Gilets jaunes : les leçons de la géographie

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Alors que le mouvement en est à sa neuvième semaine, on constate qu’il ne s’essouffle pas. Que se passe–t-il ? On a interrogé l’histoire. Certes. Mais la géographie est tout aussi éclairante.

Christophe Guilluy et les fractures du territoire français.
Dans un essai publié en 2018 ce géographe, auteur entre autres d’un Atlas des fractures françaises  analyse les nouvelles composantes des territoires et des populations en Europe occidentale et notamment en France. Il explique comment se (re)compose la population et comment elle se répartit territorialement et socialement. Il annonce le mouvement des Gilets jaunes. Résumons sa pensée.

Au centre, il y a une élite.
Ils habitent les beaux quartiers des villes (ce sont des décideurs économiques et politiques, des intellectuels, des journalistes, des célébrités médiatisées…) Tous ont fait les mêmes brillantes études. Ils sont mondialistes et pourraient vivre dans n’importe quelle ville, Paris, New-York, Londres, Milan, Francfort… Ils font tourner l’économie. Ils sont tout-puissants et arrogants.

Autour de ce centre il y a leurs serviteurs.
Ce sont des travailleurs des services, des employés, des nouveaux esclaves entièrement voués au bien-être de la classe des « bobos ». Ils jouissent d’un relatif bien être pour qu’ils continuent à servir ceux d’en haut. Ce sont les servants des politiques, des énarques, des ministères, des technocrates, des oligarques du pouvoir urbain. C’est une alliance de circonstance basée sur l’acceptation des seconds face aux exigences des premiers.

À la grande périphérie il y a les « gilets jaunes ».
Enfin, enrobant ces deux territoires on trouve la périphérie sociale, économique. Ceux qui vivent dans les petites communes délaissées de la France profonde. Dans le nouveau système post-libéral, ils ne servent plus à rien. Ce sont des laissés-pour-compte, des abandonnés, des retraités. On leur supprime les services publics, on ferme les gares, on n’entretient plus les routes ni les bâtiments publics. C’est la France de la fragilité sociale (voir carte). Les élites ne les rencontrent plus. Le paysage les efface. On les méprise. On les traite de fainéants. Ils ont juste le droit de se taire. C’est la majorité longtemps silencieuse et digne. Par contre ils payent les impôts, les taxes qui augmentent sans cesse. Ils se sentent trahis par leurs représentants depuis plusieurs décennies. Et comme il n’y a plus de transports en commun, ni de trains, ils n’ont que la voiture pour aller faire les courses. Longtemps muets et écrasés, ils se révoltent contre la pression fiscale qui grignote leur pouvoir d’achat. Et c’est le début d’un processus de protestation politique identitaire, qui est loin d’être terminé. Ils réclament plus de justice fiscale et sociale et une autre forme de démocratie. On peut les comprendre.

Jean François Principiano.

Sources : Christophe Guyllui « Fractures françaises » Champs essais et « No society » la fin de la classe moyenne occidentale Flammarion.

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