Georges Braque & Henri Laurens au musée de l’Annonciade

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C’est l’évènement de l’été !
Depuis le 10 juin jusqu’au 8 octobre 2017.

Le Musée de l’Annonciade présente pour l’été 2017 une exposition consacrée à deux artistes majeurs du XXème siècle, le peintre Georges Braque (1882-1963) et le sculpteur Henri Laurens (1885-1954). À partir de 1911, Henri Laurens se lie avec Georges Braque et entretient avec lui une profonde amitié. L’exposition propose à travers 67 œuvres issues de musées nationaux et galeries de prestiges ainsi que de collections privées, un regard croisé sur le travail de deux artistes qui n’ont cessé tout au long de leur vie de dialoguer.

Réunir Georges Braque et Henri Laurens dans une même exposition c’est avant tout mettre en avant l’heureuse et fertile amitié qui les a lié pendant la plus grande partie de leur vie.

Unis dès 1911 dans leur travail, les 2 artistes ont suivi des trajets souvent parallèles bien que distincts. Au début, ils utilisent les mêmes sources, surtout le même besoin d’expérimenter l’espace et le rythme, le même désir de renouveler la forme et la matière, le même intérêt pour une grande simplification nécessaire pour atteindre l’extrême pureté de l’expression plastique.

Après la Première guerre mondiale, les deux 
amis se libèrent du cubisme synthétique pour une recherche plus intérieure. Bien naturellement, ils progressent vers un art de quiétude, d’équilibre qui conduit directement au cœur de la vie et transforme et exalte une palpable plénitude. 
De façon similaire, avec une extrême habilité, ils utilisent des stratagèmes, affinent des harmonies ou des clefs pour décharger leur pleine créativité et arriver à l’essentiel sans jamais d’excès.

Toujours modestes, même après avoir reçus les plus grandes reconnaissances, ils pour- suivent leur travail avec la même tranquillité, ils ne remettent pas en cause leur simplicité et leur naturel.

Les années 1915-1920
L’entrée de Braque dans la vie de Laurens est capitale à plus d’un titre. La solitude est rompue, il va connaître Picasso, Max Jacob, Reverdy, Matisse, Derain, Gris, Léger, Modigliani. A travers Braque qui l’initie au cubisme, s’opère le déclic par lequel son œuvre prend son départ.

En abordant le cubisme en 1915, Laurens semble prendre le relais de Braque. Il repart des fondements du cubisme en s’inspirant également de la leçon de Cézanne. « Tout dans la nature se modèle selon le cylindre, la sphère, le cône. »

De 1915 à 1919 s’ensuivent des constructions et des papiers collés, qui répondent à ceux réalisés par Braque, le créateur en août 1912 du premier papier collé. Il utilise peu de matériaux et ses papiers collés sont généralement constitués de grands aplats de papiers, peu nombreux aux textures nettement contrastées sur lesquels au fusain ou en blanc, il ajoute quelques précisions complémentaires :Tête de Femme, 1917, Tête de pro l, 1918.

Braque de retour du front, après une grave blessure et la longue convalescence qui suit, se remet à la peinture en 1917. Les natures mortes des années 1918-1919 revisitent le cubisme synthétique et sont proches de celles de Juan Gris et de Laurens. L’accent est mis sur la combinaison de formes découpées avec vigueur. Compotier avec grappe de raisin et verre, 1919 est très proche du bas-relief de Laurens, Compotier et grappe de raisin, 1922.

Les années 20
Tandis que Picasso s’écarte définitivement du cubisme, et que les suiveurs du mouvement en exploitent une version froide et systématique, Braque le revitalise en faisant appel à la peinture classique. L’artiste s’ingénie à juxtaposer dans ses tableaux des éléments figuratifs classiques et les secousses arbitraires de la vision cubiste.

Il vient de publier dans la revue Nord-Sud « Pensées et réflexions sur la peinture », 20 aphorismes traduisant le contrôle de l’esprit : « Aphorisme 14 – les sens déforment l’esprit forme. Travailler pour perfectionner l’esprit. Il n’y a de certitude que dans ce que l’esprit conçoit ».

Dans ses carnets, il note « le style préclassique est un style de rupture ; le style classique est un style de développement. » Les canéphores, 1922. Ses deux jeunes filles portant des corbeilles sacrées ont été comparées aux nymphes de Jean Goujon figurant les rivières de France. »

Doit-on voir là un retour vers la représentation traditionnelle, noté par les critiques de l’époque ?
 Henri Laurens, au même moment, opère lui aussi un retour à la tradition « Nous avions tout donné de ce que nous pouvions donner dans cette voie [cubisme] qui nous était connue. Il ne restait plus à chacun qu’à prendre la voie qui lui était personnelle. »

L’accent est mis alors sur le corps, le nu féminin.
Si certaines sculptures sont encore imprégnées de cubisme, il évolue vers une plus grande harmonie des courbes comme dans Nue couchée à la draperie, 1927.

