Invitation aux voyages et à l’histoire

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Chaque été, dans notre région, durant quelques semaines c’est le grand déchaînement vis-à-vis de nos concitoyens « gens du voyage » lesquels arrivent en nombre de plusieurs régions françaises pour des rencontres évangéliques et aussi pour travailler sur les marchés, foires, fêtes foraines…, faisant alors émerger de vieux relents de xénophobie.
Certes, certains grands groupes ne facilitent pas les choses en portant d’ailleurs préjudice à l’ensemble de leur « communauté », laquelle n’apprécie pas toujours ces comportements.
Je dis concitoyens car il s’agit de citoyens Français , Français depuis au moins 6 siècles, soit depuis bien plus longtemps que nombre de nos voisins Niçois ou Corses. Ils sont environ 350000 actuellement.
L’appellation  « gens du voyage  »  est un terme générique lié au mode de vie ; comme pour tout groupe (hommes politiques, journalistes, fonctionnaires…) le recours au collectif est toujours un bon moyen d’éviter de voir la diversité et l’unicité des personnes et il devient alors très facile de mettre tout le monde dans le même sac ( !).

On notera d’ailleurs de plus en plus qu’ils se sédentarisent ou évoluent vers une semi sédentarisation, les vrais voyageurs ne sont plus qu’une minorité .

Depuis l’origine des temps ils ont toujours fait l’objet de discriminations prononcées  voir d’extermination, ayant été par exemple les premiers à « expérimenter » les camps d’extermination nazis  ; à partir de 1941 les gens du voyage français (on disait alors nomades, sans domiciles fixe..) ont été raflés et parqués en camps d’internement par le gouvernement de Vichy ; de nombreux enfants et vieillards y sont morts de part les mauvais traitements, maladies, dénutrition… sauf que ces camps n’ont été fermés qu’en 1946….Vichy n’était plus depuis quelques temps déjà , tout en précisant que beaucoup ayant pu réchapper à ces rafles avaient œuvré dans les maquis ;
Mais la mémoire humaine et politique est sélective, surtout vis-à-vis de certaines « minorités » !
De part leur organisation en groupes familiaux, sans chef charismatique reconnu, tous les pouvoirs successifs les ont tenus en laisse via le « fameux » carnet de voyage par lequel ils devaient se signaler chaque fois qu’ils arrivaient dans une ville ; ce n’est que très récemment (juin 2015) que cette obligation a été supprimée.

Ce n’est que très récemment aussi , il y a 2 ans qu’une stèle (financée par souscription) à été érigée et inaugurée a l’emplacement du camp le plus emblématique, marquant la reconnaissance du fait historique par la présence d’un Préfet.
Certains de ces camps avaient d’ailleurs été recyclés ultérieurement pour y « accueillir » nos compatriotes harkis !

Comment donc en vouloir a ceux qui sont nés dans ces camps, gardés par des gendarmes français, y ayant vu mourir leurs parents ou frères, puis transmis leur histoire à leurs descendants, être particulièrement méfiants vis-à-vis de qui représente le pouvoir d’État ?
Comment leur en vouloir après avoir été (et être encore) considérés comme des malfaiteurs devant être suivis en permanence?
Cette vie et ces comportements collectifs sont liés à ces faits et réalités historiques et pour le groupe l’obligation de s’auto-protéger, l’effet de nombre étant la conséquence.
C’est bien de cette histoire que persiste une méfiance réciproque et cette difficulté à parler ensemble et que perdure la situation. Or, si comme tous citoyens ils ont des devoirs (et l’on ne se contentera pas des rubriques des faits divers montant en épingle des agissements délictueux identiques à ceux de tous les faits délictueux d’autres citoyens), ils ont des droits reconnus par la loi, sauf que cette loi via en particulier les Élus n’est pas respectée.

