Intensifier la guerre ou chercher la paix ?

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Intensifier la guerre ou chercher la paix ?

L’émotion et l’indignation, face au meurtre de masse perpétré le 13 novembre, après celui du 11 janvier 2015, demeureront longtemps vivaces dans nos esprits frappés par la cruauté aveugle des tueurs fanatisés de l’organisation de l’Etat islamique.

Des tueurs recrutés en France et en Belgique, prêts à mourir en « martyrs » après avoir semé la mort et la terreur parmi la population.  Conformément à l’un des objectifs poursuivis par
Daesh qui s’est autoproclamé califat sur le vaste territoire qu’elle contrôle.

La nécessité de renforcer la sécurité, de traquer les auteurs et leurs complices, toutes celles et ceux qui peuvent être tentés de les rejoindre ou de justifier leurs actes criminels, cette nécessité allait de soi.

Devait-elle prendre la forme de la proclamation de l’état d’urgence ? Sans doute, pour une durée limitée et réductible si les dispositions mises en oeuvre, sous le contrôle permanent du parlement, donnaient lieu à des atteintes avérées à nos libertés. Ce qui est déjà le cas.

Le gouvernement a manifestement cédé à la pression de la droite et de l’extrême-droite pour qui la surenchère sécuritaire tient lieu de théme récurrent. Avec la désignation des boucs émissaires, les étrangers, les migrants et les Français qui ne sont pas vraiment chez eux : « On est chez nous… »  clament les affiches du Fn, attisant les haines !

Le gouvernement envisage maintenant de modifier la constitution pour prolonger et légaliser l’état d’urgence, selon l’argument : « la sécurité vaut bien l’abandon d’un peu de libertés… »

On peut d’autant moins y souscrire que ce serait mettre le doigt dans une logique permanente d’état de guerre, de pouvoirs renforcés à l’exécutif au détriment de nos libertés et droits fondamentaux, notamment d’expression et de manifestation, laissées à l’appréciation de l’autorité politique.

Et ce serait de surcroît aller dans le sens recherché par Daesh, de déstabiliser et diviser la société par la terreur et l’effroi, « afin de révulser les opinions publiques occidentales », selon le chercheur Pierre-Jean Luizard, (cité par Serge Halimi – Monde Diplomatique de décembre) renforçant le sentiment d’impuissance face à la stratégie des tueurs qui divise les Etats du grand Moyen Orient, dont certains sont directement impliqués dans la logistique et l’existence même de l’EI !

Se pose la question de l’éradication de cet « Etat » qui a déclaré la guerre au monde et à « tous les apostats, les rénégats musulmans » qui sont les premières victimes de cette armée du crime.

Peut-on croire que l’intensification de la guerre en Irak et en Syrie, une fois passées les frappes aériennes intensifiées de ces derniers jours, avec leurs victimes collatérales, vont se traduire par la réddition des tueurs ? On pencherait pour le contraire.

D’autant que, depuis l’invasion de l’Irak, sans mandat de l’ONU, en 2003 par les E-U, en riposte à la destruction du World Trade Center en 2001, puis de l’intervention de la France en Libye, plus tard en Syrie, cette région du monde s’est enfoncée peu à peu dans le chaos, laissant en moins de vingt ans quelques quatre millions de morts et plus encore de migrants fuyant les zones de guerres et de destructions massives.

De plus en plus nombreuses sont les voix qui s’élèvent contre la perpective d’une intensification de la guerre qui, loin de supprimer le terrorisme, l’a alimenté, comme l’a déclaré le PCF qui propose, pour s’attaquer à Daesh, « de simultanément, couper ses financements ainsi que le trafic d’armes et mettre en place une coalition de l’ONU qui, au-delà du combat contre Daesh, Al Qaïda et autres organisations, doit viser la reconstruction de ces régions, le retour au pays des réfugiés…une coalitions sûre d’établir une paix durable dans la région… »

« Cela indissociablement de la lutte contre la pauvreté, les inégalités chez nous qui génèrent de l’exclusion et de la violence, du désespoir et de la perte de sens. »

De nombreuses organisations progressistes, humanitaires, religieuses… abondent dans ce sens. On ne rétablit pas la paix par la guerre. On la compromet.

