soleil des morts , ne suit pas avec docilité la courbe tracée par le soleil des vivants

J’ai appris de Milan Kundera que Paul Éluard étant devenu un adepte de «  la poésie du totalitarisme » en 1950 quand « les gouvernants du paradis » ont condamné son ami praguois Zavis Kalandara à la pendaison … a publiquement déclaré qu’il approuvait l’exécution de son camarade … comme quoi, on peut être un grand poète et un beau salaud … Liberté, je biffe ton nom

J’ai appris avec le délicieux Alexandre Vialatte, que le plus grand service que nous rendent les grands artistes, ce n’est pas de nous donner leur vérité mais la nôtre

J’ai appris du factieux Lucien de Samosate à traquer sans relâche, la boursouflure, l’ignorance, le pédantisme, l’imposture et tous les faux prophètes, tous ceux qui grenouilles aspirent à se transformer en boeuf

J’ai appris à mettre les pieds dans le plat quand on pense et à les retirer quand on écrit

J’ai appris de mon illustre compagnon Francois Rabelais … qu’une femme folle à la messe est une femme molle à la fesse … il avait donc aussi inventé la contrepèterie

J’ai appris à établir un distinguo entre l’ironie qui est l’art de déshabiller les autres et l’humour qui serait plutôt l’art de se déshabiller soi-même mais de telle manière que les autres se sentent également nus

J’ai appris de mon cher Nicolas Bouvier qu’il serait urgent de réhabiliter le comte de Gobineau, en oubliant la querelle sur «  l’inégalité des races » et lire urgemment «  les nouvelles asiatiques » ceux qui vont les découvrir ne peuvent pas, d’avance, imaginer leur plaisir

J’ai appris que pour Homère et aussi Hésiode … la terre est un disque plat autour duquel coule le fleuve océan et sur lequel vivent les hommes; au-dessus le ciel ou habitent les Dieux; au-dessous les enfers et le tartare ou se trouvent les morts , les monstres primitifs et les vents grouillants … vision bien singulière du monde !
Pour Anaximandre, la terre est un disque immobile dans l’espace toujours à  égale distance de tous les points … et enfin toujours à la même  époque … pour Pythagore …la terre est une sphère … géniale intuition … mais quel chemin pour la connaissance il restera à parcourir !

J’ai appris de Georges Brassens que le désavantage d’être connu c’est d’être reconnu par tous ceux que vous ne connaissez pas et que c’est un bien lourd tribut que vous payez à la postérité

J’ai appris qu’il y a beaucoup trop de livres qui n’ont de caractère que dans la typographie

Jean-Claude Simoën
Crédit photo : La voix du nord

1 COMMENT

  1. J’ai appris d’André Malraux (Les conquérants) que la vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut une vie.

    En écoutant mes coreligionnaires dont Martin Luther King, j’ai appris à voler comme les oiseaux et à nager comme les poissons, mais nous n’avons pas appris l’art tout simple de vivre ensemble comme des frères.

    j’ai appris de Gabriel Garcia Marquez qu’un homme n’a le droit d’en regarder un autre de haut que pour l’aider à se lever.

    « Avec tout ce que je sais, on pourrait faire un livre… Il est vrai qu’avec tout ce que je ne sais pas, on pourrait faire une bibliothèque. »Sacha Guitry.
    LdG

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