Il y avait foule, samedi dernier, entre le stade Mayol et la mairie et ce n’était pas seulement pour le match annoncé… Parmi les promeneurs, nombreux sont ceux qui se sont retrouvés dans la librairie « Le Carré des Mots », pour un rendez-vous essentiel avec Lucien, et ses enfants, Isabelle et Jean-Luc.
Pas de tristesse mais des sourires et une sincère émotion pour fêter la publication de cet ouvrage qui rend hommage à un médecin et poète disparu en 2006, « Lucien est de sortie ».
Souriante et disponible, Isabelle a bien voulu répondre à nos questions, rappelant que ce père aimé était aussi un pionnier dans le domaine de la pédopsychiatrie .
Nicole Fau
LUCIEN FORNO : « Lucien est de sortie »
Préface : Isabelle Forno
Les Cahiers de l’Égaré, janvier 2024
Après des études en sciences politiques et en sciences humaines, je me suis orientée vers les ressources humaines et me suis spécialisée dans le pilotage et l’accompagnement des changements collectifs et individuels, puis dans la prévention des risques psycho-sociaux. Mon premier poste a été celui de « chef de personnel » (comme on le disait à l’époque !) en l’occurrence du journal Var-Matin, le dernier celui de DRH pour l’Outre-mer de TDF (Télédiffusion de France).
Bref une vie entière dans la matière humaine !
Par ailleurs j’ai écrit un essai sur les questions de souffrance au travail (publié chez Syllepse en 2012) et un recueil de textes poétiques sous le titre « Concertina » (édité en 2021 par les Cahiers de l’Égaré)
TV83.info : Lucien est de sortie… Mais qui est Lucien FORNO ?
Isabelle Forno : Pour faire simple, Lucien FORNO était, pour commencer mon père ! Mais pour beaucoup de toulonnais c’était surtout le « Docteur Forno », pédopsychiatre, extrêmement impliqué dans la cause de l’insertion des enfants et des adultes en difficulté ou en situation de handicap. Le foyer occupationnel de jour, au sein de l’AVATH-ERMITAGE dont il a été le fondateur, porte son nom.
Mais sous le médecin, se cachait aussi un poète, sous l’identité toute simple de… Lucien !
TV83.info : Comment est né cet ouvrage, et quelle émotion ressentie une fois le livre édité?
Isabelle Forno : Dix-huit ans après le décès de mon père, mon frère Jean-Luc et moi, avons ouvert ses archives, et y avons découvert un volume très important de textes poétiques.
Certes nous connaissions la passion de notre père pour la poésie, née à l’adolescence de sa fréquentation du poète symboliste Saint-Pol-Roux, savions notamment son admiration pour les troubadours occitans du Moyen Âge, maîtres dans l’art complexe de la « sextine », mais sous-estimions complétement l’ampleur de sa production !
Après un long travail de déchiffrage et de sélection, et grâce à l’éditeur des Cahiers de l’Égaré, très sensible au travail d’ « épitaphier » que représente une publication posthume, l’œuvre poétique de mon père sort aussi en librairie!
Et du coup avec la parution de ce livre, c’est Lucien qui sort de sa clandestinité, et la poésie qui était son jardin secret devient un lieu de retrouvailles et de partage !
Comme un retour à la vie d’autant plus émouvant qu’une sorte de dialogue s’instaure véritablement entre Lucien le médecin-poète et ses amis toujours vivants (psychiatres, psychologues, patients…) qui ont à cœur de nous dire combien ils retrouvent dans ce livre l’homme qu’ils ont connu et que parfois même ils découvrent !
Cela a été le cas souvent pour nous aussi !
TV83.info : Quels sont les domaines médicaux que l’on doit aujourd’hui encore à ce pédopsychiatre et poète ?
Isabelle Forno : Mon père a certainement été l’un des pionniers de la pédopsychiatrie en région PACA, et l’un des ardents promoteurs d’une vision pluridisciplinaire du traitement du handicap. Très soucieux de l’insertion sociale par le travail de ses patients devenus adultes, et de leur plus grande autonomisation, il n’eut de cesse de créer et de développer des structures dédiées d’accompagnement et de soins.
Toutes ces structures continuent d’être très actives et accueillent constamment de nouveaux projets.
À Toulon, dans le nouveau centre de la médiathèque Chalucet un lieu de restauration va bientôt être inauguré, fonctionnant sur le mode d’une « entreprise adaptée », permettant concrètement et naturellement, l’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap au cœur de la cité.
Car si notre père aimait les mots, et y trouvait un refuge ressourçant, il excellait aussi par son écoute à alléger les maux de ses patients, sans jamais perdre de vue les actions concrètes à mener pour leur permettre de vivre dans une société plus humaine et plus inclusive.
Ses poèmes, par leur diversité de forme et d’inspiration, sont à l’image de son énergie débordante et de sa créativité.
C’est peut-être ici que le poète et le psychiatre se rejoignent, qui par le truchement des mots, participent à notre mieux-vivre !