 

 

 

Les années 30
Lentement l’œuvre de Laurens se déroule, toujours plus souple, et la sculpture se modi e ; un rythme plus sinueux comme dans Amphion, 1937

A partir de 1934, l’artiste s’éloigne progressivement des formes naturelles de la figuration et il prend une liberté vis-à-vis de la réalité.

« Quand je commence une sculpture, de ce que je veux faire, je n’ai qu’une idée vague. … Avant d’être une représentation de quoi que ce soit, ma sculpture est un fait plastique, et plus exactement, une suite d’évènements plastiques, de produits de mon imagination, et réponses aux exigences de la construction… je donne le titre à la fin. »

Les figures n’obéissent plus qu’à un rythme organique qui les gonfle ou les soulève, les creuse ou les magnifique dans un élan joyeux : La mère, 1935 .

 

 

 

 

Chez Braque aussi apparaissent de nouvelles formulations, des lignes sinueuses, mouvantes, un traitement fluide de la valeur. « Je suis maladroit pour le dessin, avoue Braque. Chaque fois que j’en commence un, il se termine en un tableau avec des hachures, des ombres et des ornementations. » Certains dessins deviennent effectivement des tableaux comme : Grande nature morte brune, 1930-1932.

 

Les années 40
Les années de guerre sont pour les deux ar- tistes, une période de retrait, de retenue, assombrie par l’occupation.
Ils mènent une vie retirée, se positionnant dans une « passivité active » selon l’expression de Jean Grenier.

L’austère vie quotidienne se traduit chez Braque par la guration d’objets usuels et nécessaires dans des natures mortes aux tonalités sobres : le noir réapparaît avec les gris ou les bruns sombres qui dominent les objets au centre de compositions privées d’espace. Il peint  Le Pain, 1941, Le Poêle, 1942-1943, Les Poissons noirs, 1942

« Je suis très sensible à l’atmosphère environnante. » Ce mot de l’artiste explique qu’au cours de l’année 1942 si l’inquiétude de l’état de guerre n’est pas une source d’inspiration directe, elle transparaît non seulement dans les natures mortes, mais également lorsque s’ouvrent sur un ciel oppressant, les fenêtres des pièces utilitaires : La toilette devant la fenêtre, 1942 
La mélancolie et la solitude de l’artiste à cette époque, reclus dans l’atelier face au chevalet, habitent les deux tableaux étonnants, L’homme à la guitare, 1942 et L’homme au chevalet, 1942.

L’art de Laurens traverse les mêmes tensions. Les années de guerre sont celles de l’efface- ment et du repli. 
Le sculpteur silencieux comme l’appellera Reverdy souffre pour sa patrie et se tait. Retranché Villa Brune, les figures de L’Adieu, 1940, La Nuit, 1943 ou La Dormeuse, 1943 expriment la tristesse et l’accablement de Laurens devant les malheurs de la patrie.

La figure qui jusqu’ici s’était ouverte au maximum à l’espace se trouve maintenant prise dans un volume fermé. Retournant à la figure-bloc, le corps pèse lourdement sur la terre mais l’énergie plastique mystérieusement enfermée sur elle-même reste intacte comme se renouvelant à la source éternelle.

Les dernières œuvres
La paix retrouvée, Henri Laurens semble vouloir cerner une fois encore, l’ensemble de son œuvre.
Dans les dix dernières années de sa vie, il reprend les thèmes des années 30, mais ses motifs se voient donner une nouvelle formulation qui n’a pour seul but que la recherche de la forme parfaite : L’Archange, 1947

 

et La Lune, 1946

 

 

 

 

Ultime réflexion sur la figure « passée et repassée par sa sensibilité » pour reprendre les mots de Giacometti.

La même sensibilité, la même profondeur d’expérience, la même attention portée au matériau sont à l’œuvre dans les dernières œuvres de Braque. La série des Ateliers, 1949-1956  réunit toute l’expérience d’une vie de peintre. Dans une composition complexe, centripète et labyrinthique « Moi, je me replie autour d’un centre » dit-il. On retrouve les motifs chers à l’artiste comme sa palette, les instruments de musique, le guéridon, le chevalet. Mais un autre motif voué à des développements futurs fait également son apparition : l’oiseau, forme incongrue et mystérieuse dans cet espace clos et intériorisé, dont le peintre donnera une éclatante version au plafond de la salle Etrusque du musée du Louvre. L’oiseau en suspend entre ciel et terre ou mer ramène Braque au paysage et les derniers tableaux, les plus nus, les plus audacieux sont de simples marines ou des champs de labour.

Jean-Paul Monery, Conservateur en chef.

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