Derrière le sourire crispé et l’allure martiale de la patronne, en pôle position des sondages à la présidentielle, se cache une situation beaucoup plus contrastée de l’état des lieux et du moral des troupes frontistes. Dans le Var et toute la région PACA où leur influence est particulièrement forte.
A Fréjus, à tout seigneur tout honneur, le sénateur-maire David Rachline ayant été promu directeur de campagne de M. Le Pen, vient d’enregistrer une déconvenue de taille : la décision de la cour d’Appel d’Aix de ne pas démolir la mosquée que s’était promis d’obtenir le nouveau maire FN. Et cela malgré de nombreuses irrégularités qui, sous la municipalité UMP précédente, avaient marqué cette édification.
Rachline n’avait pas lésiné sur les recours pour tenter de tenir ses engagements de campagne, la mosquée en étant plus qu’un symbole, une promesse formelle. Il comptait même organiser un référendum pour légitimer toutes ses démarches administratives et judiciaires dont le coût incombera bien sûr aux Fréjussiens (nes).
Mais à ce propos il aura montré ses muscles, sa détermination à priver les musulmans de sa commune d’un lieu de culte décent déjà réalisé et dont il ne voulait pas de l’ouverture ! Les turpitudes de son prédécesseur lui permettant opportunément de masquer son hostilité de principe.
Il a rapidement fermé un des trois centres sociaux et réduit les crédits dans ce secteur sensible qui touche une population fragile dont il voudrait bien se passer. D’ailleurs il vend beaucoup aux promoteurs, y compris dans ces quartiers populaires de la ville. Le secteur associatif vraiment indépendant est dans le collimateur de ce lepéniste inconditionnel aussi bien à l’égard du fondateur que de sa fille qui a voulu le destituer.
A Cogolin, le maire frontiste, Marc Etienne Lansade qui faisait dans l’immobilier à Levallois -la ville sulfureuse des Balkany- avant d’être parachuté ici, est en sursis. Depuis 2014, il enregistre 27 démissions sur 33 dans son conseil municipal, « un record de France »…note avec humour Le Canard enchaîné du 22 mars 2017.
Lansade rêve de grandeur et de grands projets…immobiliers bien sûr qui affolent même lss co-listiers au point qu’ils le quittent ou se retrouvent dans l’opposition. Lui reprochant une gestion irresponsable et dangereuse, des méthodes autoritaires…illustrées par les bulldozers sur le terrain occupé par des caravanes de gens du voyage qu’il faisait expulser, le maire devant les caméras tenant sur les Roms des propos ouvertement racistes et se vantant de son efficacité !
Un maire visiblement en très grandes difficultés après moins de trois années de mandat : belle performance.
Au Luc ce n’est guère plus brillant. La troisième commune frontiste du Var en est à son troisième maire ! Le premier Philippe de la Grange, élu en avril 2014 a démissionné en février 2015, un p’tit tour et puis s’en va. Officiellement pour des raisons de santé avait fait savoir la fédération FN du Var, en présence du démissionnaire.
Cet ancien membre de l’UMP passé au FN s’était signalé d’entrée, en augmentant son indemnité de 15%, histoire de s’attaquer aux gaspillages de ses prédécesseurs Il avait fait aussi retirer le drapeau européen du fronton de la mairie ! Maigre bilan.
Sa 1ère adjointe qui lui succéda, Patricia Zirelli, soumise à des tensions internes, ne tint pas très longtemps et démissionna le 14 mars 2016, n’acceptant pas le reproche qui lui était fait « de ne pas être assez front national » ! Elle a été débarquée par son parti. Avant elle prit ses distances avec son successeur, jugé plus « fiable »…On comprend dans quel sens. Pascal Verrelle n’a pas d’états d’âme, si on l’en croit. L’avenir le dira.
Ailleurs comme à La Seyne, on en est arrivé à des règlements de comptes savoureux, à la limite de l’empoignade physique mais avec séquestration tout de même. Il y a un an, le 15 mars 2016, le groupe FN (7 élus à l’origine au conseil municipal) éclatait. Il n’en restait plus que 5 d’ailleurs, deux ayant rapidement fait bande à part, rejoignant Dupont-Aignant.
L’incendie s’est propagé, ce fut au tour de Damien Guttiérez, également conseiller départemental et communautaire, de quitter le groupe FN. Il s’était permis de critiquer la présidente nationale ! Huit jours avant le conseil il était suspendu pour deux ans, ça ne rigole pas. Depuis il est redevenu « indépendant » en attendant de le retrouver sur une liste « apolitique »…Sait-on jamais ?
Ce jour-là, la chef de file des quatre, encore fidèles, Virginie Sanchez, ne se priva pas de lui régler son compte en public, lui rappelant que c’est grâce au FN « qu’il vivait confortablement avec ses indemnités d’élu… » qu’il devait son élection à La Seyne, au département et au conseil communautaire…après être passé par l’UMP et le MODEM, sans avoir obtenu d’investiture. Et pan sur le bec.
Ce qu’elle ne pouvait pas savoir, c’est qu’elle deviendrait, peu de temps après, une « rebelle » elle aussi suspendue du FN et qui menace de se présenter aux législatives avec l’étiquette du Parti de la France de Carl Lang, contre le secrétaire départemental Frédéric Boccaletti ! Bonjour l’ambiance dans ce parti devenu ivre de ses scores aux dernières élections régionales et qui suscite les appétits…aux indemnités d’élus, si on les en croit quand ils règlent leurs comptes.
Dans la foulée cette extrêmiste de droite déçue de sa grande « famille » a même séquestré le dit Boccaletti dans le local du FN et laissé un militant le gifler sans réagir ni le condamner, ça se passait fin décembre. Y a de l’ambiance !
A Toulon on n’est pas surpris, on les a eus de 1995 à 2002 : ils n’ont fait qu’une mandature, ils ont éclaté en trois groupes hostiles et laissé un bilan désastreux mais fourni sur le plan judiciaire. Apparemment leurs électeurs ont perdu la mémoire puisque ils sont encore plus nombreux à les suivre !
Et ils briguent la présidence de la République ! En attisant les divisions et les peurs avec leurs slogans sécuritaires, identitaires, nationalistes, xénophobes, en admiration devant Trump et son mur, ses velléités guerrières, ses idées de domination, de libéralisation totale de l’économie pourvu qu’elle profite aux Etats-Unis.
Ne perdons pas de vue que la candidate du FN a tout de même été sanctionnée par l’Office européen de lutte anti-fraude pour des emplois fictifs d’assistants parlementaires.
La façade de ce parti de l’imposture a beau être repeinte aux couleurs bleu marine, les promesses pleines de professions de foi républicaines et laïques, tout cela n’est que stratégie. L’intérieur, comme les racines, leurs vraies « valeurs » comme leurs fréquentations, comme la gestion des onze villes qu’ils dirigent dans le pays révèlent une tout autre réalité.
Les populations des trois villes du Var en font l’expérience. En Paca et ailleurs le même constat se généralise et les luttes intestines sont très répandues.
Sachons en tirer tous les enseignements et surtout contribuer à tarir la source du mal-être de notre société, de toutes ses catégories en grandes difficultés : la domination de la puissance financière à l’échelle du monde -le capitalisme- qui érige en dogme absolu l’argent et le profit d’une infime minorité de privilégiés, au détriment des peuples et d’un avenir de paix, de progrès social et écologique à notre portée.
René Fredon