Droit en particulier pour eux de disposer et obligation pour les communes à réaliser des aires d’accueil et des aires de grands passages. Dans le Var à peine 50 % de ces aires sont réalisées ; Sud Sainte Baume est à 0% ! Alors on s’étonne que des conflits se créent ?
Plutôt que de vitupérer, et jouer les tartuffes, les Maires en cause devraient d’abord faire le nécessaire et ensuite mais seulement ensuite ils pourraient faire valoir la loi ; et ce n’est pas, pour certains, en se dédouanant de leurs obligations en participant financièrement à l’édification d’aires dans les communes voisines que la solution peut être acceptée ; en effet ce système génère la pénurie et donc aggrave la situation, et puis plus prosaïquement, la solidarité c’est aussi de porter chacun ses obligations !

Cette obligation est faites depuis mai 1990 ; que l’on ne dise donc pas que c’est une surprise  et qu’il y a eu de la bonne volonté pour aider à la résolution des choses et application de la loi !                                                                                                                                     Difficultés à trouver des terrains ? Mais pendant ce temps on a su trouver les terrains pour développer les campings de toute sorte, les parcs de loisirs… pour les touristes !

Ça coute des sous ?
Certes, sauf que pendant une longue période et pour encourager les communes, l’État finançait…ce qui n’est plus le cas puisque toutes les aires devraient être réalisées ; alors à qui la faute ou du moins la responsabilité ? Et puis n’oublions pas que ces aires sont gérées par des gestionnaires et que les utilisateurs versent une redevance pour l’occupation, l’eau, l’électricité, les déchets.
Désormais et pour les sédentaires et semi sédentaires, les PLU et PLUi doivent prévoir des emplacements pour des terrains familiaux, ces terrains participant d’ailleurs au quota SRU .
Ces sédentaires ou semi sédentaires sont pour la plupart des actifs dans le tissus économique local ou régional ; certains participent à la vie communale sans mettre en avant leur « origine »…..pour vivre heureux, vivons cachés!
Pour certains ils sont déjà propriétaires des terrains sur lesquels ils sont installés depuis de très nombreuses années, souvent à l’origine en périphérie des villages ; mais voilà que de part le mitage territorial et constructions de résidences nouvelles , les « nouveaux voisins » s’offusquent de cette présence sous leurs yeux de ces voisins « différents » !
Il est même des terrains, autrefois très isolés où des familles vivent depuis plus de 50 ans, qui se voient classés en insalubrité par l’État, et devant être évacués du fait de la présence trop proche d’une déchetterie municipale nouvellement créée(!)… et autorisée par l’État, alors qu’un projet devait procéder à la réhabilitation en terrain familial.
Et l’on pourrait encore longuement exposer les situations.

Mais rassurons tout le monde , les nouvelles générations faute de pouvoir vivre comme leurs parents acceptent tant bien que mal d’aller vivre en logements tout en ayant le plus possible sous les yeux la caravane qui les rattache à leur histoire en respectant cette histoire : «Un peuple sans histoire, n’a pas d’avenir»
Sans doute que d’ici quelques générations «l’ordre  institutionnel» arrivera à la disparition du mode de vie de ces concitoyens; les cirques, les fêtes foraines y perdront sans doute beaucoup … l’ennui naquit un jour de l’uniformité !
Comme ils disent, avec leur humour teinté d’un désespoir fataliste, « cela fait 6 siècles que l’on subit, on peu encore attendre … mais pas trop quand même! on a toujours été habitués à se débrouiller seuls, on ne demande pas autre chose que le respect de la loi, loi que l’on n’hésite pas à nous opposer et mettre en avant pour nous exposer à la vindicte. »

Et pour conclure, rappelons ces grands descendants tziganes, manouches et autres gitans, anciens et actuels :Django Reinhardt, Georges Cziffra, Manitas de Plata, Gipsy Kings, Kendji Girac, Salma Hayek, Michaël Caine,     Charles Chaplin, Tony Gatlif , Eric Cantona et frères, André Pierre Gignac…Et puis les familles Gruss, Pinder, Rancy, Bouglione, Romanes….

Jean-Paul Jambon
Représentant départemental Var
Fondation Abbé Pierre
Membre de la commission consultative départementale des gens du voyage

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