Cette approche invite à une sérieuse prise de conscience des échecs des politiques de ces trente dernières années qu’il vaudrait mieux ne pas prolonger. Ce que nombre de Français expriment : intellectuels, syndicalistes, pacifistes, humanistes, simples citoyens.

Edgar Morin, un mois avant, disait dans l’Humanité du 13 octobre : « …Plus les puissances extérieures sont intervenues, plus elles ont aggravé les conflits interarabes et intermusulmans. Les Etats-Unis et la France n’ont constitué qu’une coalition dérisoire contre Daesh et répondent par la cruauté et l’inhumanité des frappes par drones…En plus les ennemis officiels deviennent des alliés objectifs, tout en restant ennemis…l’extension du brasier s’est accélérée avec l’arrivée des frappes françaises et l’intervention russe sur terre comme dans les airs… »

Il appelle à « éteindre le brasier par l’imposition d’un cessez-le-feu entre combattants de tous bords, ce qui exclut le plus barbare de tous, Daesh contre lequel devrait se réaliser la grande coalition des moins barbares… »

Le général Desportes avait alerté le Sénat, il y a un an, lors de son audition qui avait fait grincer quelques dents : … »Ne doutons pas de la réalité de la menace directe pour nos intérêts vitaux, dont notre territoire et notre population. Daech est le premier mouvement terroriste à contrôler un aussi vaste territoire (35% du territoire irakien, 20% du territoire syrien)…
Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les Etats-Unis. Par intérêt politique à court terme, d’autres acteurs – dont certains s’affichent en amis de l’Occident – d’autres acteurs donc, par complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à son renforcement. Mais les premiers responsables sont les Etats-Unis. Ce mouvement, à la très forte capacité d’attraction et de diffusion de violence, est en expansion. Il est puissant, même s’il est marqué de profondes vulnérabilités. Il est puissant mais il sera détruit. C’est sûr. Il n’a pas d’autre vocation que de disparaître.
Le point est de le faire disparaître avant que le mal soit irréversible, avant que ses braises dispersées n’aient fait de ce départ de feu un incendie universel. Il faut agir, de manière puissante et déterminée, avec tous les pays de la région… »
Hubert Védrine lui aussi auditionné par le Sénat il y a un an, constatait :
« …depuis la fin 1991, l’Occident est intervenu plusieurs fois. Les résultats de ces opérations sont mitigés, parfois contre-productifs, comme en Irak en 2003 ou dans le cas libyen, où l’intervention, faite pourtant à la demande du secrétaire général de la Ligue arabe, a abouti au chaos actuel… »
Plus récemment, une fois n’est pas coutume, Emmanuel Macron, lors du colloque de son think tank « Les Gracques » a quelque peu surpris, en s’interrogeant sur ces terroristes nés et éduqués en France qui avaient pu l’attaquer jusqu’à se sacrifier : « Ils ne viennent pas de milieux défavorisés. Comment et pourquoi s’étaient-ils transformés en assassins de leur mère nourricière ? Il nous faut trouver les causes profondes de cette radicalité ? »
Parmi ces causes, il a relevé : »les injustices, les discriminations et surtout l’échec de la mobilité sociale. Nous sommes dans une société toujours plus endogame où les élites se ressemblent de plus en plus et ferment la porte. Lorsqu’on étouffe la société on nourrit l’amertume l’exclusion et au bout du compte, la folie totalitaire.
Notre premier devoir ce n’est donc pas seulement de prendre des mesures sécuritaires, mais d’ouvrir la société sinon elle ne tiendra pas. »
Quelle soudaine lucidité ? Serait-elle à mettre au compte de l’émotion ? Le problème c’est que Mr Macron participe et inspire une politique qui va diamétralement dans le sens opposé à son constat du moment.
C’est bien pourquoi il est essentiel de ne pas s’en remettre aux conservateurs de tous bords, encore moins aux semeurs de haine et de divisions. Il est urgent de changer à la fois le cours de la politique extérieure de la France et de sa politique intérieure, les deux aujourd’hui fondées sur la soumission  aux dogmes libéraux.
Pour construire une société républicaine et laïque du vivre ensemble, du partage des richesses et des connaissances, de la tolérance, des coopérations, une société fière de ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

René Fredon
http://www.alterinfo.net/les-Etats-Unis-ont-cree-Daesh-dixit-Le-general-Desportesaux-senateurs-francais_a110582.html#XgQ02yaoOpxDox1E.99

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